Parlons de libre-échange avec Paul Cliche
L’appui du PQ au libre-échange :
Rien n’a changé depuis 25 ans
Le nouveau ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, a organisé, le 5 octobre dernier, une rencontre entre une quarantaine d’organisations de la société civile et Pierre-Marc Johnson, négociateur en chef du Québec pour l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne.
Marquant une rupture avec la politique du secret de l’ère Charest, la tenue de cette rencontre a été fort bien accueillie mais plusieurs participants en sont sortis déçus. Certains ont même déploré qu’au lieu de se montrer à leur écoute et d’entamer un dialogue au sujet de cet accord crucial pour notre économie, le ministre Lisée semble avoir monté une opération de relations publiques pour faire connaitre l’appui sans réserve du gouvernement Marois au libre-échange avec l’Europe. Pourtant, le Parti québécois avait exprimé des réticences à ce sujet alors qu’il était dans l’opposition. Ces dernières se seraient-t-elles subitement estompées lors de son arrivée au pouvoir?
En vérité, on peut avoir plusieurs réticences envers ce projet d’accord dont, comme le soulignent des observateurs, l’inclusion de la culture dans les négociations ainsi que l’ouverture des marchés publics aux mutinationales européennes qui pourrait empêcher nos gouvernements de s’en servir comme levier économique. Le fait que l’accord pourrait mettre les coopératives en concurrence avec ces dernières soulève aussi des inquiétudes de même que les freins qui seraient mis à la protection de l’environnement. Sans parler de la disposition investisseurs/États qui est un calque du fameux chapitre 11 de l’ALÉNA permettant à des compagnies de poursuivre des gouvernements par l’intermédiaire de tribunaux privés d’experts au fonctionnement plutôt opaque.
Changement majeur d’orientation pour le PQ
On se rappelle que c’est le Parti québécois qui, en compagnie du gouvernement conservateur de Brian Mulroney, a agi comme fer de lance pour lancer le Canada dans l’aventure du libre-échange nord-américain vers la fin des années 1980. En s’en faisant les champions, les dirigeants du PQ ont en effet opté alors pour les consignes néolibérales inscrites au cœur des accords négociés par les administrations Reagan et Mulroney.
Devenu subitement la coqueluche du Conseil du patronat, des grandes entreprises et des chambres de commerce, le futur premier ministre Bernard Landry a effectué pendant deux ans une tournée où, côtoyant à l’occasion les Paul Desmarais, Laurent Beaudoin et tutti quanti, il a prononcé plus de 150 conférences. Il a même publié, en 1987, un livre où il a défendu le projet Reagan-Mulroney avec vigueur et même avec des accents lyriques. De plus, c’est grâce à la formation souverainiste que Mulroney a été réélu en 1988 aux dépens du Parti libéral qui s’opposait alors au libre-échange. Mais pas pour longtemps comme on devait le constater par la suite sous Jean Chrétien. De plus, ce virage à 180 degrés s’est effectué sans débat public.
Malheureusement, il ne s’est pas agi d’un dérapage sans lendemain mais d’un changement idéologique maintenant inscrit dans l’ADN du PQ. Plusieurs analystes, dont l’essayiste Jacques B. Gélinas, ont d’ailleurs documenté abondamment cette triste opération où Lucien Bouchard et Bernard Landry ont joué un rôle capital dans l’assujettissement de l’État québécois aux diktats des grandes entreprises. C’est avec l’arrivée au pouvoir de Lucien Bouchard en 1996 que le Québec s’est engagé résolument sur la voie du néolibéralisme. L’opération peu publicisée de la déréglementation à grande échelle menée dans les coulisses à compter de 1996, sous la gouverne des hommes d’affaires Bernard Lemaire et Raymond Dutil, est révélateur. Pendant ce temps, l’opération déficit zéro, de même farine, était menée tambour battant sous les feux de la rampe. Le Québec est alors devenu en quelque sorte un des principaux champs d’expérimentation du néolibéralisme.
Rien n’a changé depuis 25 ans
Le nouveau ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, a organisé, le 5 octobre dernier, une rencontre entre une quarantaine d’organisations de la société civile et Pierre-Marc Johnson, négociateur en chef du Québec pour l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne.
