Parlons de communication avec Francis
19 novembre 2021
C’est à 18 heures 45 que Marie-Ève rentre fourbue du bureau. Elle y a passé la dernière heure à tout nettoyer, covid oblige. Aux bruits de son arrivée, François-Philippe lève les yeux de son ordinateur et la gratifie de signes impérieux ; elle doit faire silence, il est encore en réunion de télétravail.
En ouvrant le frigo, la conjointe constate qu’évidemment, le conjoint n’a rien acheté pour le repas du soir, même s’il avait promis de passer à l’épicerie en après-midi. Déboule tout à coup dans la pièce Sophie-Alice, l’ado surexcitée, qui démolit presque le congélateur à la recherche de pizzas pochettes apparemment évadées vers un autre univers.
Cette dernière marmonne des formules mystérieuses et incompréhensibles pour qui a plus de 30 ans pendant que Marie-Ève pitonne son cellulaire, histoire de commander trois repas cuisinés en s’inspirant de ceux qui avaient été achetés la veille à la suite de trois quarts d’heure de discussion sur leur forme et leur composition.
L’ado regagne sa chambre sans parler, mais en faisant comme si ses pieds pesaient deux tonnes. François-Philippe ferme violemment la porte de la chambre conjugale où il s’est réfugié avec le laptop, et Marie-Ève s’affale sur le canapé pour consulter ses derniers messages.
Une heure et demie plus tard, quand ça sonne à la porte, c’est évidemment Marie-Ève qui doit quitter son canapé, téléphone à la main pour recevoir la livraison, qu’elle dépose sur la table de cuisine en soupirant. Un cri semblable à ceux qui devaient résonner autrefois quand le chasseur avait abattu un mammouth fait vibrer la maison pour prévenir les deux autres membres du clan que la pitance est arrivée.
François-Philippe se réjouit, car il vient de mettre fin abruptement à son rôle dans l’interminable réunion. Il se précipite sur sa chaise et déballe la bouffe tout en allumant le téléphone qui sort lestement de sa poche où il avait dû se tapir depuis le début de l’après-midi. Marie-Ève mange debout tout en pitonnant frénétiquement alors qu’émerge d’un coin obscur une Sophie-Alice vite renversée par une attaque de la table, le cellulaire bloquant la plus grande partie de son champ de vision. Elle reste assise sur le plancher de la cuisine, et son père fait glisser vers elle la boîte restante.
On pourrait intituler ce tableau Portrait d’une agape familiale.
Francis Lagacé
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