Un conte de Noël par notre ami Francis Lagacé
Conte de Noël
(Certains esprits mal tournés pourraient y voir une fable politico-économique)
La magie des Fêtes inspire les bienfaiteurs de l'humanité. L'un d'entre eux, industriel particulièrement industrieux, s'appelait Marché, joli prénom s'il en est. Et son nom de famille était Libre, n'est-ce pas idoine pour un si noble personnage au front auréolé de vertus, et qui donc peut être contre la liberté ?
Marché, toujours en quête de nouveaux bienfaits dont combler l'espèce humaine, songeait à un produit universel, dont tous sauraient profiter à coût raisonnable, et qui satisferait les pauvres comme les riches, les paysans comme les professionnels, les artistes comme les ouvrières, les jeunes et les vieux, les petites et les gros, les généreux et les pingres, les ignorantes et les instruites, les malades et les bien-portants, les lectrices et les analphabètes, les gloutons et les anorexiques, les amis des animaux et les carnivores, les simples et les complexés, les religieux comme les athées, les sportives et les casanières, les chanceux et les déshérités, les employées et les dirigeantes, les masses et leurs enclumes...
Cette nouvelle invention pourrait servir de cadeau de Noël, de présent aux assistés qu'on visite, de réconfort pour les démunies, de viatique pour les personnes en déplacement, de cadeau d'hôtesse, de témoignage de munificence dans les grandes réceptions comme d'attention gentille pour le voisinage.
Marché se creusa la cervelle et n'y trouva que des billets à ordre, des bons d'obligation, des actions et des options. Il creusa celle de ses esclaves et n'y rencontra que désirs de justice et de liberté : étrange, car Libre, c'est lui, pourquoi les autres voulaient-ils voler son nom ?
Il creusa son estomac et y découvrit chères riches, sauces et crèmes. Il creusa celui de ses esclaves, il y aperçut quelques minéraux et un peu d'eau. De l'eau ! Mais c'est la denrée universelle ! Voilà ce qu'il faut commercialiser !
« Voilà ce qui fera ma suprême fortune et mon immense renommée ! »
Mais il faut temps et énergie pour extraire ou récolter le précieux liquide. C'est une marchandise lourde à transporter et qui ne peut se contenter de n'importe quel véhicule. On ne peut pas la faire circuler dans des paniers.
Il fallut encore quelque temps de réflexion avant que l'euréka ne surgisse au moment où Marché allait prendre son bain alors qu'il n'avait pas commencé à le remplir. En effet, avant de faire couler l'eau, le bain est vide. On y met l'eau et le voilà plein ! Mais, c'est bien simple : il suffit de vendre de l'eau séchée. Le transport sera facile, rapide et efficace ! Les acheteuses et acquéreurs n'auront qu'à y verser de l'eau et le tour est joué !
« L'eau séchée en sachet du Libre Marché est disponible dans tous les bons magasins ! Achetez ! Achetez ! Rien de plus simple. Vous ouvrez l'enveloppe, vous versez dans un contenant, vous ajoutez de l'eau, et comme par magie, vous avez de l'eau toute neuve ! N'est-ce pas magnifique ! »
Et Marché rêve : « Nous pourrons combattre la pauvreté, la disette, la famine et la soif. Je ferai des milliards de milliards en vendant mes sachets aux pays indigents. Leurs gouvernants pourront distribuer mes sachets d'eau évaporée et ainsi guérir la misère ! Et que dire des chefs de pays riches qui construiront des pipe-lines à leurs frais afin de transporter mon eau séchée. Ils n'auront qu'à y verser de l'eau ensuite. »
« Ah, les beaux cadeaux que vous pourrez faire à vos proches, parentes, amis, hôtes et invitées ! »
« Décidément, je suis le sauveur de la Terre ! Vive moi ! Nom : Libre, Prénom : Marché ! »
Là-dessus, Joyeux Solstice à tout le monde ! Je pars en vacances.
LAGACÉ, Francis
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