Assemblée nationale du Québec –
Réplique d'Amir Khadir au discours inaugural du Premier ministre
Première partie du vidéo
Deuxième partie du vidéo
Allocution Amir Khadir, député de Mercier
Québec solidaire
Assemblée nationale du Québec – Réplique au discours inaugural du Premier ministre
24 février 2011 à 15h00
Merci, M. le Président.
Permettez-moi d'abord de dire aux membres du gouvernement et à son premier ministre, sans acrimonie, que la véritable réplique au discours que le premier ministre a prononcé ne viendra pas de cette Assemblée. Avec tout le respect qui est dû à mes collègues de l'opposition, je pense qu'il serait honnête de dire que la réplique véritable appartient et viendra donc de notre peuple. Le premier ministre doit savoir que notre peuple prendra la rue le samedi 12 mars prochain, à Montréal et dans d'autres régions du Québec.
Une vaste coalition, formée d'organisations de tous les horizons de la société, de groupes citoyens, d'associations nationales, de différents secteurs, vont marcher, le 12 mars, partout au Québec, surtout à Montréal, pour donner la véritable réplique au discours du premier ministre. Cette réplique va se faire dans la rue, car notre nation en a assez de se faire imposer la volonté d'une poignée d'hommes et de femmes puissants qui accaparent déjà tant de richesses et de privilèges et qui ne respectent souvent pas grand-chose. Des gens riches et puissants mais qui ne respectent pas la démocratie en imposant leur intérêt, à travers certains partis, au détriment de l'intérêt public. Des élites économiques qui ignorent la réalité des gens ordinaires, des jeunes, des femmes, la réalité des familles de classe moyenne et des faibles revenus, une poignée de privilégiés qui préfèrent ignorer les problèmes majeurs que leur appétit insatiable et exagéré pour le profit engendre pour l'environnement, pour la société, pour la santé. À ces élites économiques puissantes qui veulent tout contrôler, notre société dit ceci: Ça suffit! Basta! Il y en a marre!
Cette main, M. le Président, cette main rouge dans une affiche de cette coalition qui va marcher le 12 mars prochain, traduit assez bien la colère des gens contre la hausse des tarifs et la privatisation ou la dégradation des services publics, qui exprime aussi la colère des gens contre l'exploitation chaotique de nos ressources, contre la corruption rampante qui afflige l'octroi des contrats publics. Cette main fait penser... Quelle coïncidence, cette main fait penser aux cinq doigts de la main tendue, hier, par le premier ministre lui-même.
Si le premier ministre veut vraiment tendre la main à son peuple, ne doit-il pas d'abord l'écouter, rétablir le lien de confiance, accepter que son devoir est d'obéir à la volonté et aux intérêts de son peuple? Comment peut-il faire ceci sans prendre ses distances avec la minorité de privilégiés qui ont réussi à prendre le contrôle de certains partis pour assurer leur intérêt particulier? Comment veut-il mettre fin à ce contrôle qui passe par le système illégal de financement qui s'exerce parfois dans le financement de certains partis sans déclencher une enquête publique pour mettre fin à ce système? Une enquête qui puisse libérer son gouvernement d'influences indues qui le rendent incapable d'être attentif aux besoins de la population, qui lui font prendre des décisions déraisonnables, précipitées et trop souvent contestables et contestées.
L'emprise de ces lobbys, qui agissent dans l'ombre mais parfois aussi à découvert, comme l'industrie du gaz et du pétrole, aveugle le gouvernement. Le refus ou l'incapacité d'écouter la volonté de leur peuple emmène habituellement les dirigeants à leur perte. Le premier ministre ignore-t-il cette dure leçon de l'histoire? Le refus ou l'incapacité d'écouter la volonté de leur peuple emmène des dirigeants à leur perte. Les exemples les plus extrêmes de cette leçon se déroulent actuellement sous nos yeux dans le monde arabe. Nous vivons certes une réalité fort différente, mais il n'y a rien de mal à tirer des leçons universelles de l'expérience des autres nations.
Le jugement que porte actuellement la population sur le gouvernement est sévère. Pourquoi? Sans écoute des besoins de la société, un gouvernement devient incapable d'exercer un véritable leadership. Sans leadership, il n'y a pas d'autorité morale. Sans autorité morale, il n'y a pas le lien de confiance et le respect nécessaire à l'exercice d'un pouvoir qui soit respectueux. Sans autorité morale, un gouvernement tend à faire des choix erronés et poser des gestes malhabiles et injustes, qui va parfois jusqu'à l'abus de pouvoir et la violation des droits. N'était-il pas extrêmement malhabile de violer les droits des procureurs et des juristes du gouvernement quand on mesure maintenant les conséquences à la fois sur l'appareil judiciaire et sur la confiance du public dans le jugement du gouvernement?
