Parlons de l’Église catholique et de son pardon.
14 octobre 2021
On a appris en septembre dernier, grâce à une enquête indépendante, l’ampleur des abus sexuels commis au sein de l’Église catholique française. Après des révélations semblables dans la plupart des clergés catholiques des pays occidentaux, ce qui étonne encore, c’est qu’on en soit surpris. Tout le monde aurait dû s’y attendre.
Les autorités, qui ont pourtant sciemment caché ces ignominies depuis toujours, n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’alléguer leur ignorance et de demander pardon.
Depuis mon enfance, j’ai toujours été révolté par l’odieux chantage au pardon auquel se livrait sans vergogne la curaille, profondément horrifié que j’étais par l’épouvantable violence avec laquelle on tentait de nous l’extorquer alors que c’était censément un acte librement consenti.
Je trouvais absolument illogiques les termes absurdes et insensés sous lesquels on nous le représentait, comme une grâce qui rendait le cœur léger au coupable, laissant la victime confuse et troublée par une culpabilité inversée.
Le pardon tel qu’il est conçu dans la mentalité catholique étant une véritable escroquerie, je me livre ici à la déconstruction du piège qu’il constitue et j’en profite pour énumérer les conditions auxquelles un pardon est possible.
La rumeur populaire catholique nous enseigne pourtant que le pardon est sans condition. Il ne souffrirait d’aucun mais. Naturellement, comme dans la plupart des prétentions catholiques à l’égard de nos sentiments et comportements, c’est exactement le contraire qu’il faut retenir. Il ne peut y avoir de pardon sans condition et les mais y sont essentiels.
La première de ces conditions est que la victime doit avoir envie de pardonner. Rien au monde n’oblige qui que ce soit à pardonner quoi que ce soit. Se contraindre à pardonner ne serait qu’ajouter une douleur à la douleur subie. Se passer de pardonner quand on n’en a pas envie ajoute au calme de savoir qu’on n’est pas dans le tort.
Ensuite il faut que le bourreau avoue sa faute. Un pardon accordé à un coupable qui se prétend innocent ne sert de rien. Il est une parole inutile et inopérante.
Puis, il est nécessaire que le coupable demande ce pardon. Ce n’est pas tout d’avouer sa faute, il faut en demander pardon si on espère que la victime se réconcilie avec soi. Encore une fois, un pardon accordé à qui ne l’a pas demandé est un acte d’une totale insignifiance.
La contradictoire et menteuse Église catholique elle-même exige qu’il y ait aveu de la faute et demande de pardon, en plus de la pénitence, pour accorder son pardon. Ce sont là trois conditions qu’elle impose, et après elle prétend que le pardon est sans condition ? Quand ça fait son affaire, oui !
Il faut aussi que le bourreau mérite ce pardon. Il n’est pas possible de pardonner à qui se fout totalement d’avoir blessé autrui. Il est donc tout à fait normal qu’il y ait réparation de la faute. Cela variera selon l’entente que la personne pardonneuse aura avec la personne pardonnée. Que ce soit argent, travaux, dons en nature, activités bénévoles, la volonté de se faire pardonner doit se manifester par un engagement qui montre la participation à une forme de dédommagement.
Les sbires du catholicisme nous répètent souvent que s’il n’y a pas oubli, il n’y a pas pardon. Espérer faire avaler une si grosse couleuvre à ses fidèles est bien le fait d’une institution infiniment effrontée comme l’Église catholique.
Le pardon est le contraire de l’oubli. Si on oublie la chose pardonnée, alors il n’y a plus rien à pardonner et le pardon est inutile. S’il y a pardon, il doit nécessairement y avoir souvenir constant de la faute afin que le pardon soit véridique et opératoire. Comme toujours, il faut retenir l’inverse de ce qui est prêché par l’Église : le souvenir est une condition sine qua none du pardon.
Il ne s’agit pas de rappeler sans cesse à la personne coupable qu’elle a été pardonnée, mais il est essentiel pour la personne qui pardonne de garder en mémoire ce qu’elle a pardonné et comment cela est arrivé afin d’éviter de se mettre en état de vulnérabilité dans le cas où une situation semblable se produirait. Elle pourra ainsi se protéger pour ne pas être victime à nouveau. On doit apprendre de ses erreurs. En conclusion, quand il y a oubli, il n’y a pas de pardon et, quand il y a pardon, il n’y a pas d’oubli.
La sixième condition est que la demande de pardon soit sincère. Si on observe que la demande était fausse, que la personne pardonnée se fiche totalement de la générosité de sa victime et démontre par ses paroles et agissements ultérieurs qu’elle cherchait uniquement à se décharger de sa culpabilité sur la victime, eh bien le pardon est alors nul et non avenu.
