mardi 4 décembre 2018

Gilets jaunes : révolte ou révolution


Francis Lagacé nous parle des "Gillets jaunes"


Gilets jaunes : révolte ou révolution 

4 décembre 2018



Ce qui se passe en France (la révolte des Gilets jaunes, du nom de la veste jaune obligatoire dans les voitures pour signaler une situation d'urgence et que portent les manifestantEs) est d'une gravité que l'on ne sait pas très bien mesurer ici au Québec, l'indigence analytique de nos médias n'aidant pas particulièrement.



Si l'origine de cette contestation est l'opposition à une taxe sur les carburants, qui affectera surtout les familles modestes des régions péri-urbaines, lesquelles n'ont pas le choix d'utiliser leur voiture (un peu comme la modulation des tarifs d'hydro-électricité pénalise les pauvres et favorise la consommation des plus riches), la suite est rapidement devenue l'expression d'un ras-le-bol général contre un gouvernement prétentieux, arrogant, uniquement tourné vers la grande entreprise ou vers l'obsession technologique des star-teupes (start-up prononcé avec le joli accent du guignol qui préside la république française et qui n'a que ce mot à la bouche, car il croit que la vie est une entreprise dans laquelle il faut récompenser les gagnants et laisser les perdants aux hyènes).



L'oligarchie fait un travail de comm sans précédent pour discréditer le mouvement et l'associer à l'extrême droite. Les discours des médias mainstreams tout comme celui des éluEs au pouvoir (la République en marche, désormais LREM) ne cessent de répéter « le mouvement s'essouffle » alors que, depuis le début des manifestations, soit le 17 novembre 2017, il ne cesse de prendre de l'ampleur. Il fallait entendre et lire les déclarations du ministère de l'Intérieur le samedi 1er décembre à l'effet qu'il n'y aurait eu que 36 000 manifestantEs dans toute la France alors qu'il y avait au moins 1500 lieux de rassemblements répertoriés et qu'en plus des Champs-Élysées, où se trouvaient plus ou moins 5000 personnes malgré les interdictions, on pouvait voir sur les vidéos en direct de participants, la place de l'Opéra complètement couverte de monde, la place de la République en train de se remplir, la rue de Rivoli près du Louvre envahie d'une foule compacte, etc. Ajoutez à cela les nombreuses villes où les gens se rassemblaient en masse.



Et ce mouvement qui « s'essoufle » s'est accompagné de différentes actions de la part des lycéennes et des lycéens dès le lundi 3 décembre.



Au Québec, on a entendu à Radio-Canada, un animateur d'émission d'information dire que la révolte des Gilets jaunes « a pris une ampleur qu'on ne soupçonnait pas il y a à peine quelques jours. » Si on est complètement déconnecté des actualités françaises, on ne soupçonne pas, mais si on est le moindrement attentif, on savait que tout cela se préparait depuis des mois.



Mais, comble d'ignorance et de partialité, pour expliquer la situation aux auditrices et auditeurs, on n'a pas trouvé mieux que Roland Lescure, ce néo-libéral autrefois de la Caisse de dépôts et placements, aujourd'hui député LREM pour les Français d'Amérique. Il se contentait évidemment de relayer le discours du pouvoir contesté. C'est un peu comme, si pendant le printemps Érable, on avait demandé à Jean Charest d'expliquer la situation aux Français. (Ça me rappelle d'ailleurs que le journal Le Monde avait publié sans vergogne et in extenso une lettre odieusement mensongère de Jean Charest et que ce même journal n'a pas daigné publier ma réplique.



Il fallait l'entendre, ce Lescure, mettre sur le même pied Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, et parler au sujet de ce dernier d'extrême gauche. L'échiquier politique français est tellement droitier qu'il ne reste plus dans la représentation à l'Assemblée nationale à gauche que le Parti communiste et la France insoumise, vraiment pas très extrême si vous voulez mon avis, à moins que vous considériez la justice sociale comme un principe d'extrême gauche. Par contre, ils sont très nombreux à droite à se prétendre de centre (ce qui n'existe pas) ou de gauche comme ces fumeux socialistes néo-libéraux, qui suivent aveuglément le gouvernement odieusement droitier du tandem Macron-Philippe. LREM se prétendent au centre alors qu'ils sont carrément campés à droite. Plus à droite qu'eux, il y a Les Républicains et encore plus à droite les ceuses que je n'ai même pas envie de nommer.



