lundi 18 mai 2020

Les observations d'un con•finement


Laissons Francis nous parler de con-finement


Les observations d'un con•finement 

6 mai 2020

Il était impossible de rester huit semaines en état d'urgence sans faire de remarques sur notre comportement individuel et collectif. Voici donc 20 observations de confinement. Les personnes abonnées à ma page Facebook et à mon compte Twitter en auront vu passer la majorité séparément et dans le désordre. Je vous les présente ici en entier, toutes ensemble et dans l'ordre où elles me sont venues.

1. Pourquoi y a-t-il si peu de masques et de gants dans les hôpitaux et tant sur les trottoirs ?

2. Il n'y a plus de farine sur les tablettes parce que tout le monde fait son pain. Et il n'y a plus de pain industriel sur les tablettes parce que personne ne mange du pain raté que ti-Jos connaissant a fait n'importe comment.

3. Tourisme épicier : activité inventée pendant la crise sanitaire qui consiste à partir avec son gros char, à le remplir de sac de provisions achetées dans une épicerie pour partir dans une épicerie voisine le remplir à nouveau de gros sacs de provisions, puis réitérer l'opération jusqu'à ce que le gros char ploie sous le poids des emplettes.

4. Les chômeuses et chômeurs québécois sont invité•e•s par le ministre de l'Agriculture à venir travailler dans les champs afin d'aider les producteurs agricoles. Gageons qu'il n'y en aura pas des masses pour répondre à l'appel. Gageons que parmi celles et ceux qui s'y essaieront bon nombre abandonneront en cours de route. On éprouvera enfin tout ce qu'on fait subir aux travailleurs migrants, qui laissent leur famille pour gagner une maigre pitance en faisant un travail dont les conditions sont peu reluisantes.

5. La caque sent toujours le hareng

Le Premier ministre Legault, le bon père de famille qui rassure son peuple, n'a pas été long à retrouver ses bons vieux réflexes anti-syndicaux. En prétendant assumer l'entière responsabilité du fiasco des CHSLD, il profite d'un raccourci selon lequel augmenter unilatéralement, il y a quelques mois, les salaires des préposé•e•s aux bénéficiaires en passant par dessus les négociations collectives, « C'est pas facile négocier avec les syndicats. », il aurait réglé la situation déplorable d'institutions cassées par des dizaines d'années de dérives managériales. Il aurait ainsi effacé 40 ans de néolibéralisme, aurait ressuscité l'ardeur des préposé•e•s et fait disparaître la voracité des propriétaires d'établissements privés. Quel simplisme !

6. Les crises sont toujours un révélateur. Dans le mouvement social de 2012, j'avais fait un bon ménage dans mes correspondant•e•s Facebook qui s'alignaient sur la répression. De même, aujourd'hui je me rends compte que certain•e•s n'ont que faire des plus vulnérables.

7. Les bénévoles qui viennent de l'extérieur pour aider un milieu contaminé doivent mettre l'épaule à la roue, mais sûrement pas la main à la pâte.

8. Aux États-Unis, on a découvert la panacée : chacun•e s'équipera d'un gun pour cribler de balles le méchant virus.

9. Le masque sert à éviter de respirer les gouttelettes des autres et à protéger les autres de nos propres goutelettes. Avis aux personnes qui portent un masque en conduisant en solo leur voiture.

10. Des citoyen•ne•s du Québec installé•e•s en Chine pour y profiter du turbo-capitalisme qu'on y pratique se réjouissent d'être pisté•e•s par leur téléphone. « C'est pour leur bien. »

11. Il y a tellement de bla-bla dans les discours de Trudeau que l'on devient distrait et que, finalement, on en rate le contenu... quand il y en a.

12. Isolées et maltraitées, nos personnes âgées sont devenues ali-aînées.

13. Un certain virus a transformé des sociopathes qui ont détruit nos conquis sociaux à la hache en experts dont on sollicite l'avis.

14. On ne sait plus comment appeler les personnes âgées. On ne trouve plus qu'aîné•e•s fait l'affaire. On propose le doux euphémisme de sages. Quant à moi, je suis un vieux et je trouve que l'appellation convient parfaitement.

15. Les savants perdent leur bon sens et parlent de « patient zéro » pour désigner le premier patient. Si on ajoute les 100 patients suivants, ça nous donne 100 + 0 = 100, au lieu de 101. Un zérotième patient, ça n'existe pas. Le premier patient est en toute logique le patient numéro 1. Zéro n'est pas un nombre naturel et, comme me le disait mon prof de math en première secondaire, on ne dit jamais : « Je compte zéro vache dans le champ. »

16. Plusieurs pays investissent dans la recherche pour trouver un vaccin ou des médicaments, mais on dirait qu'aucun ne songe qu'en nationalisant les pharmaceutiques ils se garantiraient un approvisionnement continu et des prix raisonnables.

17. Pendant la crise sanitaire, dans les gares, on ne rencontre plus celleux qui ont réussi et qui ne servent à rien. On ne rencontre que celleux qui ne sont rien et sans qui celleux qui ont réussi seraient incapables de se nourrir.

18. Le nouveau mantra très intelligent des néolibéraux : « Après plus rien ne sera pareil, car il faudra que tout reparte exactement comme avant. »

19. Les personnes qui se dévouent dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée ne sont pas en guerre, elles ne se battent pas contre un ennemi. Elles soutiennent à bout de bras des infrastructures de santé délabrées par des décennies de néolibéralisme. Elles soignent des personnes malades ; elles aident à réparer des êtres vivants pour reprendre à ma façon le titre du roman de Maylis de Kerangal.

20. Avec les femmes qui portent des foulards pour cacher la repousse des cheveux et tout le monde qui se met au masque, on va se rendre compte que les lois qui les bannissent dans l'espace public sont un peu ridicules.

Francis Lagacé

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