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Québec solidaire et la convergence souverainiste
Un congrès démocratique et militant trace une perspective à la lutte pour une société plus juste et plus démocratique
Mercredi 24 mai 2017 / DE : Bernard Rioux
Le 21 mai dernier, le congrès de Québec solidaire a rejeté la proposition de convergence souverainiste de Jean-François Lisée. Cette décision a soulevé l’ire de nombreuses personnes qui ont multiplié les étiquettes peu flatteuses pour caractériser les membres de Québec solidaire en les désignant comme des traîtes, des sectaires, des idéologues, des puristes ou des irresponsables… C’est à se demander pourquoi ces péquistes voulaient converger avec un parti digne d’un tel mépris. L’important n’est pas de s’attarder aux formes de la clameur publique, mais de comprendre ce qui était réellement en jeu.
Le Parti québécois doit expliquer son déclin
La défaite du Parti québécois aux élections de 2014 a été profonde et dévastatrice. Il perdait le pouvoir, après 18 mois au gouvernement seulement. En fait, sa défaite de 2014 a été provoquée par le rejet de ses politiques néolibérales : reprise à son compte de la politique du déficit zéro, budgets d’austérité, refus d’instaurer une fiscalité plus équitable, accueil et soutien financier au tournant pétrolier, utilisation d’une politique identitaire stigmatisant des communautés ethnoculturelles avec sa Charte des valeurs divisant profondément la population québécoise. De plus, le refus du PQ de mener une lutte conséquente pour l’indépendance et son absence de stratégie claire à cet égard a permis à Couillard de mener une campagne démagogique et de peur sur la tenue d’un éventuel référendum sans que la direction péquiste puisse répondre adéquatement à cette campagne. Cette situation a nourri le "parti de l’abstention" parmi les souverainistes. Le moment PKP n’a pas amélioré la confiance envers ce parti. Et la course à la chefferie qui a débouché sur l’élection de Jean-François Lisée n’a pas évité les dérapages identitaires.
Pour se laver de toute responsabilité pour sa défaite et ses difficultés, les dirigeants péquistes ont élaboré une analyse qui attribuait à la division du vote francophone la responsabilité de cette défaite. Cette analyse attribuait au PLQ une base assurée chez les minorités ethnoculturelles, ce qui donnait une avance importante au PLQ lors des élections. Si on ajoutait, à cette affirmation que l’existence de partis souverainistes (comme Québec solidaire et Option nationale) divise le vote francophone, on concoctait ainsi une explication du recul du Parti québécois et ses difficultés actuelles qui permet de laver le PQ de toutes responsabilités face à ses déboires.
La convergence souverainiste, une astuce
La convergence souverainiste a été présentée par Jean-François Lisée comme une réponse électoraliste à l’analyse servant à justifier le recul du Parti québécois. Comme QS était désigné comme le parti responsable d’une série de défaites dans des comtés déterminés, il aurait fallu négocier un accord qui permettrait d’éviter la répétition de cette situation. Il s’agissait de s’entendre sur une plate-forme réduite à quelques revendications comme la réforme du mode de scrutin et exclure les bilans sur les pratiques concrètes du dernier gouvernement péquiste [1] Québec solidaire devrait retirer ses candidat-e-s d’un certain nombre de comtés et contribuer ainsi à la victoire du PQ et au départ du Parti de Philippe Couillard du gouvernement. La proposition de convergence n’a jamais été clairement concrétisée par le Parti Québécois. Mais elle présentait l’avantage soit de transformer Québec solidaire en force d’appui à une éventuelle victoire du Parti québécois, soit à pouvoir présenter Québec solidaire si jamais il refusait une telle convergence comme un parti sectaire complice objectif du PLQ de Couillard. Jean-François Lisée avait là une manœuvre où il marquait des points à tout coup.
Les réponses discutées par Québec solidaire
Pour nombre de militantes et de militants de Québec solidaire, qui allaient finalement former la majorité au congrès, cette proposition de convergence reposait sur une analyse erronée de la situation du mouvement indépendantiste. Elle avait également comme conséquences politiques de reconnaître le PQ comme étant partie prenante du camp des progressistes et de prétendre que sa victoire constituait un déblocage de la situation politique actuelle. C’est pourquoi, les militant-e-s qui rejetaient de telles perspectives ont défini une orientation politique qui tirait un bilan et une caractérisation du PQ les amenant à rejeter toute perspective de pacte avec le PQ. Pour ce courant, il fallait plutôt rechercher l’unité en direction des mouvements sociaux afin de construire un vaste front de résistance à l’offensive néolibérale. Comme l’a dit un congressiste, « se débarrasser des Libéraux n’est pas un projet de société ».