Le premier ministre a dit, hier, à juste titre, que le Québec est parmi ce que l'humanité a de mieux à offrir. Il a raison, je l'applaudis. Notre société, la société... les gens offrent générosité, créativité, inventivité technique et scientifique, innovations politiques, sociales, leçons de résistance, de résilience devant toutes les conditions difficiles que notre peuple a connues à travers l'histoire. Je parle du climat, de la préservation de la langue, de la question démographique. Oui, tout cela est vrai de notre société. Petit en nombre, mais immense en qualité et en ambition.
Mais en est-il toujours de même de ses dirigeants? Pensez-vous sincèrement que la classe politique et dirigeante actuelle du Québec a de quoi pavoiser? Une majorité de députés, de conseillers et de maires sont irréprochables. Mais peut-on en dire autant de ceux qui dominent les décisions? Pouvez-vous si facilement - je nous le demande à nous-mêmes - pouvons-nous si facilement avoir oublié les écarts de conduite que le premier ministre a tolérés dans les rangs libéraux, au sein de certaines municipalités, dans certains secteurs d'activité du gouvernement lui-même? Si le premier ministre l'a oublié, il ne faut pas compter sur la population pour l'oublier également. Le déficit de crédibilité qui affecte maintenant le premier ministre est amplifié par son insistance à nier les problèmes. Tout ça engendre un grave déficit démocratique qui va beaucoup plus loin que les questionnements engendrés par la corruption qui, en elle-même, est un contournement des règles démocratiques.
M. le premier ministre doit accepter que tout ce que les gens demandent, c'est de l'honnêteté et de la transparence dans la gestion des affaires publiques, un niveau digne du XXIe siècle. S'il l'accepte, il faut en assumer la conséquence, c'est-à-dire le déclenchement d'une enquête publique. Ce n'est pas trop tard. S'il ne le fait pas avec son discours d'ouverture, il vient, en fait, de tirer sa révérence politique dans des conditions qu'on ne peut pas vraiment souhaiter à personne. Dans ces conditions, n'est-il pas souhaitable, n'est-il pas plus sage, M. le Président, que le premier ministre démissionne alors?
Je ne peux pas croire que toute la députation libérale ignore vraiment la gravité des allégations, la profondeur de la crise de confiance et l'ampleur du mécontentement populaire devant les décisions budgétaires ou énergétiques du gouvernement. Je suis persuadé que la plupart de mes collègues libéraux sont troublés et n'aiment pas voir tout ce qu'ils voient. J'aimerais trouver les mots pour les convaincre que se lever et reconnaître qu'il faut écouter la volonté de la population est non seulement une bonne chose dans l'intérêt du Québec, mais aussi dans l'intérêt supérieur du Parti libéral.
J'aimerais trouver les mots pour les convaincre qu'en acceptant une enquête publique sur la corruption, qu'en acceptant un moratoire pour suspendre l'exploitation sans frein de nos ressources qui se fait de manière irréfléchie et irresponsable, comme, par exemple, les gaz de schiste, qu'en acceptant d'abandonner les mesures tarifaires inéquitables et impopulaires du budget, qui pénalisent les classes moyennes et les faibles revenus, les libéraux ne seront pas diminués, leur premier ministre ne sera pas honni, mais ils seront admirés et leur chef sera ennobli. Accepter le jugement et la volonté populaire est l'acte politique le plus honorable, le plus courageux aussi.
Plusieurs doivent se dire que l'exercice du pouvoir rend forcément impopulaire. Cela console certes, mais je vous prie de ne pas vous complaire dans ce regard fataliste qui confine malheureusement à la médiocrité. Pensez que le président Lula du Brésil, pays vaste et complexe avec 190 millions d'habitants, jouissait de 80 % de satisfaction, d'approbation populaire quand il a quitté le pouvoir après huit ans d'exercice dans un pays aux prises avec des problèmes immenses. Comment a-t-il fait? Il a agi de telle manière que jamais son peuple n'a pu remettre en doute le fait qu'il agissait dans l'intérêt de sa nation. Les peuples sont reconnaissants, M. le Président. Leur jugement se trompe très rarement.
