mardi 5 mai 2020

Le mystère de l'Ouest


Laissons Francis nous parler de musique Country et Western.


Le mystère de l'Ouest 

22 avril 2020

Pour beaucoup, dans les milieux intellectuels, l'immense popularité de la musique Country et Western est incompréhensible. Quand j'étais adolescent et que je ne jurais que par le rock et la musique dite progressive, on faisait état de ventes de disques nettement supérieures à toutes les autres catégories pour cette musique aux guitares plaignardes et aux voix parfois nasillardes. Les vedettes de ce genre durent très longtemps et elles font des carrières très prospères même en étant boudées par les médias généralistes, dont elles sont parfois complètement inconnues.

Des succès ont pourtant percé les ondes, qu'ils soient de Johnny Cash ou de Renée Martel, et le genre n'a cessé d'influencer les stars les plus populaires, que ce soient Elvis, John Lennon ou, au Québec, Beau Dommage. Une chanteuse comme Guylaine Tanguay est aujourd'hui très reconnue et un excellent auteur-compositeur-interprète unanimement célébré comme Patrick Norman y a consacré la plus grande part de son répertoire.

Je n'ai pas tardé à comprendre ce qui faisait l'efficacité de cette musique. J'avais alors 17 ans et je connaissais ma première peine d'amour. Celui sur qui j'avais jeté mon dévolu ne s'intéressait pas à mon genre et le changement d'école pour l'année suivante ferait en sorte que je ne le reverrais jamais.

Cet été-là, un disque de succès de radio traînait dans la maison. Bien qu'étant en général indifférent à ce genre de compilation, je me mis, par désœuvrement, à en consulter la liste. Il y avait sur la dernière plage du premier côté de cette galette de vinyle une chanson de Joe Dassin, associée très clairement au genre country. Elle s'intitulait Salut les amoureux. Je l'ai passée un nombre incalculable de fois sous l'aiguille du stéréophone.

Écouter ces paroles simples sur une musique berçante me faisait du bien et me permettait de cuver ma peine sans qu'il y paraisse trop, car il ne fallait surtout pas que ça se voie. S'il avait fallu que je me mette à écouter Ne me quitte pas de Brel ou Avec le temps de Ferré, je me serais probablement pendu dans la grange, car contrairement à ce qu'écrivait Rimbaud, on est sérieux à mort quand on a 17 ans.

Survivre aux épreuves de la vie sans en faire une irrémédiable tragédie grecque, c'est là toute la force de cette musique qui convient aux personnes sans prétention. Quand on n'a pas le luxe d'un destin héroïque, on se dit qu' « Une simple histoire comme la nôtre/ Est de celle qu'on n'écrira jamais. » Et c'est ainsi qu'on pose un baume point trop coûteux sur des plaies qui ne doivent pas nous défigurer pour toujours.

Francis Lagacé

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