L’option favorisant l’ouverture de négociations exploratoires avec le Parti québécois fédérait au moins trois sensibilités. Une première sensibilité largement majoritaire y voyait une tactique qui pourrait permettre d’éviter de se voir attribuer par la direction péquiste le refus de toute convergence. Il s’agissait d’établir un certain nombre d’exigences politiques, peu susceptibles d’être acceptées par le PQ, et qui permettraient de démontrer notre ouverture à la discussion d’une part et la mauvaise volonté du PQ de parvenir à une entente d’autre part. Cette approche soulignait l’importance d’une bonne stratégie de communication. Nombre de délégué-e-s ont répondu que cette approche ne faisait que reporter à une date plus proche des élections l’impossibilité d’une entente sur la convergence, et qu’on ne pouvait de toute façon éviter une rupture que le PQ tenterait de présenter à son avantage.
Une autre sensibilité croyait qu’il serait possible de parvenir à des ententes sur le partage d’un nombre limité de circonscriptions permettant de favoriser des transferts de votes de QS vers le PQ et du PQ vers QS permettant la progression de la députation de chaque parti. (La proposition d’Amir Khadir est exemplaire à cet égard). Le problème avec cette perspective, c’est qu’on ne savait rien des intentions réelles du PQ et que ces transferts de votes n’étaient que des hypothèses dont on ne pouvait pas mesurer en quoi que ce soit la validité. Construire nos choix sur de telles hypothèses n’était rien de moins que très hasardeux. Comme l’a dit François Saillant, les électeurs et les électrices ne peuvent s’échanger comme on échange des cartes de hockey. De plus, les délégué-e-s ont souligné que cette approche impliquait d’exiger que des associations s’excluent de participer aux prochaines élections et qu’elles seraient mises en situation d’appeler à voter pour le Parti québécois. Cela pourrait avoir un effet destructeur sur ses associations provoquant la démobilisation de nombre de membres.
Une dernière sensibilité fédérait des personnes qui croyaient que les rapports de force entre le PQ et Québec solidaire avaient évolué radicalement en faveur de Québec solidaire et que d’éventuelles négociations permettraient de faire évoluer le PQ vers la gauche et de réaliser un certain nombre de gains politiques dont la réforme du mode de scrutin. Mais l’évaluation d’une telle amélioration du rapport de force nous permettant de faire évoluer le PQ vers nos positions n’a pas été retenue comme une perspective crédible par le congrès.
Le vote largement majoritaire pour le refus d’une ouverture de négociations exploratoires a été le produit d’un vaste processus de consultation et de discussion parmi les membres qui s’est déroulé sur plusieurs mois. Les délégué-e-s au congrès ont rejeté toute instrumentalisation de Québec solidaire au profit d’une éventuelle victoire du Parti québécois. Ils et elles ont refusé toute collaboration à la reprise du pouvoir par le PQ, non à cause d’une haine irraisonnée, comme beaucoup l’ont prétendu, mais à partir d’un bilan sérieux des pratiques gouvernementales de ce parti, de sa démission sur le terrain de la lutte indépendantiste et du caractère inacceptable de ses dérives identitaires.
Après la prise de position de Québec solidaire, Jean-François Lisée tourne la page
Dans sa lettre du 5 mai .Jean-François Lisée avait averti Québec solidaire de ne pas reporter sa décision à l’automne. Il était urgent pour lui de tourner la page. La déclaration du député de Matane, Pascal Bérubé, comme quoi le PQ ne pouvait prendre le pouvoir sans l’appui de Québec solidaire a été perçue comme un aveu de faiblesse, conséquence d’un dérapage auquel le PQ devait mettre fin. Jean-François Lisée devait d’ailleurs le rabrouer pour ces propos. Le chef du PQ a dû avouer que l’offre politique du PQ avait perdu de sa cohérence. En fait, il est aujourd’hui obligé de dire le contraire de son député et de prétendre que le PQ est le seul parti capable de prendre le pouvoir aux prochaines élections. Les récents sondages mettent maintenant en doute cette prétention.
La réponse négative de Québec solidaire l’a obligé à redresser la barre. Dans son appel, à la fin du caucus, il a invité les Solidaires à rejoindre le PQ. Il les a assurés qu’il y avait une place au PQ et qu’il leur ouvrait grand les bras. De l’appel à la convergence à l’appel à déserter Québec solidaire, le tournant a été brusque et le rajustement radical.
La droite péquiste le pressait déjà de travailler en direction de la base de la CAQ et de présenter le profil politique du PQ de façon à pouvoir mordre sur cette frange de l’électorat. Pour la droite péquiste, il s’agit de bâtir un grand parti nationaliste basé sur le Québec francophone foyer de la nation. Le congrès du Pq en septembre prochain devrait donner lieu à des débats importants.
