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Le Parti vert, un parti sans perspective réelle devant une crise qui s’approfondit
Mardi 21 mai 2019 / DE : André Frappier
La montée relative du Parti Vert du Canada dans les sondages liée aux succès du Parti Vert lors des dernières élections provinciales à l’Île-du-Prince-Édouard et celui de l’élection partielle fédérale dans Nanaimo-Ladysmith, est un phénomène nouveau. Cela s’explique en partie par l’approfondissement de la crise environnementale et le désir de la population d’y apporter des solutions. Il faut tenir compte également de l’approfondissement de la crise politique dans l’État canadien, où on constate une montée de la droite conservatrice qui tient un discours très clivant contre les progressistes et les environnementalistes ainsi que le Québec et une désarticulation du NPD qui n’a pas su se poser en alternative.
Avant de s’attarder à la perspective proposée par le Parti Vert, il convient de faire le point à tout le moins sur la situation actuelle de la crise environnementale et des solutions nécessaires pour la conjurer.
### La survie de notre planète
La pression que l’humanité exerce sur le Système Terre ne cesse de croître de plus en plus rapidement. Des seuils critiques de dégradation sont d’ores et déjà franchis dans plusieurs domaines, tels que la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre. Il y a maintenant un risque bien réel que la pression de l’activité humaine débouche sur un renversement brusque de situation qui aurait des conséquences largement irréversibles pour la planète dans son ensemble en ce qui concerne la biodiversité et le climat. Cette situation engendrerait des conditions qui mettraient en péril en premier lieu la vie des populations pauvres mais qui pourrait s’élargir à l’ensemble de l’humanité.
Ce n’est pas l’existence humaine en général qui est la cause déterminante de la menace mais bien le mode de production et de reproduction social de cette existence. Le mode en vigueur depuis deux siècles environ -le capitalisme- est insoutenable parce que la concurrence pour le profit, qui en est le moteur, implique une tendance aveugle à la croissance quantitative sans limites, incompatible avec les flux et cycles limités de matière et d’énergie dans le système Terre. (1)
Cette situation n’est pas encore irréversible, mais il faut apporter des correctifs majeurs maintenant. Nous sommes déjà en retard. Les objectifs de réduction de gaz à effet de serre établis durant les dernières décennies n’ont jamais été respectés. Réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro n’est plus suffisant pour enrayer le changement climatique. Il faut dorénavant retirer du carbone de l’atmosphère. L’agriculture paysanne et une foresterie rationnelle combinées à une réduction globale de la production matérielle sont les seuls moyens de diminuer la concentration atmosphérique en carbone efficacement. (2)
La résistance sinon le refus des gouvernements et des entreprises à réduire les gaz à effet de serre nous démontre qu’il s’agit d’une tâche difficile. Il faut trouver des moyens de convergence entre les travailleurs et travailleuses des secteurs de l’extraction, avec la population et les mouvements pour l’environnement qui pourront apporter des solutions concrètes. La diminution du temps de travail sans perte de salaire pourra être une façon de conserver les emplois, combinée à la conversion et la formation vers de nouveaux emplois verts.
Mais au final cette tâche ne peut se réaliser sans mobilisation et sans perspective d’une alternative politique qui se donne pour objectif de changer la structure étatique afin d’enlever le pouvoir au monde de la finance et aux spéculateurs pour mettre en place les mesures nécessaires aux besoins environnementaux et aux contraintes environnementales.
Cette exigence environnementale requiert une perspective internationaliste. Les changements nécessaires à la survie de notre planète, si elles doivent débuter nationalement, ne peuvent réussir qu’avec une planification mondiale, conséquemment par l’expansion de la mobilisation environnementale et de la lutte anticapitaliste.
La perspective politique du Parti vert
Un parti qui décide de se nommer Parti Vert devrait être le plus avant-gardiste et le plus cohérent concernant les politiques environnementales. Or dans le contexte actuel où l’échéancier est de plus en plus restreint, où les compagnies jouent à cache-cache et refusent de prendre leurs responsabilités pour diminuer l’empreinte de carbone, le Parti Vert propose des politiques archaïques qui appartiennent à une époque déjà dépassée et qui ne s’attaquent pas non plus aux causes du problème. Il refuse de considérer que les forces du changement ne peuvent être que les forces ouvrières et populaires. Ce faisant, il devient pour lui impossible de mettre en œuvre et de faire aboutir toute perspective de changement.
Au contraire, son programme et les positions défendues par ses dirigeants et dirigeantes indiquent tout le conformisme de ce parti.