Marquant une rupture avec la politique du secret de l’ère Charest, la tenue de cette rencontre a été fort bien accueillie mais plusieurs participants en sont sortis déçus. Certains ont même déploré qu’au lieu de se montrer à leur écoute et d’entamer un dialogue au sujet de cet accord crucial pour notre économie, le ministre Lisée semble avoir monté une opération de relations publiques pour faire connaitre l’appui sans réserve du gouvernement Marois au libre-échange avec l’Europe. Pourtant, le Parti québécois avait exprimé des réticences à ce sujet alors qu’il était dans l’opposition. Ces dernières se seraient-t-elles subitement estompées lors de son arrivée au pouvoir?
En vérité, on peut avoir plusieurs réticences envers ce projet d’accord dont, comme le soulignent des observateurs, l’inclusion de la culture dans les négociations ainsi que l’ouverture des marchés publics aux mutinationales européennes qui pourrait empêcher nos gouvernements de s’en servir comme levier économique. Le fait que l’accord pourrait mettre les coopératives en concurrence avec ces dernières soulève aussi des inquiétudes de même que les freins qui seraient mis à la protection de l’environnement. Sans parler de la disposition investisseurs/États qui est un calque du fameux chapitre 11 de l’ALÉNA permettant à des compagnies de poursuivre des gouvernements par l’intermédiaire de tribunaux privés d’experts au fonctionnement plutôt opaque.
Changement majeur d’orientation pour le PQ
On se rappelle que c’est le Parti québécois qui, en compagnie du gouvernement conservateur de Brian Mulroney, a agi comme fer de lance pour lancer le Canada dans l’aventure du libre-échange nord-américain vers la fin des années 1980. En s’en faisant les champions, les dirigeants du PQ ont en effet opté alors pour les consignes néolibérales inscrites au cœur des accords négociés par les administrations Reagan et Mulroney.
Devenu subitement la coqueluche du Conseil du patronat, des grandes entreprises et des chambres de commerce, le futur premier ministre Bernard Landry a effectué pendant deux ans une tournée où, côtoyant à l’occasion les Paul Desmarais, Laurent Beaudoin et tutti quanti, il a prononcé plus de 150 conférences. Il a même publié, en 1987, un livre où il a défendu le projet Reagan-Mulroney avec vigueur et même avec des accents lyriques. De plus, c’est grâce à la formation souverainiste que Mulroney a été réélu en 1988 aux dépens du Parti libéral qui s’opposait alors au libre-échange. Mais pas pour longtemps comme on devait le constater par la suite sous Jean Chrétien. De plus, ce virage à 180 degrés s’est effectué sans débat public.
Malheureusement, il ne s’est pas agi d’un dérapage sans lendemain mais d’un changement idéologique maintenant inscrit dans l’ADN du PQ. Plusieurs analystes, dont l’essayiste Jacques B. Gélinas, ont d’ailleurs documenté abondamment cette triste opération où Lucien Bouchard et Bernard Landry ont joué un rôle capital dans l’assujettissement de l’État québécois aux diktats des grandes entreprises. C’est avec l’arrivée au pouvoir de Lucien Bouchard en 1996 que le Québec s’est engagé résolument sur la voie du néolibéralisme. L’opération peu publicisée de la déréglementation à grande échelle menée dans les coulisses à compter de 1996, sous la gouverne des hommes d’affaires Bernard Lemaire et Raymond Dutil, est révélateur. Pendant ce temps, l’opération déficit zéro, de même farine, était menée tambour battant sous les feux de la rampe. Le Québec est alors devenu en quelque sorte un des principaux champs d’expérimentation du néolibéralisme.
Le même néolibéralisme de facto prévaut sous Marois
L’accession de Bernard Landry au poste de premier ministre en 2001 a été marquée par la tenue du Sommet des Amériques à Québec. Ce dernier a appuyé fortement la mise sur pied d’une zone de libre échange sur les continents sud et nord américains (ZLÉA) qui ne s’est finalement pas matérialisée. Le seul regret exprimé par le nouveau premier ministre était que le Québec n’ait pu y participer à l’évènement en tant que pays souverain.
Comme prévu le gouvernement Landry n’a pas modifié l’orientation néo-libérale du gouvernement péquiste mettant ainsi la table pour le gouvernement Charest qui allait lui succéder en 2003. En état de contradiction flagrante, le premier ministre n’a toutefois pas cessé de se proclamer social-démocrate. Ainsi, durant les sept années du régime Bouchard-Landry on a assisté à la mise en œuvre d’un néolibéralisme de facto pratiqué par plusieurs ministres péquistes, notamment Joseph Facal, signataire du manifeste des «lucides», qui n’a cessé de louanger les vertus du néolibéralisme et a réclamé une réduction du rôle de l’État.