Cela va une nouvelle fois contre l’illusion catholique selon laquelle le pardon est irrévocable et éternel. Hélas, rien n’est éternel dans l’univers, pas même l’éternité, laquelle disparaîtra en même temps que le temps. Une demande insincère conduit par conséquent à un pardon invalide et donc retiré.
Septième condition, le pardon ne peut s’appliquer qu’à une faute précise et passée. Par exemple, on peut pardonner une première offense, mais en aucune façon cela ne garantit que l’on pardonnera une autre faute. Il est bon d’en aviser le bénéficiaire du pardon pour qu’il ne croie pas que pardonner une chose signifie pardonner toute autre chose. Il doit aussi savoir que le pardon ne concerne que le passé, jamais l’avenir.
Un pardon qui ouvrirait sur l’avenir n’est qu’un marché de dupe grâce auquel la victime s’offre bénévolement pour être la récipiendaire perpétuelle des exactions du bourreau sans aucune rémission.
Huitième et dernière condition, qui dépend de la précédente, il faut que le coupable s’engage à ne plus recommencer. Ce n’est pas parce qu’on aurait pardonné une faute la première fois, qu’on est obligé de pardonner la même faute une autre fois. Une personne coupable qui se réserve la possibilité de reproduire son crime ne mérite aucune pitié. Pardonner une fois ne signifiera jamais pardonner une deuxième fois.
Au final, la victime est seule juge de ce que les termes de l’aveu, de la demande et de la réparation lui conviennent puisque c’est elle qui octroie le pardon.
Mais, même lorsque chacune de ces huit conditions est respectée, il importe de savoir que le fait de pardonner n’est qu’un geste de générosité de la part de la victime pour soulager la conscience de la personne coupable.
Contrairement à ce que les grenouilles de bénitier nous serinent, le pardon n’aide pas à vivre. Il ne soulage pas la douleur et son absence ne signifie pas nécessairement qu’on entretient de la haine. Ça signifie simplement qu’on estime qu’il n’est ni nécessaire ni mérité. Le pardon ne réduit en rien la blessure ; il n’assure aucune guérison ni aucune sérénité.
Puisque le pardon ne soulage que la personne coupable, la meilleure utilisation que peut en faire une victime, c’est de l’appliquer à elle-même. Mais quelle faute a-t-elle donc commise pour devoir se pardonner ? C’est un phénomène bien connu, les victimes se sentent coupables d’avoir été lésées, et c’est cela leur faute, non pas d’avoir été abusées, mais bien de prendre sur elles la culpabilité des agresseurs. Cette culpabilité les tourmente, et c’est en se pardonnant qu’elles s’en délivrent.
La victime doit donc se rendre compte de ce phénomène afin de se pardonner à elle-même de ce sentiment intolérable qui lui a été transféré par le vrai coupable. C’est pourquoi pardonner le bourreau, loin d’être indiqué, risque au contraire de retarder la guérison de la victime.
Afin de se pardonner à soi-même, comme pour le pardon envers les autres, les huit mêmes conditions s’appliquent.
D’abord, vous devez avoir envie de vous pardonner. Si vous estimez que vous méritez le sort qu’on vous a fait subir, vous n’aurez pas envie de vous pardonner. Le seul tort que vous avez est de croire que vous avez mal agi ou que vous méritez ce qui vous est arrivé. Il faut se défaire de cette charge.
Vous devez donc vous demander sincèrement pardon à vous-même (troisième et sixième conditions). Pour mériter ce pardon que vous vous demandez, pour réparer le tort que vous vous êtes fait, prenez le temps de vous accorder une récompense, ce sera la réciproque de la pénitence. Faites-vous un plaisir de la vie auquel vous n’aviez pas encore eu accès, que ce soit de petites vacances, une sortie inhabituelle, un apostat de la secte qui vous a trahi, un changement dans vos habitudes ou simplement de bannir de votre vie certaines choses ou personnes qui vous insupportent.
Vous ne devez pas oublier que vous avez dû vous pardonner. Si jamais une situation semblable à la précédente se reproduit, vous pourrez être sur vos gardes et, dans tous les cas, vous rappeler que puisque que l’agression ne relève pas de vous, vous n’êtes pas à blâmer.
Comme ce pardon ne s’applique qu’au passé, vous devez vous rappeler de ne pas à nouveau sombrer dans l’autoculpabilisation si jamais vous deviez être à nouveau victime. Vous savez que vous aurez peut-être à vous pardonner à nouveau.
À ces conditions, une victime qui s’est pardonnée peut retrouver la sérénité et transférer pour de bon la culpabilité au bourreau. Le reste est affaire de choix personnel.
C’est pourquoi ma recommandation à toutes les victimes est de répondre ceci aux abuseurs : ni oubli, ni pardon.
Francis Lagacé
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