mercredi 25 juin 2014

Le Réseau écosocialiste défend une stratégie de rupture écosocialiste, indépendantiste et démocratique



Le Réseau écosocialiste défend une stratégie de rupture écosocialiste, indépendantiste et démocratique 

mardi 24 juin 2014, par Réseau écosocialiste

Auteur : Bernard Rioux

Ce texte est contribution faite dans le cadre de l’Assemblée du Réseau écosocialiste qui s’est tenue à Montréal le 22 juin dernier. Il a introduit le débat sur la définition de la stratégie ésosocialiste, sur les défis et moyens à prendre pour développer un mouvement social unitaire contre le capitalisme dans une perspective écologiste et féministe et la place d’un parti comme Québec solidaire dans cette perspective.

Retour sur la réalité du pouvoir dans la société capitaliste

Le pouvoir de la classe dominante n’est pas strictement gouvernemental et il doit être déconstruit à tous les niveaux. En effet, les banques et les institutions financières, les grandes entreprises industrielles et commerciales disposent d’un pouvoir considérable dans la société capitaliste. Ce pouvoir économique de la classe dominante doit être entamé pour entrer dans un processus de transformation sociale ouvrant sur la transition vers un autre type de société. La déconstruction du pouvoir économique de la classe dominante implique la remise en question de la propriété privée du capital financier, industriel, commercial... Les partis politiques qui ne se donnent pas comme perspective de remettre en question ce pouvoir ont été amenés, pour la plupart, à reculer à grande vitesse sur leurs projets de transformation sociale. Le dernier gouvernement du Parti québécois en a été l’illustration pathétique. Il a suffi que les ténors de la classe dominante s’offusquent de leur projet d’imposer davantage les plus riches pour que le gouvernement péquiste plie immédiatement face à ces derniers. Sans volonté de remettre en question les privilèges et intérêts de la classe dominante, les volontés de transformation sociale fondent comme neige au soleil.

Le pouvoir idéologique et culturel de la classe dominante doit être aussi pris en considération. Les institutions sociales et culturelles (hôpitaux, écoles, médias...) sont entre les mains de la classe dominante (médecine sous l’emprise des trusts pharmaceutiques, concentration de la presse, école sélective, formations professionnelles et universitaires sous l’emprise des grandes entreprises). Un parti politique de gauche ne peut avoir la force de remettre en question ce pouvoir que s’il a construit dans les différentes institutions, un mouvement de résistance aux politiques de l’oligarchie.

Un parti de gauche ne vise pas à administrer l’économie capitaliste telle qu’elle se donne avec la concentration des décisions dans les mains de quelques-uns, avec sa capacité de détruire l’environnement sans que la majorité de la population ait un réel pouvoir de décision sur les décisions économiques et politiques. Un parti de gauche au Québec ne vise pas l’administration de la province de Québec dans le cadre du maintien de la domination de l ’État fédéral sur le Québec. Au niveau économique et social comme au niveau national, un parti de gauche vise à former un gouvernement de rupture ce qui ne sera possible que s’il existe un grand mouvement social unitaire des classes dominées contre la régression sociale capable d’impulser de larges mobilisations démocratiques pour les revendications de la majorité populaire.

La construction du mouvement social comme force sociale de transformation passe par l’unification d’une série de forces populaires contre-hégémoniques – capables délégitimer les pratiques et le discours de la classe dominante... et de lui opposer une pratique inspirée par la résistance aux projets de la classe dominante. Ce mouvement sera capable d’opposer à un discours et une pratique économiques qui justifient la répartition inégalitaire des richesses et une fiscalité inéquitable une transformation de la fiscalité participant de la redistribution de la richesse et des processus d’appropriation sociale donnant un pouvoir aux classes subalternes sur les grandes décisions économiques.

