Clôture du Conseil national de Québec solidaire
PREMIÈRE INTERVENTION D’AMIR KHADIR COMME SIMPLE DÉPUTÉ
mardi 4 décembre 2012, par Amir Khadir
(...) On ne peut pas terminer vraiment notre Conseil national, sans parler un peu du contexte politique dans lequel on se trouve. Et on peut pas s’empêcher après le budget qui a été déposé il y a une dizaine de jours de constater que c’est une grande déception. La déception est palpable partout au Québec. La déception de voir que le gouvernement péquiste n’a retenu finalement aucune de ses promesses les plus importantes et en fait, son statut de gouvernement minoritaire, tout le monde a compris, n’est qu’un simple prétexte.
Les gens sont déçus. Et cette déception est amplifiée, je crois, parce que ça se déroule au même moment où sont étalés les scandales devant nos yeux à la Commission Charbonneau où l’on voit l’ampleur de la corruption de nos élites politiques et économiques qui explique sans doute bien des choses et qui, en fait, jette de la lumière sur la réalité politique et l’origine de la corruption qu’on soupçonnait, mais dont l’ampleur ne nous était pas révélée.
C’est sûr que dans cette déception de voir le gouvernement ne pas respecter ses promesses couplées à ces révélations sur la corruption rampante, cela peut être décourageant et une partie de la population passe par un tas d’émotions qui va de l’incompréhension à la rage et au découragement. Et il y a de quoi être découragé. Mais il n’y a pas que découragement.
Il faut aussi se rappeler qu’il y a aussi un côté très positif dans les choses. Il y a un côté très positif de voir étaler ces scandales parce qu’enfin, on fait la lumière sur des problèmes, on fait la lumière sur la corruption, on fait la lumière sur le financement des vieux partis. On fait la lumière sur l’influence indue de l’argent. On fait la lumière sur les privilèges que s’accordent les plus riches. On fait la lumière sur le fait que ces plus riches obtiennent autant d’indulgences, qui obtiennent des contrats, parfois des baisses d’impôt, simplement en invitant les responsables de nos gouvernements dans des clubs select et de riches restaurants.
On est en train donc de faire la lumière et de comprendre enfin les choses que l’on pourrait régler. Toutes les sociétés traversent ce genre de difficultés à des degrés variables. Ce n’est pas qu’au Québec que cela se passe. C’est déjà arrivé au Québec. Ça arrive aussi ailleurs dans le monde dans les soi-disantes démocraties occidentales qui ont laissé la corruption prendre le contrôle d’un certain nombre d’orientations du gouvernement. On fait face donc à ces problèmes très, très systémiques un peu partout. Pour lutter contre ces problèmes, cela se fait parfois à grands coups. Aujourd’hui au Québec, on fait le grand ménage. On a commencé à le faire avec la commission Charbonneau, parce que et avant tout parce que la population, les citoyens et les citoyennes se sont mobilisés. Rappelons les trois ans de mobilisation populaire qui a culminé avec la pétition de 250 000 noms que Québec solidaire a parrainée à l’Assemblée nationale et surtout le travail des journalistes qui a accompagné tout ça.
Quand on voit que la mafia et les vieux partis prélèvent 3% des contrats de nos infrastructures, on comprend pourquoi nos infrastructures coûtent plus cher, 30% plus cher qu’ailleurs et qu’elles soient en si mauvais état. Quand on voit que les dirigeants des grandes entreprises, les dirigeants des entreprises qui ont été sources de notre fierté, des dirigeants comme le président de SNC-Lavalin se faire arrêter pour avoir donné un pot de vin à un dirigeant d’université pour obtenir le contrat de construction du centre hospitalier universitaire, on commence à comprendre dans quel contexte il se trouve qu’autant de dirigeants d’université parlent d’une même voix que les banquiers et les dirigeants de Chambre de commerce pour demander la hausse des frais d’université, pour demander la marchandisation de l’éducation.
