Laissons la parole à Francis
21 janvier 2022
L’Institut national de l’excellence en santé et services sociaux [INESS] a été créé par le gouvernement libéral du Québec en 2011.
Sa mission est de « promouvoir l’excellence clinique et l’utilisation efficace des ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux. » Doit-on comprendre que le Ministère de la Santé et des Services sociaux n’aurait pas pour but de faire un travail excellent s’il n’était de cet institut ? Doit-on comprendre qu’il faut une loi pour obliger le monde de la santé à avoir de bonnes pratiques ? Que sinon, les cliniques, hôpitaux, centres de soins et autres agences du Ministère ne songeraient pas à soigner les patients au meilleur de leurs connaissances ?
Plus particulièrement, l’Institut a pour mission :
— d’évaluer les avantages cliniques et les coûts des technologies, des médicaments et des interventions en santé et en services sociaux personnels ;
— d’élaborer des recommandations et des guides de pratique clinique visant l’usage optimal de ces technologies, médicaments et interventions en santé et en services sociaux personnels ;
— de déterminer, dans ses recommandations et guides, les critères à utiliser pour évaluer la performance des services et, le cas échéant, les modalités de mise en oeuvre et de suivi de ceux-ci conformément aux meilleures pratiques de gouvernance clinique. [Extraits de l’article 5 de la Loi sur l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux]
« Évaluer les avantages cliniques et les coûts des technologies, des médicaments et des interventions en santé », n’est-ce pas en soi une mission du Ministère ? Ne devrait-ce pas être la préoccupation de tout le monde qui œuvre dans ce secteur ?
« Évaluer la performance des services », qu’est-ce à dire ? De quelle « performance » parle-t-on ? La rentabilité ? S’assurer que les méthodes sont appropriées ? ou appliquer l’approche lean qui fait la chasse aux temps morts et assure une gestion des flux tendus ?
N’interfère-t-on pas dans les fonctions de l’Institut national de la santé publique [INSPQ], dont la mission est « de faire progresser les connaissances et les compétences, de proposer des stratégies ainsi que des actions intersectorielles susceptibles d'améliorer l'état de santé et le bien-être de la population. » [Extrait de la présentation du site de l’INSPQ]
Le monde de la santé publique est basé sur la collaboration entre les diverses sciences médicales, physique, chimie, pharmacologie et les sciences sociales, urbanisme, démographie, etc. La Santé publique est une discipline universitaire qui dispose de normes rigoureuses déjà reconnues par des organisations comme l’OMS.
Que vient donc faire ici l’excellence, ce concept flou et peu objectif ? On y mettra bien ce qu’on voudra.
Le parallèle est patent avec le concept de gouvernance, une idée floue et fumeuse qui a remplacé les notions pourtant fort claires d’administration dans le domaine privé et de gouvernement pour ce qui est de la puissance publique. D’ailleurs on notera que la mission de l’INESS réfère aux « meilleures pratiques de la gouvernance clinique ». Ça ne s’invente pas.
On lira dans nombre de mes billets, tout le bien qu’il faut penser de la gouvernance, notamment dans le sixième paragraphe de celui intitulé Le masque démocratique tombe.
Comme la gouvernance, en proposant des règles sans rapport avec la philosophie politique, fait oublier la démocratie sur laquelle doit reposer tout gouvernement, l’excellence, sous prétexte de nous offrir du beau, du neuf, du super, dans la lignée des qualité totale et autre optimisation du travail, arrive à faire oublier qu’il existe une séparation entre la recherche scientifique et les décisions politiques pour tout dissoudre dans la soupe de la performance... économique il va sans dire.
Le gouvernement du Québec a fait jouer à l’INSPQ un rôle qui n’était pas le sien en le chargeant par la bouche du Dr Arruda d’expliquer des décisions politiques alors que son rôle est de conseiller sur des bases scientifiques sans cesse en évolution. C’était le placer dès le départ en situation d’échec.
Puis on a fait intervenir l’INESS, auquel on a cédé un rôle qui appartient à la Santé publique. Cette dernière étant discréditée par les valses-hésitations du gouvernement, l’INESS prend du galon.
Le fait que le directeur par intérim de l’INSPQ soit le directeur de l’INESS ne fait que le confirmer.
De la même manière que la gouvernance cherche à gommer la démocratie, il y a fort à craindre qu’on cherche à remplacer la santé publique par le concept flou et fumeux de l’excellence.
Francis Lagacé
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