Il doit parvenir à opposer à un discours et une pratique de justification de la démocratie restreinte, de s’opposer à un discours rejetant l’aspiration au dépassement du caractère limité de la démocratie représentative et d’impulser des luttes qui remettent en cause le mode de scrutin inéquitable, la professionnalisation de la politique, l’absence de contrôle sur les éluEs par la population et la mise en place des formes de démocratie directe et participative.

Un tel mouvement populaire doit dénoncer et s’opposer à la monopolisation des instruments de diffusion... et chercher le démantèlement des monopoles sur les grands médias et multiplier les initiatives favorisant la construction d’une société capable d’animer des débats libérateurs dans l’ensemble de la société civile. Il s’agit là d’une dimension importante de la lutte antihégémonique contre le pouvoir culturel de la classe dominante. Ce grand mouvement populaire se construira dans les luttes et autour de débats et de propositions qui permettront d’instaurer un fonctionnement unitaire et démocratique des organisations et de fédérer ces luttes. Cela perspective pourra se réaliser par une série de combats partiels, mais incontournables :

regrouper la gauche syndicale aujourd’hui atomisée dans la lutte pour un mouvement syndical de combat et de masse autonome vis-à-vis des partis et politiques de la classe dominante

favoriser le développement des luttes écologistes qui savent lier le combat immédiat contre le réchauffement climatique, contre le virage pétrolier à la remise en question de la société capitaliste dans son ensemble

combiner la déconstruction de la domination patriarcale opérée par les luttes féministes pour l’égalité à la remise en question de la société capitaliste qui est intrinsèquement patriarcale.

soutenir les luttes antiracistes pour tirer au clair le projet intrinsèquement raciste de l’impérialisme.

Seul le développement de ces luttes peut fonder un projet de transformation sociale véritable susceptible de générer des contre-pouvoirs significatifs (comme au printemps 2012). L’enracinement de QS comme parti de transformation sociale doit passer par sa participation à ces luttes, aux débats en leur sein et aux efforts d’unification du mouvement social. Et c’est un tel mode d’enracinement qui permettra à un parti politique comme QS d’élargir politiquement ces combats et d’exprimer, une fois au gouvernement, la volonté de rompre avec la domination capitaliste, patriarcale et antiécologique de la classe dominante actuellement au pouvoir.

L’indépendance du Québec est une rupture, la rupture avec la domination politique de l’État canadien sur la nation québécoise permettant sa sortie de son statut de minorité politique. Cette rupture est nécessaire parce qu’il n’est pas possible de construire une société libre, égalitaire et écologique dans le cadre de la domination fédéraliste sur le Québec. Car toute une série de secteurs stratégiques de l’économie et de la société québécoise est sous le contrôle d’Ottawa qui défend une société au service de l’oligarchie canadienne.

Parler d’une rupture indépendantiste, c’est affirmer haut et clair notre refus de l’enfermement provincialiste que le PQ a accepté et qui l’a empêché de faire de l’indépendance le centre de sa politique et qui l’a amené à se replier sur la logique du gouvernement provincial.

Une perspective indépendantiste, qui n’est pas aux mains des élites nationalistes, mais qui est portée par une démarche radicalement démocratique passe par une transformation des formes d’exercice de la démocratie tant au niveau des institutions politiques qu’au niveau de l’économie, du contrôle sur notre environnement et de la vie culturelle de notre société.

Cette démarche culminera vers la possibilité d’expression de la souveraineté populaire qui se concrétisera par l’élection d’une constituante et la mise en place d’un processus de démocratie participative. Dans ce processus de souveraineté populaire devra permettre une négociation nation à nation avec les nations autochtones dans le respect de leur droit à l’autodétermination.

