Parlons mensonge avec Francis Lagacé
Les esquives d'un philosophe du mensonge
30 janvier 2019
Le journaliste Jean-François Kahn a publié en 1989 un essai fort intéressant intitulé Esquisse d'une philosophie du mensonge paru chez Flammarion. Il en est hélas devenu la triste illustration et un exemple flagrant de pourquoi sa profession est si largement honnie dans toute la France et la Navarre. S'il distingue bien que le mensonge est absolu et que la vérité n'est toujours que relative, il sait aussi que le mensonge relatif sert à camoufler le mensonge absolu et que le mensonge même absolu peut ne concerner qu'une toute partie de la vérité, c'est pourquoi il est si facile d'aligner des demi-vérités et de mentir par omission ou par restriction mentale.
Depuis l'élection du pantin néolibéral appelé Macron, l'homme de droite est trop heureux de prétendre que le président (avec son groupe La république en marche ou LREM) est un homme de centre qui regroupe autour de lui des gens de gauche comme de droite, ce qui lui permet de paraître objectif en le vantant puisqu'il échappe à la distinction gauche-droite, alors que quiconque a un peu de connaissance historique ou de hauteur de vue politique sait très bien que le « ni gauche ni droite » ne signifie rien d'autre qu'à droite, toujours plus à droite.
Monsieur Kahn fait bon marché de la droitisation du Parti socialiste qui n'a depuis longtemps de socialiste que le nom. Qu'il s'agit d'une boîte de conserve arborant une jolie étiquette de petits pois alors qu'elle ne renferme que de la viande avariée. LREM est une grande coalition de la droite économique la plus dure et qui regroupe les libéraux de tous bords séduits par des politiques néolibérales destructrices (casse du code du travail, démolition du service public, harcèlement des personnes en chômage, favorisation éhontée des plus riches, etc.). LREM a grugé toutes les droites, qu'elles soient traditionnelles comme les partisans de Sarkozy ou en oripeaux prétendument sociaux comme Emanuel Valls, aujourd'hui aspirant maire de Barcelone où il fait des guili-guilis à la droite la plus réactionnaire.
Tous les samedis matins, après le radio-journal de 8 h, sur les ondes d'Ici première (le nouveau nom insignifiant de Radio-Canada première chaîne), monsieur Kahn débite des sornettes néolibérales et des clichés qui feront le bonheur du pouvoir en place à l'Élysée. Entendre l'animateur Joël Le Bigot glousser en avalant tout rond ces couleuvres offertes comme autant de sucreries est profondément désolant.
On pourrait écrire des centaines de pages d'analyse sur les raccourcis honteux auxquels se livre le journaliste et on pourrait aussi montrer facilement à quel point il est, tout comme la classe politique et médiatique, totalement intellectuellement dépassé par un mouvement de nature horizontale qui n'entre pas dans les petits schèmes de pensée pépères et hiérarchiques qui permettraient de faire tout rentrer dans l'ordre et de maintenir le statu quo, dont les Gilets Jaunes ne veulent justement plus.
Je me contenterai donc de relever trois ou quatre perles de l'une des interventions de monsieur Kahn, celle du 19 janvier 2019.
1. « Il suffit d'enfiler un gilet jaune pour être invité sur un plateau de télé. »
Il est possible en effet que les rédactions de télé soient assez bêtes pour inviter n'importe qui sans se demander si cela correspond au courant principal des revendications gilets jaunes, que l'on peut facilement consulter sur ce site : Les revendications des Gilets Jaunes. Il faut aussi se rappeler qu'il s'agit d'un mouvement populaire avec une grande diversité d'opinions, mais qu'il y a des consensus sur les 42 revendications ici répertoriées. Aucune n'est particulièrement de droite. Par ailleurs, comme il s'agit d'un mouvement horizontal, personne n'est autorisé à faire dévier les revendications vers une récupération politicienne. Que les télés n'y aient rien compris n'est toujours pas à l'honneur de la profession.
2. « Ils s'attaquent aux juifs. Ils n'aiment pas les homosexuels. »
Depuis, le 17 novembre 2018, j'ai de très nombreux correspondants gilets jaunes qui relaient les discussions, les slogans, les manifestations de toutes sortes des gilets jaunes. Dès que des dérives antisémites ou homophobes apparaissent, elles sont très vite recadrées. Prétendre que les Gilets Jaunes sont antisémites ou homophobes, c'est aussi véridique que de prétendre monsieur Kahn est un partisan de la violence policière.
3. « Ils croient que les journalistes sont riches. »
Les pseudo journalistes qui leur crachent dessus à longueur de journée et qui encombrent les radios et les télés sont des vedettes qui monnayent grassement leurs apparitions. Quand on n'a pas connaissance de tous les rouages et de tous les degrés de la profession, on peut croire que les journalistes sont représentés par cette caste d'enfants gâtés qui sont à genoux devant le pouvoir politique et publicitaire. De la même manière que lorsqu'on n'est pas très au fait d'un mouvement horizontal et qu'on ne fraye pas parmi les personnes qui manifestent tous les samedis, on peut s'imaginer que certaines pensées rétrogrades sont le lot de la majorité.
4. « Le débat ne les intéresse pas. »
Qu'y a-t-il à débattre quand on dit d'un côté (les Gilets Jaunes) qu'on veut la justice fiscale, mais que de l'autre (le président) on répond : « Dites tout ce que vous voulez, mais la justice fiscale, vous ne l'aurez pas. »
Qu'y a-t-il à débattre quand le processus de consultation ressemble en tous points à celui qui avait été mis en place par le gouvernement Charest au Québec en 2010 pour « consulter » sur la hausse des frais de scolarité et que la réponse était dans la question ? Voyez : « Comment pouvons-nous diversifier et consolider les sources de financement des universités, sans hausser les impôts? Quels principes devraient guider la hausse des droits de scolarité ? » Avec Macron, la question est : « Quels services voulez-vous couper ? »
Enfin, il suffit d'avoir assisté à l'un de ces Grands Blablas nationaux pour voir à quel point il s'agit d'une opération qui n'a rien d'un dialogue, mais tout d'une séance de télévangélisme dans laquelle le petit caporal fait semblant d'écouter, puis se lève pour gracieusement dispenser la vérité lumineuse qu'il avait déjà toute écrite à l'intention des brebis dociles.
Les politiques et les médias sont discrédités et ce n'est pas monsieur Kahn qui en s'enfonçant davantage va améliorer la situation. Les assemblées d'assemblées qui se dessinent un peu partout sur le territoire tant de l'Hexagone que dans les outremers finiront par créer les structures de fédération horizontale nécessaires à l'émergence de nouveaux pouvoirs constituants. Mais penser ainsi est tellement loin de la conception bourgeoise et confortable de la république néolibérale.
LAGACÉ Francis
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