Certes, il y a du meilleur et du pire parmi les partisanEs des Gilets jaunes. On a entendu des propos anti-immigration de même que des tirades contre les personnes assistées. Mais ces excès sont très marginaux et ne représentent pas l'immense majorité des adhérentEs qui sont des gens ordinaires, juste excédés par un pouvoir qui se complait dans la ploutocratie. Ce ne sont pas des analystes politiques, d'ailleurs elles et ils ne font plus confiance aux politiques. C'est pourquoi il n'y a pas de représentantE officielLE et c'est pourquoi on refuse de s'asseoir à une table de négociation avant que les revendications essentielles et non-négociables (abolition de la taxe sur le carburant, retour de l'impôt de solidarité sur les fortunes) ne soient accordées. On peut lire ici leurs 42 revendications. On comprend facilement que l'annonce, aujourd'hui 4 décembre 2018, d'un moratoire de six mois sur la taxe sur les carburants et sur la hausse des tarifs d'électricité et de gaz soit trop peu et arrive trop tard.



Cette révolte, qui risque de se muer en révolution si les oligarques qui contrôlent la poupée mécanique que les FrançaisES ont en guise de président n'abandonnent pas leur mode de pensée archaïque qui voit la démocratie comme un jeu de manipulation qui donne la baguette au plus roublard et s'ils ne s'avisent pas de réfléchir sérieusement à ces 42 propositions dont beaucoup ne souffriront pas de moyen terme, a été allumée par l'attitude outrancière de ce pouvoir où les éluEs se comportent comme des parvenus égoïstes qui viennent de gagner le gros lot du 6/49.



Premier président sacré dans une téléréalité coûteusement offerte par l'oligarchie, le petit caporal en polléon s'est révélé un provocateur inconscient se comportant comme un véritable boute-feu. Il traite les pauvres en gens « qui ne sont rien ». Il insulte les travailleurs en leur disant : « Si tu veux un costard, t'as qu'à travailler. » Et à ceux qui se cherchent un emploi, il propose : « Pour trouver un travail, je traverse la rue. »



Quand on constate qu'il a autorisé un barbouze à casser du manifestant, il prétend assumer entièrement et déclare, derrière une rangée de gardes : « Qu'ils viennent me chercher ! » Elles sont très nombreuses les personnes qui dans les récentes manifestations ont affirmé qu'elles répondaient à son appel. « Venez me chercher, mais je vais me cacher derrière les CRS. » Voilà ce qu'il aurait dû dire, ce rigolo qui parle sans réfléchir. Il ose en plus se vanter d'avoir « été élu par effraction » et se désoler parce que « si les Français se plaignaient moins, ça irait mieux ».



Mais comment voulez-vous que le peuple respecte un énarque qui tient des propos de beauf et professe une philosophie de café du commerce, mais les méprise avec la morgue la plus détestable. « Tu te prends pour qui ? » entend-on. Ce ne sont pas les Gilets jaunes les beaufs, ce sont tous ces oligarques prétentieux et suffisants, qui ne se rendent même pas compte de la cruauté de leurs caprices. Ils se vautrent dans le luxe et piétinent les gueux. Voilà ce qui irrite les Gilets jaunes, cette France d'en-bas qui en a marre d'être méprisée et regardée de haut.



On a vu récemment sur un plateau de télévision une députée LREM qui ne savait même pas à combien est le smic (salaire minimum). Imaginerait-on au Québec un député ignorant de cette donnée de base ? On a vu un premier ministre qui croyait qu'on pouvait vivre avec 75 $ par semaine et dont la dégringolade a été vertigineuse. C'est ce qui attend, tôt ou tard, le petit caporal en polléon et sa cour constituée de fans griséEs par les spotlights de la téléréalité oligarchique.

LAGACÉ, Francis

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