jeudi 1 septembre 2016

Le Parti québécois : champ de ruines ou nœud de tensions


Bernard Rioux remet les pendules des péquistes à l'heure



QUÉBEC

Le Parti québécois : champ de ruines ou nœud de tensions 



mardi 30 août 2016, par Bernard Rioux

On peut lire maintenant de plus en plus régulièrement que cette course est drabe et insignifiante. Drabe, certainement. Insignifiante, aucunement. La course à la chefferie montre un parti qui se divise, qui refuse de faire face aux enjeux stratégiques et qui prépare à défendre sa place comme opposition provinciale officielle. Ce n’est pas rien.

Véronique Yvon a démissionné pour des raisons de maladie. Les spéculations vont bon train sur la répartition de ses appuis entre les différents candidatEs. La distance politique avec Alexandre Cloutier était si mince que c’est ce dernier qui risque de profiter de son retrait de la course.

Les campagnes de Cloutier, Lisée et Plamondon sont des campagnes d’ambitieux et d’arrivistes. Tous ces messieurs sont de la gauche... de droite bien sûr. Cloutier veut investir en éducation, en santé, et s’attaquer à l’évitement fiscal et taxer les institutions financières. Ses propositions ressemblent comme deux gouttes d’eau à la plate-forme électorale péquiste de 2012 qui ont rapidement été jetées, on se rappellera, aux poubelles par le gouvernement Marois.

Jean-François Lisée développe son côté non givré en reprenant un discours identariste Il n’hésite pas à faire un lien en l’interdiction du burkini et la lutte contre l’islamisme radical. Il en rajoute même en appelant au bannissement de la burka et du niqab dans l’espace public. Il se retrouve ainsi dans le même pacage que la CAQ qui tente de s’attirer des appuis politiques en demandant un acte de foi aux immigré-e-s aux valeurs québécoises et à en priant le premier ministre Couillard d’abaisser les taux d’immigration. Cette posture identitariste le conduit à rejeter l’interculturalisme, à développer son orientation de concordance nationale (un assimilationnisme qui refuse de dire son nom) et à appeler les immigrantEs à se responsabiliser de leur intégration.

Que tous les candidat-e-s affirment s’opposer à la construction « d’Énergie Est » est sans aucun doute le reflet encourageant de la montée d’une opposition de masse à la construction du pipeline de TransCanada. On se rappellera qu’il n’y a pas si longtemps, l’opposition péquiste à l’Assemblée nationale attaquait le premier ministre Couillard lui demandant de respecter le contrat signé avec Pétrolia sur l’exploration pétrolière et gazière sur l’île d’Anticosti et que Pierre-Karl Péladeau refusait, durant la dernière campagne électorale fédérale, de rejeter le projet de pipeline de TransCanada. Ces candidats savent bien qu’il sera toujours temps d’ajuster leur position si l’accession au pouvoir du Parti québécois devait se réaliser.

Balayer sous le tapis l’option, le propos de la majorité des candidats à la chefferie

Martine Ouellet est la seule candidate qui refuse de balayer sous le tapis ou vers un avenir incertain la question de l’indépendance. Mais l’orientation qu’elle propose demeure jusqu’ici très minoritaire au sein du Parti québécois. Ses résultats ne sont guère étonnants alors que des intellectuels souverainistes (?!) se gênent plus pour dire que la lutte pour l’indépendance n’est pas la tâche de l’heure et qu’il est suicidaire de défendre la perspective de la tenue d’un référendum dans un premier mandat comme le fait Martine Ouellet.

Ces apôtres de la phrase « souverainiste » repoussent toute démarche stratégique pour l’indépendance à plus tard. Lisée parle de 2022. Plamondon, plus déterminée encore à écarter cette épreuve a même affirmé qu’il ne tiendrait peut-être pas un référendum dans un deuxième mandat et qu’il se refuse à utiliser l’argent public pour faire la promotion de l’indépendance…

Une course révélatrice du déclin péquiste

Le PQ se révèle de plus en plus pour ce qu’il est : un parti de l’alternance, provincialiste et velléitaire incapable de s’opposer clairement aux projets économiques de la classe dominante. Il n’est plus que l’instrument du secteur nationaliste de l’oligarchie politique.

Cette course à la chefferie dessine de plus en plus clairement ce qu’on pourrait nommer la feuille de la déroute dans la lutte pour l’indépendance du Québec :

report de l’échéance référendaire aux calendes grecques

 rejet de la perspective d’une constituante élue par le peuple ;

 attachement à l’alliage d’éléments programmatiques de droite et de gauche sur le libre-échange, sur le développement de l’État social, sur l’immigration, sur l’environnement débouchant sur une incapacité de donner un contenu social réel tourné vers la défense de la majorité populaire.


Cela ne fait qu’éveiller parmi les classes ouvrières et populaires la méfiance envers les nouveaux coups fourrés qu’il nous prépare s’il devait reprendre le pouvoir. Parti parcouru par des tensions entre une gauche ultra-réformiste velléitaire et démagogique et une droite populiste tentée par les régressions identitaristes, le Parti québécois, dans sa majorité, n’a plus rien à voir avec une lutte conséquente pour l’indépendance du Québec.

La construction d’un mouvement citoyen pour l’indépendance passe par une rupture avec la famille péquiste

La crise du Parti québécois c’est la crise d’une direction sans projet stratégique national cohérent. Elle démontre l’urgence de la construction d’un nouveau bloc social dirigé par les mouvements sociaux des classes subalternes autour d’un projet d’un Québec égalitaire et inclusif. Tant que le mouvement pour l’indépendance restera sous la direction des élites bourgeoises et petites-bourgeoises, il restera impuissant, car cette direction refuse un affrontement réel avec la bourgeoisie canadienne et ses institutions.

Les élites nationalistes se sont avérées jusqu’ici incapables de mener la lutte pour l’indépendance jusqu’au bout. Elles ont même eu tendance à chaque moment crucial de notre histoire à transformer l’aspiration à l’indépendance en objectif d’États associés. Référendum sur la nouvelle alliance en 1980. Référendum sur la souveraineté partenariat en 1995. À chaque fois, la recherche d’un compromis avec l’État canadien a remplacé la nécessaire rupture menant à une libération nationale véritable.

L’affirmation d’une autonomie politique face au bloc péquiste est le chemin nécessaire de la constitution d’un nouveau bloc social formée de la majorité des classes exploitées et opprimées capable de lier indépendance nationale, à un projet de société égalitaire et à la lutte pour une démocratie radicale. C’est là un tout autre projet que ce que nous propose le péquisme déclinant.

Éclairer cette alternative stratégique fondamentale placée devant la gauche indépendantiste, tel est le sens des débats qui devront être menés dans les prochains mois.


Aucun commentaire: