Francis nous parle de communication
15 décembre 2022
Il m’arrive, et cela me paraît curieux, de passer pour technophobe juste parce que j’estime que les outils doivent nous servir et non l’inverse.
Dans le domaine de la communication et de l’information, la technologie est un véhicule. Elle n’est rien sans le contenu au service duquel elle doit se conformer. Si vous avez pris l’énoncé descriptif de McLuhan « Le média est le message » pour une prédiction, un souhait ou un mot d’ordre, vous êtes dans le champ.
Il s’agissait de tenir compte de l’effet contaminant ou déformant d’un mode de communication sur son contenu pour en faire une analyse rigoureuse. Mais, pour qui crée un message, le véhicule doit être au service du contenu. Pensez au message comme au plat dans la cocotte. Une cocotte appropriée permettra une cuisson optimale mais, si vous y mettez de la viande pourrie, même le plus au point et le plus beau des Creuset n’arrivera pas à rendre votre plat mangeable.
Prenons l’exemple des fameux Power Point, dont nombre de pédagogues paresseux ont cru qu’ils suffiraient à rendre leurs exposés intéressants ou efficaces. Une présentation qui ne fait que reprendre les mots du discours oral est d’une grande platitude. Une pléthore de diapositives finit par lasser l’auditoire. Les images qui ne font que reproduire fidèlement le propos sont superflues.
Les illustrations doivent dire autre chose que le texte dans le sens où elles doivent offrir un exemple concret tout en fournissant un plus à l’information transmise, et c’est le présentateur/la présentatrice qui doit orienter le regard de l’auditoire vers l’écran au moment où c’est nécessaire. Cela créera une relation dynamique entre l’orateur/l’oratrice et l’écran.
Le problème entre autres avec les technologies connectées, c’est qu’on ne les utilise pas avec un interrupteur, ce qui devrait être le cas de tout outil, sauf peut-être ceux destinés à la surveillance, mais cela n’est pas ma tasse de thé.
Quand je n’utilise pas mon ordinateur, non seulement je l’éteins, mais je le débranche. On doit garder à l’esprit qu’on est en train de se servir d’un outil. Mon père me disait souvent : « Quand tu conduis une automobile, c’est comme si tu avais un fusil dans les mains, tu ne dois jamais l’oublier. » Quand j’allume la bête à consommer du temps, je m’arrange pour être conscient de ce que je fais.
Bien sûr, tout le monde n’a pas le luxe d’être à la retraite et de gérer son temps de connexion. C’est bien pourquoi il existe un mouvement chez les travailleuses et travailleurs visant à exiger un droit à la déconnexion. Pouvoir aménager du temps pendant lequel on n’est pas joignable est essentiel à la santé physique et mentale.
Dans les arts, je suis régulièrement déçu par les innovations spectaculaires, les effets spéciaux et les ajouts techniques. Parce que, comme j’ai eu souvent l’occasion de le constater, les artifices s’usent et, à force de pitonnage, ils deviennent non fonctionnels.
Comme je ne suis pas le premier à passer dans une exposition, les boutons sont cassés, la moitié des effets spéciaux sont disparus. C’est très frustrant. Combien de fois me suis-je cogné le nez sur un appareil qui ne fonctionnait pas, sur une touche bloquée, sur un écriteau disant « Cet item est en réparation. »
De même dans les spectacles à grand déploiement technologique, si on n’a pas la chance de faire partie des premières fournées de spectatrices et spectateurs, il est fréquent que certaines ambiances laissent perplexe parce que tous les éléments ne sont pas synchronisés ou fonctionnels.
Les ordinateurs et les outils électroniques sont magnifiques quand ils marchent bien, mais tellement nuls et encombrants autrement. Il faut donc, en plus d’un entretien rigoureux et coûteux, souvent disposer de solutions de rechange.
Autre exemple de technologie fort intéressante. La traduction automatique devant laquelle j’ai longtemps été sceptique donne aujourd’hui des résultats surprenants. Des algorithmes comme ceux de Deep L détectent habilement la langue de départ et fournissent des traductions honorables. Mais il est nécessaire, bien sûr, d’en vérifier la précision si on veut être professionnel.
Ce n’est donc pas la technologie en soi qui est fautive, mais la confiance aveugle que certain·e·s y portent et l’absence de « second regard » : ce recul nécessaire pour bien évaluer si le contenu n’a pas souffert de la fragilité du véhicule.
Il convient donc de se rappeler que les outils doivent nous servir et non pas vampiriser les personnes qui les utilisent. Se donner du recul et utiliser la technologie de manière sécuritaire devrait toujours se faire en disposant de la fonction interrupteur. On devrait toujours prévoir le cas où la technique nous lâche et disposer d’un plan B. C’était un de mes conseils principaux quand j’enseignais à la formation des maîtres.
En communications, comme en pédagogie, la préparation doit être si complète et si poussée que, en cas d’effondrement technique, on puisse transmettre le message en traçant des signes dans le sable avec une branche.
Francis Lagacé
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