Bernard Rioux nous jette un éclairage sur cette charte
La Charte catho-laïque du gouvernement péquiste, un voile jeté sur la régression économique, sociale et environnementale de la société québécoise !
mardi 24 septembre 2013, par Bernard Rioux
Depuis un an maintenant, le PQ est au gouvernement à Québec. Ce gouvernement se caractérise par une gestion néolibérale : poursuite du déficit zéro, tarification des services publics, maintien d’une fiscalité favorisant une inégalité de plus en plus importante dans la distribution des richesses, empressement à se rendre et à accompagner les projets des pétrolières canadiennes... Non seulement le gouvernement péquiste a multiplié les reculs par rapport à ses promesses électorales, mais il a fait reculer le Québec et sa majorité populaire sur nombre de terrains.
La ligne à plomb qui a guidé sa politique est une soumission aux orientations et aux intérêts de la classe dominante
La poursuite du déficit zéro n’est pas une politique progressiste. C’est une politique qui sert à couvrir les coupures dans les dépenses sociales, la mise en place de tarifications diverses qui constituent une forme de taxation régressive. Non seulement ce sont les classes populaires qui payent les coûts en termes de diminution de services, mais c’est une politique d’austérité qui aura pour effet d’accentuer le ralentissement de l’économie, la croissance du chômage et la détérioration des conditions d’existence de la majorité populaire.
En poursuivant le déficit zéro par les coupures dans les dépenses sociales, le gouvernement péquiste fait un choix, celui de maintenir une fiscalité régressive. C’est ainsi qu’il refuse de discuter les propositions qui lui sont faites par le mouvement populaire : renforcement du nombre de paliers d’imposition, imposition des gains sur le capital, introduction d’impôt sur les grands patrimoines.
Si on ajoute à ces politiques d’austérité, le culte voué à sa politique d’accompagnement des entreprises privées, pas étonnant qu’on voie ce gouvernement rester sans moyens face au démantèlement du secteur manufacturier et au développement d’une politique extractiviste, expression de la primarisation de l’économie et continuation de la politique du gouvernement Charest qui était dénoncée comme l’agent de la grande braderie de nos richesses naturelles.
Le masque vert du gouvernement péquiste s’est lézardé
Le gouvernement Marois a offert une porte de sortie au gouvernement Harper dans sa volonté de transformer le Canada en grande puissance exportatrice d’énergies fossiles polluantes. Bloquées vers l’ouest et le sud par les mobilisations populaires des environnementalistes qui ont réussi à faire reculer les gouvernements face à la construction d’oléoducs, les grandes entreprises pétrolières ont trouvé un accueil plus favorable auprès du gouvernement péquiste : que ce soit l’inversion du pipeline d’Enbrigde ou la construction de l’oléoduc de TransCanada. Ces oléoducs doivent transporter le pétrole tiré des sables bitumineux qui est beaucoup plus polluant en ce qui a trait à l’émission de gaz à effet de serre. Non content d’accepter de transformer le Québec en plate-forme continentale de la distribution du pétrole le plus polluant, le gouvernement péquiste se dit prêt à accompagner les pétrolières dans l’exploitation du pétrole de schiste sur l’île d’Anticosti et du pétrole offshore en plein golfe St-Laurent. Toutes ces décisions déboucheront sur une régression de la situation environnementale du Québec et transformeront ce dernier en lieu de catastrophes appréhendées (déversements ou marées noires). Mais, plus important encore, ces politiques favoriseront l’élargissement de l’exploitation des énergies fossiles.
Cette capitulation sur le terrain environnemental reflète un écrasement total sur le terrain de la recherche de l’indépendance nationale face aux projets de développement des secteurs extractivistes de la bourgeoisie canadienne. C’est pourquoi le gouvernement péquiste obtient ainsi facilement l’appui des autres partis néolibéraux à l’Assemblée nationale. Le PLQ et la CAQ, partis voués à la défense des intérêts du grand capital, n’ont donc pas une critique à adresser à ce soutien à l’accompagnement par le gouvernement péquiste au développement de la filière pétrolière au Québec.
