La revue de l’année avec Francis
Revue de fin d’année et mauvaise foi politique
3 janvier 2025
À la Saint-Sylvestre, nous faisons un repas du soir bien arrosé et nous nous couchons tôt, rarement plus tard que 22 h. Nous attendons au lendemain pour regarder les émissions de fin d’année.
La revue annuelle de notre télé publique, appelée le Bye Bye, est accoutumée aux jugements sévères et le Bye Bye bashing du lendemain est devenu un sport national au Québec.
À en croire les commentaires qui inondaient mes réseaux sociaux, l’émission de revue pseudo-politique d’Infoman, qui précède le Bye Bye, était beaucoup plus drôle que la revue comique elle-même et la chose la plus drôle pendant ledit Bye Bye était la publicité. On se plaignait aussi qu’il fallait connaître toutes les émissions de télé pour comprendre les blagues.
En m’installant devant mon téléviseur avec mon conjoint au soir du 1er janvier, je n’avais donc aucune attente envers le Bye Bye et j’en avais un peu envers Infoman. Mal m’en prit.
J’ai peut-être souri deux fois en regardant Infoman, que j’ai trouvé monotone, répétitif, naïf, moralisateur et d’une extrême complaisance avec le pouvoir qu’il prétend dénoncer.
J’ai ri six ou sept fois de très bon cœur en regardant le Bye Bye. Les publicités étaient inventives, surtout celle de la nourriture pour animaux puisqu’elle liait l’habileté d’un chien dans la course aux obstacles à sa fréquentation des chantiers routiers montréalais. Toutefois, elles ne surpassaient pas en drôlerie l’émission qu’elles encadraient.
Quant au rapport avec les émissions télévisées, je n’ai eu aucun mal à deviner quand un sketch faisait référence à une série ou un programme particulier même si je n’en avais jamais rien vu, même si j’en ignorais le titre, tout simplement parce qu’on sait dans le traitement qui en est fait que c’est d’une émission de télé qu’on parle et qu’on sait bien comment fonctionnent les émissions populaires. D’ailleurs, il y avait autant de références à des films populaires qu’à des émissions de télé.
Le sketch le plus réussi est très certainement celui qui montre le ministre Fitzgibbon et le Premier ministre Legault jouant notre argent à la roulette avec Northvolt.
Mais tout cela n’a pas d’importance, car chacun selon ses sensibilités pourra y aller de ses appréciations. Là où ça blesse fort et où il y va clairement d’une escroquerie intellectuelle qu’on ne peut passer sous silence, c’est l’horrible sketch fallacieux, pseudo-scientifique et pseudo-politique qu’Infoman nous a servi en compagnie de Luc Langevin.
Dans ce sketch, l’illusionniste est avec l’animateur Jean-René Dufort (alias Infoman) en compagnie d’Éric Duhaime (chef du Parti Conservateur du Québec, qui est un parti d’extrême droite) et Ruba Ghazal, co-porteparole de Québec solidaire (qui est un parti de gauche). Le magicien montre une carte avec un mot à chacun des politiques. Puis, il leur demande de trouver le mot représenté parmi les objets sur la table.
Bien qu’on leur ait fait croire qu’il s’agissait de la même carte (c’est toutefois possible que ce soit la même carte, mais avec une face différente que cache la main de l’illusionniste en la tournant vers l’autre invité), chacun a vu un mot différent. L’objet représenté par le mot n’est pas sur la table. Mais en projetant une lumière sur certains d’entre eux, on peut voir l’ombre de l’un et l’autre objet : un chat pour Duhaime, un violon pour Ghazal. Et le curé Dufort de nous imposer sa conclusion que tout est une question de perspectives et qu’il faut s’asseoir pour comprendre l’autre.
La pauvre Ruba Ghazal, piégée dans ce guet-apens putride, a accepté cette mauvaise conclusion. Non, ce n’est pas qu’il faut s’asseoir avec le diable pour voir les choses comme lui, mais qu’il faut au contraire se méfier des manipulateurs qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
En effet, tout ça est d’une malhonnêteté extrême. Non, ce n’est pas une question de perspectives. L’expérience est fallacieuse et l’explication du différend intervient bien avant les jeux de lumière. Les invités croient avoir vu la même chose et se sont fait berner par un illusionniste. C’est le médiateur entre les deux qui est la cause du différend. Tout le reste est du bla bla insignifiant. Les ombres et les objets n’y feront jamais rien, quand on a affaire à quelqu’un qui tient un double discours (ici représenté par l’illusionniste), c’est le double discours qu’il faut dénoncer. Après, on pourra parler de la pluralité des perspectives.
Infoman voulait plaider en faveur du bothsidism parce que « la polarisation, c’est mal ». Comme ces journalistes et commentateurs politiques qui divisent tout en deux, qui ne jurent que par la simplification des points de vue afin de les présenter en « d’une part et d’autre part », il a essayé de faire la morale en usant d’artifice et de mauvaise foi. C’est d’une niaiserie à faire enrager le plus patient des saint François d’Assise.
En voulant proposer un rôle unificateur des médias, Infoman a très clairement illustré un rôle polarisateur et trompeur des médias.
Le personnage d’Infoman monte à la tête de Jean-René Dufort, qui se croit très fin et en mesure de faire la morale aux politiques. Malheureusement, et je l’ai déjà dit en de nombreux autres endroits, la majorité des scientifiques de notre époque, en dehors de leur domaine précis d’expertise, sont d’une nullité affligeante. La capacité d’analyse politique d’Infoman ne dépasse pas le niveau de la catéchèse qu’on nous imposait autrefois en première année du secondaire.
Cette prétention à faire la synthèse en disant qu’il y a du bon partout est justement ce que dénonçait Huxley dans son Meilleur des mondes, où l’on avait réalisé la fusion du capitalisme fordien avec un stalinisme eugéniste. Dès l’épigraphe, l’auteur nous mettait en garde : l’objectif est d’éviter la concrétisation des utopies.
Il y a aussi un autre problème très grave avec cette pratique du bothsidism, c’est la banalisation de l’extrême droite. Non, on ne s’asseoit pas avec l’extrême droite, on ne lui serre pas la main, on ne discute pas avec. On ne fait pas joujou avec les explosifs. Mettre sur le même pied le Parti conservateur du Québec (qui est vraiment d’extrême droite) et Québec solidaire (parti de gauche réformiste), c’est faire preuve d’une ignorance politique crasse.
En Belgique, les radio et télé publiques ne donnent jamais la parole à l’extrême droite. Elle stagne dans l’opinion. En France, l’extrême droite fait les beaux jours des plateaux. Elle y progresse à vue d’œil. Au Québec, c’est de même. On devrait pourtant s’inspirer de la prudence et de l’intelligence des Belges.
Quant à Infoman, il ne devrait pas se mêler de faire la leçon s’il n’est même pas capable de voir au-delà de la grossière manipulation qu’il met lui-même en scène. D’ailleurs, il se discrédite chaque jour un peu plus en voulant devenir copain-copain avec tous les politiques, dont certains ne sont vraiment pas fréquentables.
Francis Lagacé
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