Dans son livre intitulé Le virage à droite des élites québécoises, Jacques B.Gélinas écrit qu’à la veille du scrutin de 2003, où les libéraux allaient prendre le pouvoir, plusieurs se posaient la question suivante. Pourquoi le parti porteur de l’idéal souverainiste ne peut-il formuler même l’ébauche d’un projet de société articulé comme le souhaite la population depuis la Commission Bélanger-Campeau du début des années 1990? Comment voir clair dans une situation où un PQ, prétendument de centre-gauche, avait gouverné à droite depuis 1994?
Malheureusement il y continuité de pensée dans ce domaine entre Pauline Marois et ses deux prédécesseurs. Vice-première ministre, elle a, en 2002, proposé de «recentrer l’État, de confier plus de responsabilités aux décideurs du privé et de faire davantage confiance aux individus». Elle n’a pas osé proposer de diminuer le rôle de l’État, mais elle voulait qu’on lui confère «un rôle différent, un rôle d‘allié» . Elle voit émerger «l’État stratège», en expliquant que «pour parler comme les hommes d’affaires, on pourrait appeler cela un positionnement stratégique».
Lors d’un colloque, tenu en mars 2010, la chef du PQ a aussi proposé que l’enrichissement individuel supplante l’enrichissement collectif dans le domaine du développement économique. Il est donc très peu probable que le nouveau gouvernement Marois modifie l’orientation néolibérale dans le domaine économique qui fait partie de la nature profonde du PQ depuis 25 ans. L’attitude du ministre Lisée lors de la récente rencontre sur l’accord Canada-Europe laisse malheureusement peu de doutes à cet égard.
Paul Cliche, Montréal
14 octobre 2012
L’accession de Bernard Landry au poste de premier ministre en 2001 a été marquée par la tenue du Sommet des Amériques à Québec. Ce dernier a appuyé fortement la mise sur pied d’une zone de libre échange sur les continents sud et nord américains (ZLÉA) qui ne s’est finalement pas matérialisée. Le seul regret exprimé par le nouveau premier ministre était que le Québec n’ait pu y participer à l’évènement en tant que pays souverain.
Comme prévu le gouvernement Landry n’a pas modifié l’orientation néo-libérale du gouvernement péquiste mettant ainsi la table pour le gouvernement Charest qui allait lui succéder en 2003. En état de contradiction flagrante, le premier ministre n’a toutefois pas cessé de se proclamer social-démocrate. Ainsi, durant les sept années du régime Bouchard-Landry on a assisté à la mise en œuvre d’un néolibéralisme de facto pratiqué par plusieurs ministres péquistes, notamment Joseph Facal, signataire du manifeste des «lucides», qui n’a cessé de louanger les vertus du néolibéralisme et a réclamé une réduction du rôle de l’État.
Dans son livre intitulé Le virage à droite des élites québécoises, Jacques B.Gélinas écrit qu’à la veille du scrutin de 2003, où les libéraux allaient prendre le pouvoir, plusieurs se posaient la question suivante. Pourquoi le parti porteur de l’idéal souverainiste ne peut-il formuler même l’ébauche d’un projet de société articulé comme le souhaite la population depuis la Commission Bélanger-Campeau du début des années 1990? Comment voir clair dans une situation où un PQ, prétendument de centre-gauche, avait gouverné à droite depuis 1994?
Malheureusement il y continuité de pensée dans ce domaine entre Pauline Marois et ses deux prédécesseurs. Vice-première ministre, elle a, en 2002, proposé de «recentrer l’État, de confier plus de responsabilités aux décideurs du privé et de faire davantage confiance aux individus». Elle n’a pas osé proposer de diminuer le rôle de l’État, mais elle voulait qu’on lui confère «un rôle différent, un rôle d‘allié» . Elle voit émerger «l’État stratège», en expliquant que «pour parler comme les hommes d’affaires, on pourrait appeler cela un positionnement stratégique».
Lors d’un colloque, tenu en mars 2010, la chef du PQ a aussi proposé que l’enrichissement individuel supplante l’enrichissement collectif dans le domaine du développement économique. Il est donc très peu probable que le nouveau gouvernement Marois modifie l’orientation néolibérale dans le domaine économique qui fait partie de la nature profonde du PQ depuis 25 ans. L’attitude du ministre Lisée lors de la récente rencontre sur l’accord Canada-Europe laisse malheureusement peu de doutes à cet égard.
Paul Cliche, Montréal
14 octobre 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire