Parlons de la pauvreté avec Francis Lagacé
La fabrique de pauvres
9 octobre 2017
Les pauvres sont là dans l'environnement, on les trouve partout, mais il ne faudrait pas croire qu'ils sont le résultat d'un phénomène naturel. S'ils se reproduisent, il n'est pas garanti qu'ils seront toujours en nombre suffisant pour fournir la main d'œuvre bon marché ainsi que la chair à canon tout comme l'usine à taxes que nous rapportent alcool, cigarettes, loteries et autres biens essentiels comme le chauffage, le vêtement et les assurances.
Aussi avant que les bonnes vieilles recettes ne se perdent, il convient de révéler le secret de la fabrication des pauvres afin de perpétuer le bon ordre essentiel à la domination des classes méritantes.
Contrairement à ce qui est généralement entendu, on ne fabrique pas les pauvres un à un, ce serait trop long et ne serait pas idoine à la constitution de fortunes colossales. Si chacun avait son pauvre manufacturé, le nombre de riches serait équivalent au nombre de pauvres et la richesse ne serait pas suffisamment concentrée. En conséquence, l'association des nantis doit être restreinte et agir dans la plus grande circonspection pour créer le maximum d'impact.
On doit donc s'emparer des terres, bestiaux, mines et métaux précieux par des moyens détournés et faire déclaration de propriété sur eux en appelant à une instance supérieure. Les divinités sont des entités congrues à ces fins bénéfiques. Si le troupeau humain visé est trop rebelle ou instruit, c'est qu'on s'y est peut-être pris trop tard. On songera à créer la raison d'État. Il faudra alors recourir à des mercenaires, souvent parents des populations visées, qui accepteront de mettre au pas leurs congénères sous la promesse de partager avec eux l'opulence que nous nous sommes attribuée.
L'avantage de cette méthode est que les mercenaires en question, par avidité, réduiront un nombre très important, voir le maximum, d'individus à l'état de dépendants pour s'approprier leurs biens qu'ils nous rapporteront et dont nous n'aurons qu'à leur céder une faible proportion, ce qu'ils accepteront volontiers en gratitude de la généreuse idée que nous leur avons suggérée. Ils nous seront éternellement reconnaissants de les avoir faits garants de notre supériorité en leur conférant une domination circonscrite sur leurs semblables et en légitimant leurs rapines occasionnelles.
C'est ainsi que les pauvres doivent être fabriqués en série et que les trésors doivent revenir aux esprits les plus nobles qui ont ces valeureuses idées. En quelque continent ou contrée au développement mal assuré, précipitez-vous pour planter votre drapeau. La population locale, ou voisine, ou importée vous sera bien obligée, car vous daignez lui accorder une pitance à la condition qu'elle mette en valeur la richesse que, comme un démiurge, vous créez.
LAGACÉ, Francis
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