Francis nous parle des Rose
7 septembre 2020
Le film Les Rose de Félix Rose, fils de Paul, est un moment d'histoire familiale qui instruit aussi sur l'histoire du Québec. En effet, pour qui n'a pas vécu la Crise d'octobre 1970 et n'a pas suivi les événements politiques de l'époque, c'est l'occasion, grâce notamment à l'entrevue que Paul Rose a accordée de prison à Marc Laurendeau, et dont on voit des extraits dans le film documentaire, de reconnaître que Paul Rose n'est pas coupable du meurtre de Pierre Laporte, même s'il a été condamné pour cette raison.
Le portrait de famille tourne surtout autour des deux frères : Jacques l'impulsif et Paul l'analyste posé. La tentation est forte de faire un parallèle entre Épiméthée et Prométhée, mais la comparaison serait exagérée.
On redécouvre Rose Rose, la mère des deux felquistes, femme forte et militante. On constate que malgré les déclarations officielles à l'effet que Paul serait jugé comme un criminel de droit commun, c'est un véritable procès politique qu'on lui a fait, in abstentia qui plus est. Il fait bon également de revoir le fidèle Robert Lemieux, avocat dévoué qui a payé très cher son engagement politique.
C'est aussi l'occasion de se rappeler ou d'apprendre comment les femmes ont su utiliser le procès pour étaler au grand jour la discrimination qui leur interdisait d'être membres d'un jury. Le geste « illégal » qu'elles ont posé a quand même incité le gouvernement à changer la loi.
Pour les personnes qui ont connu Paul le syndicaliste, on aurait aimé voir plus d'images de ses dernières années à la CSN, mais le réalisateur ne peut pas produire le film que chacun aurait aimé. Il assume ses choix. De même, on aurait aussi apprécié que Félix reprenne des images du bref séjour qu'il a effectué avec son père en Irlande du Nord.
Il reste que Paul se présente tel qu'on l'a connu : un analyste posé, résolu, mais toujours discret et toujours solidaire. La solidarité au-delà de tout aura été son maître-mot.
Quand on entend à la radio publique Marc Cassivi dire que le grand absent du film est Pierre Laporte, on se rappelle qu'il a parfois le don de la déclaration intempestive. On se souviendra que je l'avais dûment étrillé dans mon billet du 14 août 2007 quand il avait affirmé avec l'assurance des inconscients qu'il n'y avait pas de nouvelles en été.
Mais pour ce qui nous importe, c'est absolument faux que Laporte est absent du film. Il y est présent et on observe à quel point son entourage bourgeois l'a laissé tomber sans aucun remords.
Les deux vrais absents du film sont Paul, le père, que l'on voit parfois mais qui ne prend jamais la parole ainsi que le mystérieux Magnan, ce boute-feu qui avait été placé dans le Front de libération du Québec (FLQ) par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), laquelle faisait alors office de police fédérale et de services secrets canadiens.
Paul avait évoqué ce personnage au détour d'une conversation alors qu'il me mettait en garde contre ces enthousiastes de la dernière heure qu'on voyait apparaître d'on ne sait où et qui se montraient plus absolutistes que tout le monde sans qu'on ait connaissance d'aucun état de service antérieur. Dans le monde syndical, des cas comme ça sont souvent des émissaires des boss. Le curieux trublion est disparu de la circulation sans laisser aucune trace et n'a jamais été recherché par les services de police.
À l'opposé de Paul Rose, qui se pliait aux votes démocratiques même quand ça ne lui plaisait pas, on revoit un René Lévesque qui boude et regimbe jusqu'à obtenir gain de cause quand son parti ne pense pas comme lui.
Qu'on ait connu ou pas les Rose, il est utile à notre mémoire personnelle et collective d'apprécier le portrait que nous en dresse le cinéaste Félix Rose.
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