Parlons de consommation et de violence avec Francis.
29 novembre 2021
Les personnes de ma connaissance qui travaillent dans le commerce ont remarqué, depuis la pandémie, une accélération d’un phénomène déjà notable auparavant : celui de la violence de plus en plus grande des interpellations et réactions des client·e·s. On voit partout affiché tant dans les services publics que dans les établissements commerciaux : « Nous traitons tout le monde équitablement ; la violence ne sera pas tolérée. »
La frustration étant de plus en plus grande, les débordements s’en suivent.
Ce n’est pas par hasard que j’ai inclus les services publics dans le lot des commerces. Depuis longtemps déjà, le public a adopté la fameuse « approche client », qui déshumanise tous les rapports et transforme la relation avec les usagers en « prestation de services », assimilant ainsi toute interaction à une transaction commerciale.
Dans le commerce même, on est passé de « Le client est roi » à « Le client n’est qu’un cochon de payant, qui veut avoir l’impression de payer moins cher. » On en arrive donc à une série d’opérations de laquelle toute préoccupation de qualité véritable, sauf celle qui se mesure, donc qui n’est pas de la qualité, est absolument évacuée.
La frustration est grande chez les malheureux client·e·s qui n’ont jamais affaire à qui que ce soit de responsable et qui reçoivent toujours comme réponse qu’il faut effectuer un acte consommatoire supplémentaire.
Nombre d’entreprises commerciales se prennent pour des forteresses inexpugnables à laquelle il est impossible de s’adresser par courriel, après avoir attendu des heures au téléphone pour aboutir sur une pauvre préposée dénuée de tout pouvoir sur les activités de la compagnie. C’est cette dernière personne sur qui, hélas, se déverse la rage des chaland·e·s exaspéré·e·s par la nonchalance absolue des magasins, banques, assurances, compagnies de crédit et autres agences de communication, y compris certains ministères, dont l’entreprise privée est le modèle.
Quand ces officines vous envoient des réponses qui prouvent à l’évidence qu’elles ne lisent même pas votre courrier (par exemple quand on se fait dire « Merci pour le renouvellement de votre confiance », alors qu’on sollicite la résiliation d’un contrat), il faut être bâti drôlement solide pour arriver à trouver la patience de dénicher dans le dédale des chausse-trapes qu’on dresse devant nous la bonne porte où frapper. J’ai souvent dû fouiller dans le registre des entreprises pour identifier des propriétaires d’entreprises à qui remettre sous le nez leurs responsabilités.
L’immense majorité résignée finit par endurer et laisser filer jusqu’à ce qu’un plomb saute. C’est alors le quidam qui est considéré comme une personne incapable de maîtriser sa colère, comme les travailleuses et travailleurs rendu·e·s cinglé·e·s par leurs conditions de travail sont diagnostiqué·e·s sous l’étiquette accusatrice de « troubles de l’adaptation ».
Notre société de consommation est productrice de violence, mais on s’attaque encore au symptôme, la détresse des individus, plutôt qu’à la cause : l’irresponsabilité des entreprises et de leurs procédures.
De nombreuses solutions sont à notre portée. On pourrait commencer par exiger que toute entreprise indique sur son site web l’adresse postale, téléphonique et électronique de son siège social avec le nom des personnes ultimement en charge (pdg, secrétariat, service à la clientèle, ombudsman le cas échéant). Cette pratique existe en France.
On pourrait aussi exiger que les entreprises assurent une réponse par une personne réelle, non un robot ou un algorithme aux courriels, appels téléphoniques et lettres.
On devrait d’ailleurs redonner des dents à l’Office de la protection du consommateur, lequel est devenu un toutou qui se cache sous le canapé pour lécher les pantoufles du commerçant.
Pour ce qui est des services gouvernementaux, une réforme importante, dont la description demanderait beaucoup plus d’espace que n’en peut offrir un billet, devra replacer la citoyenne·le citoyen et l’humanisme au cœur de toute démarche, qu’on cesse de traiter des cas, mais qu’on interagisse avec des personnes.
Francis Lagacé
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