Laissons la parole à Francis
30 avril 2023
Comme vous le verrez dans les images que nous avons rapportées, il y a de la vie sur la troisième planète de ce petit système stellaire. On y trouve de nombreuses espèces dont certaines sont subordonnées et domestiquées par d’autres. Nous n’avons pas eu le temps d’analyser complètement le fonctionnement de ces sociétés. Nous ne connaissons pas parfaitement toutes les espèces ni les différents rapports qu’elles entretiennent. Il nous a fallu rentrer, car il n’y avait pas grand-chose de consommable sur ce petit astre éteint à moins de tuer des animaux, ce qui va contre notre éthique la plus fondamentale.
Nous avons surtout admiré l’interaction entre trois espèces particulièrement répandues. D’abord une petite espèce bavarde dont la forme est plus ou moins parallélépipédique. Elle émet des couleurs et des sons. Elle parasite une espèce plus grande, qu’elle a entièrement domestiquée. Cette espèce bipède obéit aux moindres émissions sonores ou lumineuses de la première. Bien que beaucoup plus grande et beaucoup plus forte, elle est totalement soumise et transporte l’autre où elle le veut quand elle le veut, lui disant des mots de réconfort et la fournissant en énergie à la demande.
Nous avons donc appelée la première petite espèce Portée. La seconde espèce, celle qui est esclave de la première, nous l’avons appelée Domestique. Il semble que chaque portée ait sa domestique, mais il arrive qu’une domestique serve deux portées, ce qui est facilement réalisable car elle dispose de deux bras au bout desquels des organes préhensiles fonctionnent à la commande de la portée. Les domestiques sont souvent appelées pour caresser les portées. Elles peuvent y consacrer des heures.
Ce qui est fascinant, c’est que les domestiques parasitent elles-mêmes une troisième espèce plus grande et plus forte qu’elles. Cette espèce à quatre roues, nous l’avons appelée Portante. Elle se déplace à une vitesse variable allant de quelques kilomètres heure à près de deux cents. Mais les vitesses basses sont beaucoup plus fréquentes et les arrêts en grand troupeau sont aussi longs et habituels. Les domestiques ouvrent une écaille des portantes et l’occupent le temps qu’elles les amènent en différents endroits. Voici à l’écran, une domestique ouvrant l’écaille d’une portante.
Les domestiques disposent de sortes d’écurie où elles bichonnent les portantes, les nourissent et les caressent. Il est très amusant de constater que les trois espèces s’emboîtent souvent. Ainsi, une portée peut commander à une domestique de la transporter assez loin. La domestique pourra, pour exécuter cet ordre, utiliser une portante. La portante sera donc parasitée par la domestique, elle-même parasitée par la portée. Voyez, nous en avons ici des représentations cinétiques : vous pouvez distinguer la portée qui appelle la domestique. La domestique prend délicatement la portée et se dirige vers une portante dans le corps duquel elle pénètre.
L’attachement des esclaves à leurs maîtres est une chose d’un très lointain passé, que nous peinons fort à comprendre, nous êtres civilisées. Nous pouvons, par nos observations, affirmer que ce mal étrange affecte les domestiques. Nous avons assisté à la mort d’une portée. Elle n’émettait plus aucun son ni aucune lumière. Sa domestique est entrée dans une détresse inconcevable, se roulant par terre et émettant des geignements déchirants comme lorsqu’un animal perd l’une de ses petites. Nous n’en avons pas saisi d’images, la vue de la douleur n’étant pas décente.
Pour notre prochaine exploration, nous souhaiterions prendre l’apparence de portées et nous infiltrer dans la société. Nous pourrions mieux étudier leur mode de reproduction et leurs interrelations sociales. Elles semblent connaître des rapports horizontaux.
Nous aimerions aussi mieux comprendre les portantes, qui nous paraissent problématiques. Elles ont en effet des comportements pas toujours prévisibles et s’agressent parfois les unes les autres. Il semble bien que les parasites bipèdes ne soient pas si habiles à apprivoiser et à asservir leurs portantes en comparaison des portées qui ont parfaitement dompté leurs domestiques.
NDLA : Cette nouvelle fait partie du recueil N’allez jamais à Montréal.
Francis Lagacé
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