Quand on voit qui fréquente qui exactement dans le secret du Club 357, on comprend pourquoi le gouvernement recule sur ses promesses sur les minières, sur ses promesses sur la fin des privilèges fiscaux pour les dividendes. Les promesses qui avaient été faites par le Parti québécois. La triste réalité, c’est ça maintenant, les gens commencent à comprendre. On voit que le gouvernement se cache derrière le prétexte de la minorité, mais on apprend que dans le fond, le lobbyiste en chef de l’industrie pétrolière et gazière, monsieur Bouchard invite des gens très haut placés au très riche et sélect club 357C pour lui donner suivant les termes de madame Line Beauchamp qui doit savoir de ce quoi elle parle, pour lui donner le pouls de la situation, le pouls de la population.
Évidemment dans cette logique-là, le pouls de l’opinion qui importe, ce n’est pas l’opinion de la population, c’est l’opinion des élites d’affaires, c’est l’opinion des gazières, des minières. Parce que quand on demande l’opinion de la population, un institut... Pas plus tard qu’en avril dernier, dans une vaste enquête à l’échelle canadienne, on demandait aux gens une question très simple : voudriez-vous qu’on coupe dans les services ou accepteriez-vous une augmentation de vos impôts ? La population dit : je préfère que vous augmentiez raisonnablement mon impôt. Je ne veux pas que vous coupiez dans les services. Et les gouvernements le savent très bien. Mais la première chose qu’ils font lorsqu’ils arrivent au pouvoir malheureusement, comme le PQ, en prétextant bien d’autres choses, c’est de faire quoi, c’est de continuer de leur accorder des baisses d’impôt et des exemptions fiscales et de continuer à couper dans les services que la population réclame par tous les moyens.
Maintenant, c’est sûr que l’on comprend aussi d’autres choses, on comprend comment si facilement le gouvernement abandonne ses positions, comment si facilement un premier ministre contredit ses ministres qui se sont le plus illustrés depuis quelques semaines, je pense à une écologiste que je respecte Martine Ouellet qui est maintenant ministre des Mines, on comprend aussi ce qui est arrivé à Daniel Breton.
Daniel Breton n’est pas sans reproche. Nous sommes les premiers à se poser des questions pourquoi Daniel, un écologiste, s’est présenté dans un des seuls comtés dans lequel Québec solidaire avait des chances de l’emporter, dans le seul comté où le véritable parti écologiste avait des chances de l’emporter ? On se pose cette question-là et je lui ai reproché.
Ceci étant dit, on comprend avec quelle violence le milieu des affaires s’est arrangé avec l’aide du Parti libéral et qui sais-je pour s’en débarrasser, ceux-là mêmes qui ont perdu toute autorité morale, toute crédibilité à pouvoir critiquer quoi que ce soit sur les questions qui relèvent de l’argent, qui relèvent de la probité, qui relèvent de l’honnêteté financière et je parle du Parti libéral, celui dont les ministres font leur financement avec l’aide de la mafia montréalaise.
Dans ce contexte-là, c’est sûr que pour moi, ce à quoi on assiste, malgré l’alignement politique à la faveur des partis de droite, je suis obligé de dire à la faveur d’un gouvernement qui a résolument décidé de mettre en place un budget résolument à droite, d’ailleurs le ministre Marceau ne s’est pas caché pour le dire. L’élément central qui ressortait le plus dans le budget à part des promesses abandonnées et la déception pour des promesses non tenues, c’était un gouvernement qui disait que le développement du Québec va passer par l’investissement privé et pour accompagner le tout un congé d’impôt pour tout investissement de plus de 300 millions.
Dans un contexte, qui est un contexte excessivement défavorable sur le plan politique, pour la société, pour les mouvements sociaux, pour les partis de gauche, on peut mettre beaucoup d’espoir dans le fait que la population commence à comprendre. Dans le vacarme de tous les scandales que l’on a connu, bien sûr, on entend des journalistes qui font du bon travail. On a quelques journaux indépendants. Mais on a surtout maintenant à l’Assemblée nationale une véritable opposition représentée bien sûr par Québec solidaire et dont maintenant je suis fier de lui transmettre le flambeau, et dont maintenant la porte-parole parlementaire est Françoise David.
Transcription : Bernard Rioux
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