vendredi 21 janvier 2011

À propos de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), par Amir Khadir

À propos de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions

(BDS), par Amir Khadir

Le 20 janvier 2011

Plusieurs personnes m’ont adressé des questions sur ma présence le samedi 11 décembre devant la boutique Le Marcheur lors de l’action du regroupement Palestiniens et juifs unis (PAJU). Je vous écris donc pour vous expliquer ma vision et celle de Québec solidaire sur le boycott des produits israéliens.

Contrairement à ce qui est colporté par certains, je n’adhère pas à un boycott de cette boutique, mais bien à un boycott des produits israéliens. Pour que les droits de la population palestinienne soient respectés, c’est sur le gouvernement israélien que la pression doit porter et non pas sur les marchands de ces produits en dehors d’Israel.

Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS)

Québec solidaire souhaite une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien, dans la justice et l'équité pour les deux peuples. Les Israéliens-nes comme les Palestiniens-nes ont besoin de justice, de sécurité et de paix.

Israël refuse cependant de se conformer au droit international et aux principes universels des droits humains. Sur ces questions, Israël est critiqué par l'ONU, Amnistie internationale, Human Rights Watch et de nombreux récipiendaires du Nobel de la paix, dont Nelson Mandela, que l'on ne pourrait pas taxer de fanatisme ou d'antisémitisme. Le révérend Desmund Tutu, qui a lutté pour la libération de l’Afrique du sud et l’ex-président Jimmy Carter qui a écrit un livre sur le sujet, vont jusqu’à dénoncer le traitement des palestiniens par Israël en le qualifiant d’apartheid.

Devant l’oppression sans cesse croissante subie aux mains de l’armée israelienne, 172 organisations de la société civile palestinienne ont lancé en 2005 une campagne internationale de «Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS)», pour forcer Israel à cesser le système d’apartheid.

Je vous propose de lire ce billet du blogue de Jean-François Lisée http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/les-chaussures-damir-khadir/6948/ pour mieux connaître le contexte de la campagne de boycott.

L'utilisation du boycott comme instrument de justice remonte à très loin dans le temps. Deux des exemples récents sont le boycott des produits anglais par Gandhi pour libérer l'Inde du colonialisme et ensuite la fin de l'apartheid en Afrique du Sud grâce au boycott de tout ce qui touchait le gouvernement sud-africain et les produits d’Afrique du Sud.

Québec solidaire soutient la campagne BDS. Françoise et moi-même avons manifesté dès 2007 devant une succursale de la SAQ pour l'inviter à retirer les vins israéliens. En novembre 2009 le congrès de Québec Solidaire a adopté une motion http://www.quebecsolidaire.net/boycott-desinvestissement-et-sanctions-bds-contre-lapartheid-israelien qui engage le parti dans la campagne BDS. Ma présence aux côtés des membres du PAJU devant la boutique du Marcheur traduit le soutient de Québec solidaire à cette campagne.



Il importe ici de répéter que l’approche de Québec solidaire pour la campagne BDS est de prôner le boycott des produits et la sensibilisation. Il s’agit donc de boycotter les produits israéliens et non les commerçants. On cherche à convaincre ces derniers de la justesse et de l'utilité de ce boycott. C'est dans cet esprit d’ailleurs que j'ai tenté, en vain, de communiquer fin novembre avec le propriétaire du Marcheur pour le sensibiliser à cette cause.

Le dénigrement de toute critique

Les gens qui militent pour la justice dérangent. La situation d'oppression et d'injustice profite à de puissants intérêts qui, lorsque bousculés ou menacés, tentent de nous intimider ou décourager notre détermination de toutes sortes de façon. Quelques uns répandent des mensonges ou des demi-vérités. Ensuite, une fois la confusion semée, d'autres alimentent la boucle, par malice ou par maladresse, de différentes façons.

Un exemple : dans sa chronique du 21 décembre 2010 dans La Presse
http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/lysiane-gagnon/201012/20/01-4354210-khadir-le-fanatique.php , Lysianne Gagnon, me traite de « radical fanatique» et laisse planer l'accusation d'antisémitisme sur ma personne en raison de ma présence pendant une heure au rassemblement du PAJU.

En 30 ans d'implications sociale et politique j'ai participé à des centaines de rassemblements, de pétitions, de campagnes et de piquetages pour défendre la démocratie et les droits humains partout dans le monde. Depuis 1980, je milite contre la dictature religieuse en Iran. J'ai pris la parole et passé de nombreuses motions à l'Assemblée nationale à ce sujet, qui sont malheureusement passées sous silence dans les médias. On ne m'a jamais accusé d'être un anti-iranien ou un fanatique pour cela. En appui à la mère de Nathalie Morin, je dénonce depuis deux ans la séquestration de Nathalie et de ses enfants en Arabie saoudite par un mari abuseur qui s'appuie sur la charia islamique pour perpétrer son abus. Pourtant, personne ne m'accuse d'anti-islamisme. Alors pourquoi mes interventions pour critiquer les violences pratiquées par l'armée et le pouvoir en Israël me valent-elles le qualificatif de «fanatique », avec les images terribles qu'évoque ce terme? Desmond Tutu, compagnon de Mandela, et Jimmy Carter, l'ex-président américain, seraient-ils devenus fanatiques parce qu'ils qualifient la situation vécue par les palestiniens d'apartheid?

Le professeur Stephen Scheinberg, ancien dirigeant du B'nai Brith, confiait en mai dernier à la revue l'Actualité sa désapprobation envers les tactiques employées par certains lobbys pro-israéliens : utilisation sélective des faits, atteinte à la réputation et culpabilité par association. « Je suis juif et sioniste, expliquait-il. Mais un sioniste n'est pas tenu de soutenir toutes les politiques et actions du gouvernement d'Israël. Israël est un pays sujet à la critique, comme tous les autres. Or, ici, à Montréal, je pourrais difficilement m'exprimer en ce sens sans me faire reprocher d'attaquer Israël. ».

Critiquer Israël est une question épineuse. Or le propre de la démocratie c’est de débattre. Les critiques et désaccords sont normaux et souhaitables. En démocrates, nous défendrons de tout cœur cette liberté de débattre. Mais l’enjeu réel de tout ce débat est l’apartheid subi par le peuple palestinien. Les raccourcis intellectuels qui masquent cet enjeu pour le porter sur un marchand de chaussures, font reculer l’idéal démocratique. Pire, les mensonges et les demi-vérités qui tiennent lieu d’arguments pour certains, nourrissent la méfiance, l’ignorance ou la haine. Les peuples d’Israël et de la Palestine ont besoin de tout le contraire.

Amir Khadir

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