Je ne trouve pas les mots pour convaincre le chef du gouvernement pour changer son destin politique qui semble irrémédiablement diminué, atteint, qu'il faut changer d'orientation, qu'il faut écouter la population pour ce faire. Comme je ne retrouverai pas ces mots pour le convaincre, je vais me contenter de dire ce que Québec solidaire comprend des demandes populaires, de la grogne qui grandit chez nos concitoyens, des attentes qu'ils nourrissent, des projets qui prennent forme parmi les citoyens et qui pourraient faire avancer le Québec. L'objectif visé: sortir de l'immobilisme, dépasser le vieux modèle de développement basé actuellement sur les énergies sales, sur l'exploitation sans frein de nos richesses naturelles.
Dans le modèle actuel, qui date de très longtemps, en fait d'un autre siècle, non seulement on dévaste et on pollue nos territoires en exploitant sans frein nos richesses, mais on les laisse à vil prix au profit d'entrepreneurs privés, parfois sans scrupule. Le secteur minier et l'industrie de gaz et du pétrole sont particulièrement arrogants et habiles, chez nous comme ailleurs dans le monde, pour déposséder les nations de leurs richesses. Ce qui appartient au peuple profite malheureusement, actuellement, à des multinationales ou à une poignées de privilégiés qui ont souvent de bons liens avec des gens bien placés au pouvoir. Cela doit changer si on veut améliorer nos conditions de vie, si on veut protéger notre culture, si on veut éviter la dégradation irrémédiable de l'environnement.
Mais comment? Si on tend bien l'oreille, si on est à l'écoute de la population, tout est là, M. le Président, le gouvernement n'a qu'à tendre l'oreille: des rêves, des réflexions, des plans d'action, des capacités, des volontés et des volontaires, des ambitions et beaucoup, beaucoup de générosité, ce que le premier ministre qualifiait de ce que le Québec a de mieux à offrir à l'humanité. Tout ce qu'il faut pour un véritable projet de société. C'est à partir de ça d'ailleurs que mon parti, Québec solidaire, définit ses priorités. C'est comme cela qu'un jour, je l'espère, nous allons, Québec solidaire, exercer le pouvoir.
Alors, qu'est-ce que dit la population? Quelles sont les revendications qui émanent de tout ce qui bouille, de tout ce qui grouille, de tout ce qui grenouille, pour reprendre les mots du poète Charlebois qui nous qualifiait de «frog», de ce «frog» qui n'attend qu'un baiser pour se changer en prince?
Alors, il y a d'abord un vaste regroupement social formé de l'Alliance sociale, un regroupement de plusieurs syndicats, des syndicats nationaux du secteur... des professionnels du secteur public, des fédérations étudiantes qui se sont alliées à une vaste coalition de groupes sociaux, de retraités, d'associations de familles, de l'Union des consommateurs, des écologistes, des groupes des femmes, des enseignants, des médecins socialement engagés. En tout, près de 150 organisations s'unissent pour un grand rassemblement citoyen, comme je l'ai mentionné, le 12 mars prochain, à Montréal, à 12 heures, pour s'opposer à la tarification et à la privatisation des services publics et aux compressions budgétaires qui pénalisent, comme je l'ai dit tout à l'heure, les familles de classe moyenne et de faibles revenus.
Mais ils vont surtout proposer au gouvernement des mesures progressistes et réalistes en vue du prochain budget, des solutions plus équitables au plan fiscal, plus justes au plan social, plus responsables au plan de l'environnement. Au total, ces solutions pourraient rapporter, M. le Président... - j'espère que le gouvernement écoute - pourraient rapporter à l'État entre cinq et 10 milliards de dollars par année. Le gouvernement ne voulait pas régler ses problèmes budgétaires, le balancer, régler un peu le problème de la dette, ces solutions, à court terme, sont: instaurer une fiscalité plus équitable, faire la lutte à l'évasion fiscale et à l'évitement fiscal, ajouter au moins un palier d'imposition pour les revenus les plus élevés, réduire, voire même abolir certaines exemptions fiscales qui ne profitent qu'aux personnes les plus privilégiées, les plus riches de la société, et introduire une taxe de vente qui soit progressive en fonction de la nature des biens achetés, pour décourager la consommation de produits toxiques, de produits polluants. Ça, c'est pour ce qui est de ce qu'on a dit, la vaste marche du 12 mars prochain.
