Laissons la parole à Francis

GAP, un nom approprié ?
29 juillet 2025
Le Guichet d’accès à la première ligne (GAP) du système de santé est censé simplifier la vie des personnes qui n’ont pas de médecin de famille. Il s’avère fort compliqué pour une personne âgée, surtout si elle n’a pas d’ordinateur.
Il faut d’abord attendre longtemps au téléphone avant de pouvoir parler à quelqu’un pour lui expliquer son problème. Il y a ensuite un questionnaire avec des choix de réponses, dont la bonne réponse ne figure pas toujours dans la liste. Parfois, il faut répondre par oui ou par non à une question dont la bonne réponse serait des fois oui, des fois non.
Après avoir passé par ce filtre éprouvant, on est mis sur une liste d’attente pour recevoir un autre appel afin de décider du rendez-vous. Pour cet autre appel, gare à vous si vous n’avez pas de cellulaire, car si vous avez le malheur de ne pas être à la maison ou d’être aux toilettes au moment où l’on vous appelle, on clôt l’appel et on enclenche le premier tour d’un décompte de trois. Il vous reste deux chances parce qu’après trois appels infructueux, on annule votre demande et il faut tout recommencer à partir de zéro.
Si vous avez la chance de recevoir l’appel, il faut choisir l’option « accepter l’appel ». On vous met alors en attente. Quand, enfin, on daigne vous parler, on vous fait repasser par toutes les étapes de la première fois avec le même questionnaire incongru.
Tout cela est exaspérant même si vous avez un téléphone cellulaire.
Mais ces embêtements ne sont pas le seul défaut du système.
En effet, le GAP ne peut traiter qu’un seul problème à la fois. Si vous avez mal à l’épaule gauche et au pied droit, quand vous avez un médecin de famille, vous prenez rendez-vous avec lui et vous lui parlez de l’ensemble de votre situation : votre douleur à l’épaule gauche et celle au pied droit.
Mais pour le GAP, il vous faudra deux rendez-vous et donc faire deux fois ce processus pénible. Ajoutez ça à toutes les embûches du système et vous avez une idée de la croisade qu’il vous faudra entreprendre.
En outre, si le rendez-vous qu’on vous propose coïncide avec un autre rendez-vous médical, ce qui est quand même fréquent chez les personnes âgées avec de multiples conditions ou encore chez les personnes traitées pour des maladies graves comme le cancer et qui nécessitent un suivi constant, vous répondez en conséquence qu’il est impossible de vous y présenter.
Malgré vos explications, au lieu de vous proposer une autre date, on inscrit dans le système que le rendez-vous est rejeté. Vous devez encore une fois recommencer tout le processus : appel au GAP, attente, questionnaire, attente d’un nouvel appel, stress de ne pas être là quand on vous appelle, attente, répétition du questionnaire.
On vous dit : « Vous comprenez, le système doit accorder le rendez-vous, on doit le passer à quelqu’un d’autre, donc on ne peut pas rester avec vous. »
La programmation informatique se fait à partir d’une série de conditions si, alors. Comment se fait-il que personne n’ait songé dans la conception du système à prévoir que l’on puisse prendre le rendez-vous suivant et mettre le rendez-vous rejeté dans un bassin où pourront puiser les autres intervenant·e·s téléphoniques. Il suffit de transmettre automatiquement une notification à tous les employé·e·s en ligne à ce moment-là, selon laquelle un rendez-vous a été libéré pour l’appel suivant à un autre patient.
Refiler le rendez-vous à l’autre appel et ramasser le suivant pour la personne à qui l’on parle, ce n’est pourtant pas si compliqué. Même la plus insignifiante des applications aujourd’hui disponible fait ce genre de choses. Si un ignorant comme moi est capable de concevoir ça, on se demande ce que valent les programmeurs que le gouvernement engage en sous-traitance. (En fait, poser la question, c’est peut-être y répondre quand on voit comment sont administrés certains autres dossiers.)
«Mind the gap», nous dit-on dans le métro londonien pour nous prévenir de faire attention à l’espace entre le train et le quai. Dans le réseau de santé québécois, le GAP est un fossé dans lequel vont s’abîmer les patients qui ne sont pas calibrés sur mesure pour le système.
LAGACÉ, Francis
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