Laissons Francis nous parler de la Beatlemania
6 novembre 2023
La dernière vaguelette de la Beatlemania a frappé la planète musique les jeudi 2 novembre et vendredi 3 novembre 2023. On a annoncé la nouvelle chanson avec tambours et trompettes et on s’est livré à un striptease commercialement efficace. Dans un premier temps, on dévoile une vidéo sur la confection de la chanson. Le jeudi on sort la chanson en audio, puis le vendredi on publie la vidéo.
On a fait grand cas de l’intervention de l’intelligence artificielle dans l’affaire. Il s’agit surtout d’une technique améliorée de séparation des sons qui a permis d’extraire la voix de Lennon du magma sonore où elle se trouvait. À quand le papier de toilette intelligent ?
Le problème, c’est qu’en dépouillant la voix de tout son environnement, on dirait qu’on a aussi complètement éviscéré l’entité qui la portait. Cette voix blanche et sans émotion donne l’impression que l’âme du poète (comme aurait dit le vieux Charles) s’est envolée avec les scories qui l’encombraient. Une voix fantomatique qui, plaquée à une musique d’une traînante mélancolie, évoque les soupirs désâmés d’un zombie.
Moi, le fan fini du Beatle à lunettes, je ne retrouve pas cette énergie que John mettait même dans ses chansons les plus mielleuses (par exemple Love [Plastic Ono Band], Oh My Love [Imagine] ou One Day at a Time [Mind Games]). Pareillement, dans ses pièces les plus démoralisées (comme My Mummy’s Dead [Plastic Ono Band], How ? [Imagine], Aisumasen [Mind Games] ou bien Forgive Me, My Little Flower Princess [Milk and Honey]), il y avait un mordant sans rapport avec la voix asthénique et dénuée de toute énergie vitale qu’on entend dans Now and Then.
À l’écoute de la pièce, on perçoit aussi une grande incomplétude dans la matière textuelle et musicale. Sir Paul n’a pas réussi à combler les vides que John avait laissés, raison évidente pour laquelle Lennon ne l’avait pas reprise sur Double Fantasy et pourquoi George s’était opposé à ce qu’on l’insère dans les fameuses Anthologies.
D’ailleurs, ici, la contribution de George est réduite à la portion congrue avec un solo joué en slide sur la guitare miaulante du bon Harrison, mais par Sir Paul.
Si l’opus se laisse fredonner et charme par sa douceur, le ton est beaucoup trop nostalgique et aurait davantage convenu au portfolio des Moody Blues.
Même l’enthousiasme de commande de Sean, le fils de John, qu’on entend dans le making of de la chanson mais qu’on ne voit pas vraiment, ne réussit pas à nous convaincre.
Toutefois, la vidéo de la chanson est pas mal mieux que les deux précédentes. La vidéo de Free As a Bird était franchement moche et peu imaginative. Celle de Real Love était un peu plus artistique avec ses instruments qui volaient dans les airs. Celle de Now and Then a le mérite d’être sympathique. L’insertion des comparses décédés qui font des tatas pour le public dans la prestation d’aujourd’hui à partir des images d’époque est joyeuse, contrairement à la démoralisante mélancolie de la chanson.
Bien que George ne soit là que par allusion et que John soit le pré-texte au sens propre de la pièce, c’est bien ce dernier, le regretté Lennon, le grand absent de cette œuvre, ce qui rend encore plus cruelle l’utilisation de ses propres paroles : « I want you to be there for me ». Le primesautier John a été complètement évacué par la magie de la technologie qui n’a pas encore appris à simuler l’âme. Ça viendra sûrement, et très vite sans doute, mais pas cette fois-ci.
J’achèterai la pièce pour l’inclure dans la liste Beatles de mon Ipad. Ça reste quand même la dernière offrande des Fab Four et ça n’écorche pas les oreilles, même si c’est plutôt déprimant. Mais, je me permets de souhaiter que ce soit vraiment, mais vraiment la dernière : toute bonne chose a une fin et à trop vouloir étirer la sauce, on la gâte.
Francis Lagacé
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