Au travers d’un programme qui paraît à prime abord attrayant, il s’inscrit dans une perspective conformiste de l’État canadien, des rapports internationaux et par conséquent du capitalisme vert. Élisabeth May a d’ailleurs affirmé dans une entrevue que l’idée même d’une dichotomie gauche-droite relève de l’anachronisme.
On n’y voit aucun rôle majeur de la mobilisation sociale ni du mouvement ouvrier dans le changement de société nécessaire pour réaliser cette révolution environnementale. Au chapitre de la précarité chez les jeunes, il propose de fournir des données sur l’accès à l’emploi, favoriser l’accès aux programmes d’apprentissage et de créer des brigades jeunesse dans le travail communautaire. Il s’en tient à la revendication minimaliste du salaire à 15$ l’heure.
Il reproduit les préjugés dominants en proposant de consolider les moyens de lutte au terrorisme comme s’il s’agissait du problème de l’heure « Les députés verts fourniront à la SCRS ( Service Canadien de Renseignement et de Sécurité), la GRC et l’ASFC (Agence des Services Frontaliers du Canada) les ressources adéquates pour leur permettre de mener à bien leurs opérations liées à la collecte de renseignements ainsi qu’à l’arrestation et à la poursuite de ceux et celles qui menacent notre pays. »
Loin de proposer le changement nécessaire pour mettre au pas les banques et les corporations responsables de la détérioration de l’environnement mais également de l’accroissement de la concentration de la richesse et de l’appauvrissement de la population, le Parti Vert entend consolider l’État canadien et améliorer le fonctionnement des entreprises.
« Il ne fait aucun doute que nos sociétés se doivent d’être plus compétitives et plus responsables, mais notre gouvernement doit également créer le cadre juridique susceptible de concrétiser cette vision. Nous reconnaissons que les Canadiennes et les Canadiens souhaitent éprouver de la fierté pour les sociétés qui les représentent à l’étranger, et nous prendrons des mesures pratiques et équilibrées pour faire en sorte que les sociétés canadiennes soient des chefs de file à l’échelle de la planète. »
En ce qui concerne les rapports internationaux, sa politique par rapport aux ÉU est pour le moins révélatrice.
« Le Canada ne doit jamais sous-estimer l’importance d’entretenir des relations saines avec les États-Unis. Sans égard au locataire de la Maison-Blanche, et sans égard aux différences entre nos perspectives nationales et nos intérêts commerciaux. Le Canada et les États-Unis ont beaucoup de points communs. Par conséquent, nos relations doivent toujours évoluer dans le respect mutuel, même dans nos différends. Ensemble, nous devrions parvenir à faire progresser des idéaux démocratiques communs et élaborer des stratégies continentales pour renforcer la paix et la sécurité. »
La question du respect des droits des autochtones et des droits du Québec sont une véritable farce. Le Parti vert du Canada reconnait les Québécois et les Premières Nations comme des nations propres mais dans un Canada uni. Le Parti vert indique qu’il respectera le droit des Québécoises et des Québécois à décider de leur propre avenir, mais pose trois conditions : dans le cadre d’un vote majoritaire clair au Québec, sur une question claire en faveur de la sécession, et à condition qu’un tel vote soit reconnu juridiquement et politiquement par la communauté internationale, rejoignant ainsi le camp de Stéphane Dion.
Quant au Parti Vert du Québec, son dirigeant participait récemment à un débat sur l’indépendance du Québec pour défendre le fédéralisme en compagnie du député Conservateur fédéral de Beauport-Limoilou, M. Alupa Clarke. Il expliquait ainsi « Au Parti vert du Québec, nous sommes le seul parti qui incarne la gauche fédéraliste et qui est prêt à passer à l’action pour défendre des valeurs progressistes, sans perdre de temps avec un 3e référendum sur l’indépendance du Québec ».
Sur les questions d’antagonisme social particulièrement en ce qui a trait au contrôle des corporations et des financiers, le Parti Vert demeure ambivalent et refuse de se positionner. Dans une entrevue récente Daniel Greene, chef adjoint du Parti vert du Canada, affirmait qu’il fallait trouver le bon ton pour éviter de faire peur. Ainsi il veut éviter de reproduire le modèle du Pacte pour la transition où finalement des gens disent que "ce sont les riches et les bien nantis qui nous disent quoi faire ». « On est un pays riche, on ne devrait pas avoir de pauvres au Canada. On a un programme sur 20 ou 25 ans pour ça. »
Le fait que des militantes et militants conservateurs songent à joindre les rangs de Parti vert Canadien n’est pas surprenant. C’est un parti qui défend le statu quo institutionnel, économique et étatique.
(1) (2) Tiré de la revue Inprecor, mars 2019, no. 661, La destruction capitaliste de l’environnement et l’alternative écosocialiste
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