Laissons Francis Lagacé nous parler
des apparences
La peur des apparences
6 mai 2013
Des milliers d'occasions peuvent illustrer cette crainte des faux-semblants, mais deux exemples récents m'y ramènent.
Le premier m'est fourni par une visite dans un syndicat la semaine dernière. Je me suis trouvé en présence d'une personne qui, tout en se plaignant du manque d'information et d'engagement de beaucoup, trouvait que l'appellation «camarade» pouvait en rebuter certains. Au cours de son intervention, elle apporta un argument dont elle ne compléta pas la teneur en énonçant «Mais quand on connaît l'histoire, le sens et l'origine des mots...» sans terminer sa phrase.
C'est avec grande déception que je constatai qu'elle ne tirait pas la bonne conséquence. En effet, quand on connaît l'histoire, l'origine et le sens du mot «camarade», on se rend compte que c'est la meilleure appellation pour des gens qui partagent le travail ou certaines conditions sociales ou le même projet politique.
Le mot vient d'abord du jargon militaire espagnol, où il désignait celui qui partage la chambre d'un autre. Les deux co-chambreurs étaient donc des camarades. LeDictionnaire historique de la langue française du Petit Robert nous apprend que le mot «camaraderie» au sens où on l'emploie aujourd'hui apparaît déjà sous la plume de Madame de Sévigné en 1671.
Au XIXe siècle, les syndicalistes, les socialistes et les communistes ont avec raison utilisé le terme puisqu'il désigne cette condition commune beaucoup mieux que «frère» ou «soeur» et encore mieux que «collègue» dont les relents corporatistes me gênent. Le collègue ne se détache pas de sa condition professionnelle alors que le camarade embrasse tous les aspects des conditions partagées, la solidarité sociale en somme.
Que l'expression «camarade» ait été dévoyée sous des régimes totalitaires ne devrait pas nous empêcher de nous en servir, pas plus qu'on ne devrait cesser de parler d'amour parce que les religions chrétiennes ont commis de nombreux crimes en son nom ou que les hommes ont dominé des femmes sous ce prétexte.
Et voilà qui m'amène à mon second exemple. En fin de semaine, c'était le congrès de Québec Solidaire. Il y a eu débat sur la nécessité ou non de faire alliance avec d'autres partis en campagne électorale ou autrement. A été évoquée la crainte de la perception qu'on aura de nous si on ferme la porte à des alliances avec d'autres partis souverainistes. Que diront les médias?
Un parti qui s'attaque au capitalisme ne peut pas avoir bonne presse. Se préoccuper de la façon dont on sera présenté dans les médias ne peut en aucune façon déterminer les choix politiques. Avec qui Québec Solidaire doit-il faire alliance? Avec les citoyennes et les citoyens, car ce sont elles et eux qui voteront pour la justice sociale.
LAGACÉ Francis
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