Le PQ utilise l’axe identitaire, pour reconstruire sa base électorale
Incapable de se distinguer du PLQ ou de la CAQ sur l’axe gauche-droite, la direction péquiste a mis au point une vaste opération politique pour repolariser l’opinion publique autour de l’axe identitaire. Il ne s’agit pas ici de relancer la bataille indépendantiste. Même sa gouvernance souverainiste a été rejetée à l’arrière-scène de son action politique. Il s’agit d’utiliser la Charte des valeurs québécoises pour fonder le ralliement électoral au Parti québécois sur le développement d’une polarisation entre les QuébécoisEs d’origine canadienne-française et leurs traditions catho-laïques et les QuébécoisEs tenants d’autres traditions religieuses au sein de la société québécoise.
La Charte des valeurs québécoises n’est pas une charte de la laïcité. Elle est une Charte de l’identité québécoise. Cette identité passe par le maintien du crucifix à l’Assemblée nationale, par le maintien des subventions publiques aux écoles confessionnelles, par le droit de retraits des municipalités, des universités et des hôpitaux à l’application de la Charte des valeurs québécoises. En fait, c’est une charte où une catho-laïcité redevient une composante de la définition de la nation québécoise. La Charte des valeurs encourage le développement de discours dans l’espace public qui rejette sur les minorités ethniques et religieuses les dangers d’une possible régression sociale et culturelle de la société québécoise.
Une véritable charte de la laïcité devrait être au fondement de la tolérance citoyenne. La Charte des valeurs est en train de devenir un instrument d’une ethnicisation de la citoyenneté. Ce sont les luttes pour l’égalité effective des conditions économiques et sociales de toutes les composantes de la population qui sera l’axe porteur de l’intégration. L’appel au ralliement de valeurs communes si ces dernières ne sont pas le résultat de combats communs pour une véritable égalité sociale demeurera de l’ordre de l’incantation et pourra même être perçu comme relevant de l’ultimatum et de la volonté d’exclusion. Cet appel va braquer les minorités et une dynamique du rejet mutuel va se développer. La Charte des valeurs ne sera pas un instrument favorisant l’égalité des hommes et des femmes. Les oppriméEs ne parviennent à l’égalité que sur la base de leur combat.
Ce n’est surtout pas la lutte pour une invisibilisation des membres des cultures minoritaires qui permettront à ces derniers d’être partie prenante d’une véritable citoyenneté et que sera renforcée la dynamique d’intégration.
Le tournant néo-duplessiste du gouvernement péquiste
Lorsque des indépendantistes rappellent ces réalités indéniables, les nationalistes ressortent leur morgue pour dénoncer les minorités culturelles qui n’ont jamais rejoint le combat indépendantiste. Ils redoublent les erreurs d’un gouvernement qui a saboté la lutte indépendantiste en le déliant de tout projet de société et qui la sabote encore en défendant une pseudo-laïcité en s’en prenant à la liberté de conscience des secteurs minoritaires et en laissant entendre que ces secteurs sont à la source de bien des dangers de régression culturelle et sociale pour la société québécoise.
Refuser de saisir la démarche manipulatoire et électoraliste du gouvernement péquiste qui pervertit une démarche laïque authentique en une démarche identitaire qui divise et qui crée les pires conditions pour un débat sain pouvant déboucher sur de nouvelles solidarités des différentes composantes du peuple québécois, c’est se faire complice d’une démarche irresponsable.
La perspective de l’indépendance du Québec sortira affaiblie d’une telle démarche. Cette Charte des valeurs s’inscrit dans une régression néo-duplessiste de la rhétorique et de la pratique péquistes sur les terrains économique, social et culturel. Le soutien à la Charte malgré son caractère catho-laïque correspond a un abandon du véritable combat laïque qui cherche, comme le dit Jean Baubérot, à renforcer « la possibilité de vivre ensemble pour les gens qui ont des rapports différents à la sécularisation ». Cette politique catho-laïque dressera des obstacles nouveaux au fait de gagner les populations des minorités ethniques au combat indépendantiste du Québec. L’intégration à la perspective indépendantiste ne se fera pas à coups d’ultimatums, mais par des luttes communes pour plus d’égalité et plus de liberté.
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