2. Le défi Québec solidaire : s’associer comme parti aux processus de transformation de la société québécoise ici et maintenant

Défendre une stratégie électoraliste, cela ne veut pas dire prendre les moyens de gagner en construisant une large base électorale. C’est croire qu’accéder au gouvernement à Québec, c’est prendre le pouvoir... dans la société. C’est croire que le pouvoir dans la société capitaliste passe d’abord par une communication efficace, sur des candidatures pourvues d’une grande notoriété et d’une bonne expertise particulièrement en matière économique... C’est réduire la question du pouvoir non pas aux rapports de force réels dans la société québécoise que nous avons déjà évoqués, mais à la simple construction d’une large base électorale.

Ce pragmatisme électoraliste a été la pratique coutumière des partis sociaux-démocrates qui réduisent leurs ambitions transformatrices à des réformes qui n’entament pas réellement la structure du pouvoir d’une société capitaliste. C’est pourquoi, depuis des décennies maintenant, les partis sociaux-démocrates ont recentré leur programme et qu’à l’époque néolibérale ce recentrage a fini dans une adaptation et un accompagnement des politiques néolibérales. Cela a été le cas du Labour Party britannique, du PS en France, du PSOE en Espagne, du PASOK en Grèce, ou du NPD au Canada. Une stratégie électoraliste, compte sur le recentrage du programme... Au nom d’un faux réalisme, certainEs personnes veulent suivre un chemin identique au Québec.

3. Le Réseau écosocialiste doit défendre une stratégie de mobilisation populaire comme axe central du travail de Québec solidaire.

La construction de Québec solidaire ne se sera pas possible dans un Québec d’accumulation de reculs des classes ouvrières et populaires, dans un contexte de détérioration généralisée de notre environnement... Pour se construire, Québec solidaire doit être partie prenante de la résistance à la régression sociale et environnementale que veut nous imposer le capitalisme à la majorité populaire.

C’est pourquoi il faut construire QS comme un parti de campagnes impliqué dans les mouvements sociaux. QS ne peut se contenter d’assurer sa solidarité aux luttes. Il doit intervenir dans les débats sur les et les enjeux, les orientations et les stratégies que vont se poser dans les différents mouvements sociaux et cela dans le respect de leur démocratie interne sans aucune volonté d’établir un rapport hiérarchique avec ces mouvements. Comme, parti, il doit chercher à favoriser l’indépendance des mouvements sociaux face aux partis de la classe dominante qui cherchent à influer sur leur orientation afin de désamocer toute orientation remettant radicalement en cause la domination du capital sur la vie économique et sociale.

Les batailles électorales sont des moments de la lutte contre l’hégémonie des partis dominants. Les militantEs anti-capitalistes qui négligent le terrain électoral méconnaissent que les élections malgré ses limites (modes de scrutin peu démocratique, importance de l’argent, refus d’aborder des enjeux essentiels, absence de contrôle de la population sur les éluEs...) sont des moments où des secteurs très larges de la population se questionnement sur le pouvoir dans cette société, sur les orientations économiques et politiques autres que celles qui se sont imposées dans un dernier mandat. Les élections sont des moments importants qu’il faut utiliser pour arracher la majorité populaire à l’influence de ces partis dominants, pour opposer des politiques concrètes répondant aux intérêts de la majorité populaire aux politiques capitalistes et pour constituer une équipe parlementaire qui pourra éventuellement démultiplier la portée et la diffusion des idées avancées par un parti de gauche. Le travail électoral ne saurait donc être néligé et méprisé. Diversité des tactiques oblige !

4. Le travail autonome du Réseau écosocialiste

Le Réseau écosocialiste est un réseau de réflexion, d’élaboration et de diffusion des orientations visant à apporter des réponses aux enjeux soulevés par les luttes sociales dans une perspective de transformation sociale. Il veut également permettre un travail systématique d’échanges unitaires et de débats avec les différentes composantes de la gauche anticapitaliste. Le Réseau écosocialiste doit avoir un caractère fédérateur visant à ouvrir le débat et les initiatives communes entre les différentes composantes de la gauche anticapaliste pour renforcer leur audience par différentes initiatives de regroupement des secteurs de gauche anticapitaliste.

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