Mais il y a aussi des mobilisations spontanées des groupes de citoyens. Ils sont révoltés par des projets de développement qui les touchent tout en les ignorant complètement, en les laissant de côté complètement. Par exemple, il y a un groupe de gens qui sont allés filmer les grands projets de barrages hydroélectriques sur La Romaine, avec l'aide de la Fondation Rivières. Ça a donné un film qui s'appelle Cherchez le courant. J'invite tout le monde à le voir. On apprend qu'on va investir 25 milliards de dollars pour ensuite vendre cette électricité, produite à coût important pour l'environnement, pour notre société, pour nos rivières, à rabais, à perte, par la suite, aux États-Unis. C'est prouvé par les meilleurs ingénieurs et observateurs indépendants du secteur énergétique au Québec, par l'Association des ingénieurs, qui regroupe plusieurs milliers d'ingénieurs au Québec.
À Saint-Jude, une mobilisation incroyable contre les gaz de schiste dans la vallée des Patriotes. À Saint-Camille, des citoyens qui ne veulent pas avoir une mine à ciel ouvert sont regroupés: Mine de rien. À Montérégie, Les Amis du Richelieu, Comité de citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain. Aux Îles-de-la-Madeleine, le groupe Attention, FragÎles, qui se dit: Old Harry, on n'en a pas besoin, ça menace l'environnement marin, ce qu'on a de plus précieux. Ils ne se sont pas arrêtés là, les Madelinots, ils ont formé, avec les gens du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, des gens de la Gaspésie et même de Terre-Neuve, la Coalition Saint-Laurent, mobilisée contre l'exploitation irresponsable des hydrocarbures dans tout ce bassin-là. Côte-Nord, les citoyens, des médecins, les maires, les élus locaux contre l'exploitation, le développement du secteur uranifère. À Oka, la même chose. Donc, nos citoyens ont des idées partout. Ils ont un mot à dire au gouvernement, il faut que le gouvernement les écoute.
Je passe par-dessus le reste, Rivière-du-Loup, l'écofête des citoyens. Rimouski: Non à une marée noire dans le Saint-Laurent. En Abitibi, le Comité de vigilance pour la mine Malartic. À Montréal, la mobilisation contre le développement... en fait, le modèle de développement offert par le projet Turcot qu'a enfoncé le gouvernement actuel aux citoyens de Montréal. Et j'en passe. Même dans le West Island, où plusieurs députés du gouvernement actuel viennent de cette région-là, représentent cette population-là, les citoyens, les propriétaires les résidents sont regroupés pour empêcher que le dernier boisé de Pierrefonds et de Roxboro soit voué à du développement immobilier irresponsable.
Ce sont des projets emballants, en contrepartie, que font circuler nos gens. On parle de transport électrifié, de transport interurbain, comme par exemple... pas le TGV nécessairement, mais des trains à grande vitesse sur monorails, qui soient adaptés à notre climat, avec une innovation technique pour relier mieux nos villes, à plus faible coût que l'essence, que ce qu'on dépense pour l'énergie en hydrocarbures et surtout, même, pour le TGV. On parle d'agriculture biologique, on parle d'un régime d'assurance médicaments universel. Toutes ces propositions-là viennent de la société.
En fait, c'est à partir de ça que Québec solidaire a dressé le cadre budgétaire qu'on est allés présenter au ministre des Finances de ce gouvernement et dont, on l'espère, il va un peu s'inspirer. Parce qu'en fonction de ce budget, exactement comme la société, les groupes de citoyens permettent au gouvernement de se saisir... Comme opportunités, on peut aller chercher des milliards de dollars de revenus pour les projets les plus prometteurs, pour un véritable projet de société qui nous sort du modèle du développement du XIXe siècle et du XXe siècle et nous propulse réellement dans le virage écologique que notre économie doit prendre au XXIe siècle.
Mais il faut pour cela que le gouvernement soit à l'écoute. Alors, M. le Président, considérant que le discours du premier ministre ne reflétait pas cette écoute souhaitée, démocratique, des besoins et des revendications de la population, je suis obligé de présenter la motion de grief suivante:
«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement pour son refus d'accéder aux demandes légitimes de la majorité de la population concernant la mise sur pied d'une commission d'enquête publique sur les liens entre le financement des partis politiques et l'octroi des contrats gouvernementaux, d'implanter un moratoire sur les gaz de schiste et d'annuler les mesures tarifaires prévues dans le budget de 2010 qui touchent la classe moyenne et les personnes à faibles revenus.»
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