Un article d'André Frappier à lire :
Projet de loi C-27 sur les retraites, des attaques sans précédent
Mardi 6 février 2018 / DE : André Frappier
Le projet de loi C-27 déposé en octobre 2016, vise à réécrire la loi sur les régimes de retraite dans les milieux de travail sous juridiction fédérale, soit les sociétés d’État fédérales, le transport aérien et ferroviaire, les télécommunications et les banques.
C-27 permettrait aux employeurs sous juridiction fédérale de convertir les régimes de retraite à prestations déterminées en régimes à prestations cibles, moins sécuritaires. Les employeurs pourront se débarrasser de régimes de retraite qui paient bien et les remplacer par des régimes qui pourraient bien payer ou pas.
Pire, le projet de loi permettrait de faire ces changements rétroactivement.Le projet de loi C-27 aurait ainsi une incidence sur les pensions accumulées par les individus qui travaillent ou ont pris leur retraite après plusieurs années de service pour le compte de sociétés d’État et d’employeurs sous réglementation fédérale. L’effet potentiellement corrosif qu’il pourrait avoir sur la sécurité collective du revenu de retraite des personnes travaillant sous juridiction fédérale érodera probablement la sécurité de retraite qu’ils et elles ont gagnée dans le cadre de régimes de pension à prestations déterminées.
Une étude du Boston consulting group (BCG) a déterminé que les prestations versées aux membres de régimes à prestations déterminées réintègrent l’économie sous forme de dépenses et de taxes de consommation, générant ainsi croissance commerciale et emplois. Les retraités qui disposent de régimes à prestations déterminées sont également moins susceptibles de devoir compter sur l’aide du gouvernement, comme le Supplément de revenu garanti. De plus, une bonne sécurité du revenu de retraite entraîne un meilleur état de santé, ce qui réduit les demandes imposées au système de soins de santé.
La couverture des pensions à prestations déterminées fournie par des employeurs a diminué. Tout particulièrement, les personnes travaillant au secteur privé ont connu une baisse importante de cette couverture, qui est passée de 87 % en 1993 à 37 % en 2011 (Aon-Hewitt, 2015, société mondiale de services-conseils et d’impartition dans le domaine des ressources humaines). Cependant cette même firme a constaté que le ratio de solvabilité médian des régimes de retraite à prestations déterminées avait augmenté, passant de 86,1 % au 1er janvier 2016 à 94,9 % au 1er janvier 2017, alors que pendant ce temps, la proportion des régimes entièrement capitalisés est passée de 10,7 % à 35,2 %.
La position de Trudeau
Le gouvernement conservateur avait songé à introduire une « option de régime à prestations cibles volontaire » et Trudeau avait répondu : « J’ai été soulagé lorsque le gouvernement n’a pas adopté cette option. On a probablement fait le calcul astucieux qu’il est inacceptable de priver les aînés de prestations qui avaient été gagnées et accumulées au fil des ans, que le coût politique serait trop élevé et que c’est condamnable par principe... Changer les règles rétroactivement est inacceptable, sauf en cas d’erreur grave ou de conséquences imprévues. » Le projet de loi C-27 permettrait exactement de procéder à ce à quoi le premier ministre Trudeau s’était opposé : une modification rétroactive aux pensions déjà gagnées par les actuelles personnes à la retraite. De plus si C-27 est adopté, les provinces pourraient aussi être tentées de déposer des projets de loi similaires, ce qui amplifiera sa porté.
En entrevue à RDI économie, Michel Lizée, économiste et militant du SCFP à la retraite, expliquait que ce régime à prestation cible renvoie toute la responsabilité aux travailleurs et travailleuses. Par exemple si la caisse accuse un déficit de 10%, dans un régime à prestation déterminée c’est l’employeur qui en assume la responsabilité. Mais dans un régime à prestation cible, on réduit la rente des participants actifs de 10% ainsi que celle des personnes retraités. Pour les employeurs il s’agit aussi d’éliminer le risque comptable où on impute le déficit des caisses de retraite au passif d’une entreprise. Il ne s’agit que d’un déficit hypothétique qui porte sur le long terme, alors que pour les entreprises tout se joue sur le court terme, et celles-ci craignent d’être moins bien cotées. Il s’agit d’un changement rétroactif de contrat. Ceux et celles qui ont travaillé toute leur vie selon un contrat qui leur garantit une rente déterminée verront maintenant leur pension amputée d’un pourcentage équivalent au déficit. Les employeurs voient donc leur dette s’éliminer mais les garanties offertes aux employéEs retraitéEs n’existent plus.
Il est particulièrement révélateur de constater que ce projet de loi présenté par le ministre libéral Bill Morneau vient refléter les propositions de sa propre firme Morneau/ Sheppel. De plus le ministre des Finances a reçu des dividendes mensuels de Morneau Shepell depuis son entrée en fonction en 2015 puisqu’il détenait toujours environ un million d’actions de cette firme, qui gère notamment des fonds de retraite.
Il va sans dire que cette offensive du gouvernement s’inscrit dans celle des compagnies et sociétés d’État et leur indique la voie. Les dernières négociations avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) avaient le régime de retraite comme point d’achoppement et il est certain qu’à l’aube de l’ouverture des négociations cette année, le projet de loi C-27 viendra renforcir la position patronale.
NB. Ce texte reproduit des parties de :
Il faut empêcher l’adoption du projet de loi C-27, 21 août 2017,Mark Janson | Service de Recherche du SCFP
Mémoire de l’Association nationale des retraités fédéraux présenté à la consultation du ministère des Finances sur le projet de loi C-27 émanant du gouvernement, ou Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestations de pension
INFORMATION PRISE ICI
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