samedi 7 mars 2020

Un candidat pas nécessairement drôle


Parlons de candidature avec Francis Lagacé


 Un candidat pas nécessairement drôle 

2 mars 2020

L'humoriste Guy Nantel s'est porté candidat à la chefferie du Parti québécois. Certaines personnes s'en amusent, d'autres s'en réjouissent. Ce qui importe n'est-il pas ce que le candidat propose et comment il entend agir ?

Dans une interview du midi à la radio d'Ici Première (émission Midi Info du 13 février 2020 avec Michel C. Auger), il s'est montré raisonnable, bon argumentateur, conscient de sa méconnaissance de plusieurs dossiers et ouvert aux suggestions. Toutefois, certains aspects de son comportement et de sa campagne laissent songeur.

Le 27 février dernier, sur le réseau Twitter, Xavier Camus, bien connu pour débusquer les partisans de l'extrême droite, signale que l'un des recruteurs de l'équipe Nantel a des accointances avec la fachosphère. La réponse du candidat a été de dire que s'il y a un « niochon » parmi ses 300 bénévoles qui approuve Xavier Camus, ce n'est pas une raison pour le juger et qu'il a droit à l'erreur. C'est une étrange réaction. Ne fallait-il pas vérifier le véritable statut du personnage en question ? S'il renie ses alliances ou opinions extrémistes ou s'il les confirme ?

Quelqu'un a demandé à monsieur Nantel pourquoi il était agressif envers Xavier Camus. La réponse fut que c'était pour montrer qu'il n'en avait pas peur. Mais pourquoi avoir peur de quelqu'un qui dénonce l'extrême droite ? On peut ne pas apprécier Camus et sa façon de traquer les éléments fascistes, mais de là à dire que c'est quelqu'un qui pourrait faire peur...

Ce qui inquiète pourtant, et l'on est en droit de s'étonner qu'aucun commentateur politique n'ait relevé la chose, c'est le slogan qu'on retrouve sur le compte Twitter et sur la page Facebook de monsieur Nantel : « Parce que les DROITS de l'homme ne devraient s'appliquer qu'aux hommes DROITS. »

Signalons d'abord que, pour un candidat qui se revendique des valeurs québécoises, dont l'égalité entre les hommes et les femmes, la formulation de ce slogan fait bon marché de l'évolution du Québec depuis que Simonne Monnet-Chartrand est passée par la Ligue des droits et qu'on y parle des droits de la personne. D'ailleurs la Charte québécoise s'intitule bien Charte des droits et libertés de la personne depuis le début en 1976 et il en est de même au niveau fédéral.

Ensuite que veut-on dire si on réserve les droits aux personnes droites ? On sait d'abord que les démocraties les plus évoluées reconnaissent que certains droits et libertés peuvent être retirés selon la volonté générale exprimée par les lois si un crime ou bien un délit est commis, mais au Québec, au Canada et dans les pays où la peine de mort a été abolie, on reconnaît que même les pires criminels ne peuvent être privés de certains droits inaliénables comme le droit à la vie, à la dignité et à la santé.

Maintenant, qui décide que certaines personnes ayant commis un crime ou un délit se voient retirer certains droits ? La Loi ne remplit-elle pas déjà cet office ? Si oui, ce slogan est inutile. Sinon, quels seront ces nouveaux critères qui permettront de priver des citoyen•ne•s de leurs droits ? Ces critères seront-ils génériques ? On exclura des personnes à cause de leur appartenance à un groupe ou à une minorité ? Ces critères seront-ils individuels ? On exclura des personnes qui n'ont commis aucun crime ni aucun délit, mais qui ont une pensée ou un comportement qui dérangent ? Et qui possédera le mètre nécessaire à jauger la droiture des personnes dont les droits sont ainsi restreints ? Un groupe de sages ? Un premier ministre ?

Dès qu'on fait partie d'une minorité, on peut estimer qu'on n'est pas nécessairement « droit » aux yeux d'une majorité. Un défenseur des droits des francophones devrait se rappeler qu'il n'y a pas si longtemps dans les pays anglo-saxons on estimait que les « papistes » ne pouvaient pas être fiables. Nous ne serions pas plus brillants si nous renversions les rôles.

De même, dans notre belle province, Duplessis n'accordait pas grande valeur aux Témoins de Jéhovah, aux syndicalistes, aux communistes. Je ne peux m'empêcher de penser que lorsque j'étais adolescent j'avais toutes les caractéristiques de quelqu'un qui n'est pas droit : athée, homosexuel, indépendantiste, vaguement anarchiste, partisan du droit à l'avortement et des contestations étudiantes. Et si vous avez bien lu mon billet du 21 février dernier, vous savez que « je », c'est tout aussi bien « vous ».

Les droits humains s'appliquent à tout le monde et leur restriction strictement encadrée ne peut être que le résultat d'un bris du contrat social constaté d'après des procédures juridiques rigoureuses et non sujette à l'évaluation d'une quelconque rectitude morale sous l'autorité d'on ne sait quelle instance.

Francis Lagacé

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