Québec solidaire garde le cap sur un font uni contre l’austérité, pour la transition énergétique et pour l’indépendance….
Pour marquer la fin du saccage néolibéral – il faut un parti qui comprenne la nécessité d’affronter la domination de l’oligarchie économique et politique et qui pense sa construction et ses alliances à partir de cet impératif. Un parti qui comprenne que la victoire contre l’oligarchie repose sur l’unité et la mobilisation des mouvements sociaux et le renforcement de leurs capacités d’en finir avec l’offensive néolibérale.
Le Parti québécois a fait la preuve, à de multiples reprises, qu’il est tout à fait incapable de s’opposer aux volontés de la classe dominante... Il peut clignoter à gauche dans l’opposition, mais il vira à droite au gouvernement et accepte de reformater ses politiques pour répondre aux besoins "de la classe entrepreneuriale".
Construire une alternative politique au néolibéralisme et à l’État canadien, c’est participer à une reconfiguration de la société civile et au renforcement de l’ensemble des forces antisystémiques afin qu’elles puissent s’opposer aux exigences de la classe dominante. Car le pouvoir véritable ne se limite pas aux officines gouvernementales ou au parlement. Il se concentre également dans l’appareil économique, les banques et les grandes entreprises, dans la bureaucratie étatique et les appareils de répression et les appareils idéologiques d’État. Un véritable front de résistance permettant d’en finir avec l’austérité, le tournant pétrolier et les discriminations ne peut être que le produit du renforcement des capacités de lutte des différents mouvements sociaux et de l’expression de cette volonté de lutte dans un parti qui sera capable de résister aux pressions et doléances de la classe dominante.
C’est une telle orientation qui a été adoptée à notre dernier congrès au sujet des alliances. Voici le libellé de la proposition finalement retenue : Il est proposé que :
1. Québec solidaire profite du débat sur la convergence souverainiste pour réaffirmer les principes à la base de sa raison d’être comme alternative aux politiques néolibérales pratiquées depuis 30 ans au Québec.
2. Québec solidaire profite du débat sur la convergence souverainiste pour réaffirmer qu’il rejette les politiques d’exclusion, qu’elles soient sur des bases culturelles, ethniques ou raciales.
3. Québec solidaire profite du débat sur la convergence souverainiste pour réaffirmer que son projet politique ne vise pas que la séparation d’un pays, mais l’indépendance d’un peuple par un projet politique qui ne peut se réaliser totalement dans le cadre du fédéralisme canadien.
4. Québec solidaire profite du débat sur la convergence souverainiste pour réaffirmer qu’il liera la question nationale avec les enjeux de la réforme de nos institutions démocratiques, de la transition énergétique et du climat, de la protection des services publics et des programmes sociaux et de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, sur la base d’une vision féministe, inclusive et civique de la nation québécoise et en solidarité avec les Premières Nations et leur droit à l’autodétermination.
5. Québec solidaire annonce dès maintenant son intention de faire de l’indépendance du Québec un des enjeux de son combat lors des élections générales de 2018 et invite Option nationale à s’allier à lui autour de cette perspective. Québec solidaire rejette la proposition du PQ et son calendrier de reporter la lutte pour l’indépendance pour de nombreuses années.
6. À défaut d’accord mutuel avec Option nationale, Québec solidaire présentera, dans les 125 circonscriptions du Québec, des candidats et candidates en favorisant la juste place des femmes dans la parité, ce qui signifie la place des femmes dans les circonscriptions importantes également. Il ne fera pas d’alliance avec des partis qui s’inscrivent dans des pratiques néolibérales ou des politiques d’exclusion.
[1] Dans sa lettre aux militantes et militants de Québec solidaire du 5 mai 2017, Jean-François Lisée précise la plate-forme d’un éventuel pacte : « Ce pacte se ferait autour de quelques propositions communes bien identifiées, notamment le refus des baisses d’impôt et le réinvestissement en santé, en services sociaux, en éducation, pour les familles et la justice ; le refus du projet de pipeline Énergie Est et la mise en place de mesures vigoureuses pour accélérer la transition écologique hors du pétrole ; la ratification de la convention de l’ONU sur les droits autochtones ; le renforcement du français comme langue de travail dans les entreprises ; et, comme nous l’avons mentionné précédemment, la réforme du mode de scrutin. » Blogue de Jean-François Lisée
INFORMATION PRISE ICI
www.pressegauche.org/Un-congres-democratique-et-militant-trace-une-perspective-a-la-lutte-pour-une
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