vendredi 5 novembre 2021

Ça arrive aux hommes

 

Parlons d’abus sexuel et d’abus de pouvoir avec Francis.

Ça arrive aux hommes

5 novembre 2021

En 1997, le sociologue Michel Dorais publiait un essai intitulé Ça arrive aussi aux garçons. Dans cet ouvrage, il étudiait les impacts des abus sexuels subis par les jeunes de sexe masculin. Au vu de l’affaire Salvail et d’autres cas qui ont été révélés par la suite, le public sait maintenant que ça arrive également à des hommes. Et si je reprends ici ce titre, c’est pour bien marquer que nul n’est à l’abri de ce phénomène qui, comme je le dis depuis toujours, est d’abord, et avant même d’être un abus sexuel, un abus de pouvoir. (Voir à ce sujet le billet en même temps lettre ouverte du 27 janvier 2018 Des hommes appuient #EtMaintenant.)

Le hockeyeur Kyle Beach a révélé avoir été, il y a de cela 10 ans, victime d’une agression sexuelle par son entraîneur vidéo, Brad Aldrich. Torturé par la honte et la culpabilité que ne manque pas de transférer sur lui son abuseur, se sentant abandonné de tous, il n’avait pas osé en parler publiquement. Pourtant, il s’était plaint à la direction de l’équipe de hockey. Celle-ci n’a rien fait pour sanctionner le prédateur ni pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Elle a préféré regarder ailleurs.

On raconte même que des rumeurs ont circulé dans les vestiaires sur la victime et qu’on en rigolait plutôt que de faire preuve de compassion. C’est une illustration flagrante de la culture de masculinité toxique qui valorise la domination plutôt que l’empathie.

Il importe de comprendre que ni la force physique, ni l’assurance personnelle, ni aucun comportement spécial de la victime ne la protègent vraiment, car les abuseurs manipulent, se servent de leur autorité, de leur rôle dans la famille, de leur statut social, de leur notoriété, de leur popularité, de leur richesse, de leur influence, de tous les moyens à leur disposition pour arriver à leurs fins.

Si on arrive à comprendre qu’un homme peut être la proie de tels abuseurs, on devrait enfin se rendre compte qu’il faut arrêter de blâmer les victimes. Comprendra-t-on qu’il faut cesser de dire aux femmes comment s’habiller ou se comporter, qu’il faut cesser de leur suggérer quoi dire ou quoi faire alors que le problème réside chez l’abuseur ?

Maintenant qu’un joueur de hockey professionnel a osé parler, a ouvert la trappe du côté sombre de ce monde pas toujours glorieux, on peut s’attendre à ce que d’autres sportifs, que ce soit dans ce sport-là ou dans les autres, révèlent ces secrets inavouables, car les jeux de pouvoir qui s’y exercent aboutissent aussi aux abus sexuels.

Je suis prêt à parier qu’il y a de nombreux autres cas ; il est moins certain qu’on osera les dénoncer, mais en tout cas, la brèche est ouverte.

Francis Lagacé

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