jeudi 10 mars 2022

En temps de guerre

 


Parlons de guerre avec Francis

En temps de guerre

9 mars 2022

En temps de guerre, on se sent petit et démuni. On se désole que la plume ne soit pas souvent aussi puissante que l’épée. Et l’on aimerait bien, avec cette plume, tracer des lignes autour des chars, autour des obus, autour des convois militaires, voler un trou de la Mer des Trous du film Yellow Submarine pour pouvoir les y engouffrer. Le refuge de la littérature ne sauve que notre pauvre esprit désemparé, pas les millions de victimes de la folie humaine.

Autant la pandémie m’a paralysé au point de vue littéraire et m’a livré aux réflexions politiques, autant cette guerre me pétrifie au point de vue politique, alors que peinent à émerger quelques effluves métaphoriques.

Les gens de mon âge se rappelleront que la crise des missiles à Cuba avait causé un émoi incroyable dans les chaumières. Jeune enfant, j’en avais des poussées d’angoisse et des maux de ventre. La mémoire du corps étant imparable, j’ai ressenti ces mêmes symptômes à l’évocation de la solution nucléaire dans le conflit qui se déroule si loin si près.

Je songe à nos pauvres jeunes qui souffrent d’éco-anxiété, de covid-anxiété et maintenant de nucléo-anxiété. Va-t-on les laisser vivre un peu ? Dans quelle soupe immonde les plongeons-nous ?

Pour revenir à ces douloureux souvenirs d’enfance, il me revient que mon frère aîné ne ratait jamais une occasion de se montrer savant en répétant les dires de quelque adulte adepte de la péroraison. Il m’avait raconté que les communistes viendraient nous rendre visite. Moi j’aimais bien la visite, rare halte dans la térébrante routine domestique, et je me demandais pourquoi on devait les craindre. Il m’expliqua alors que c’étaient de vilains barbus, effrayants et dangereux.

Les barbus dont j’avais connaissance me paraissaient pourtant sympathiques : le frères Marx, si drôles dans leurs films comiques, et les Quatre Barbus qui, de leurs voix veloutées, déclinaient les chansons traditionnelles et comptines sur les soixante-dix-huit tours, dont j’observais le tournoiement des sillons avec ravissement.

Pour enfoncer le clou, il me fit comprendre que les barbus communistes mangeaient les enfants. Ah, il fallait le dire ! C’étaient des Barbes bleues. Je découvrirais beaucoup plus tard qu’ils étaient plutôt rouges.

Cela dit, j’ai appris depuis à me méfier des descriptions unilatérales. Même si c’est intellectuellement satisfaisant, ça ne donne pas, hélas, de solution à mon angoisse ni aux problèmes plus graves de la guerre et de la crise climatique.

Francis Lagacé

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