Au-delà de l’unité souhaitée et proclamée,
LES QUESTIONS STRATÉGIQUES INCONTOURNABLES POUR QU’UNE VÉRITABLE CONVERGENCE NATIONALE VOIT LE JOUR
LES QUESTIONS STRATÉGIQUES INCONTOURNABLES POUR QU’UNE VÉRITABLE CONVERGENCE NATIONALE VOIT LE JOUR
mardi 15 janvier 2013, par Bernard Rioux
Le Nouveau Mouvement pour le Québec récidive. Il proclame l’existence d’une Convergence nationale. Il en organise même un Congrès où il invite le plus grand nombre d’indépendantistes de toutes les régions à concevoir dans trois journées de débat une stratégie et une plate-forme commune en vue des prochaines élections. La démarche proposée relève de la proclamation. Elle est confuse à souhait et elle tire dans toutes les directions. Elle relève pour une grande part de la politique des bons sentiments si ce n’est tout simplement d’une pensée magique. Pourquoi ?
Toute cette démarche repose sur un immense déni.
Les indépendantistes ne sont pas dans une période de convergence nationale, mais de débats stratégiques essentiels pour dépasser l’impasse héritée des défaites que le mouvement indépendantiste a subies durant ces dernières décennies. Le Parti québécois a perdu le monopole de la question. Ce n’est pas pour rien. Il faut d’abord comprendre le fondement de cette réalité pour reconstruire l’unité du mouvement indépendantiste sur de nouvelles bases. Ces débats stratégiques et les partis indépendantistes qui les portent ne sont pas des caprices. Ils sont incontournables. Avant de proclamer la convergence nationale et de nier les transformations du mouvement indépendantiste issu de la crise de la domination péquiste sur ce dernier, il faut mener ces débats jusqu’au bout.
Entre faux diagnostics et fausses perspectives.
La question de la dispersion actuelle des forces indépendantistes au Québec n’est pas une question de mauvaise volonté, d’esprit de chapelle ou de culture du désabusement. Un tel diagnostic est superficiel et faux, radicalement inopérant.
La dispersion actuelle du mouvement indépendantiste est le résultat du blocage historique qu’a connu la lutte pour l’indépendance, des défaites qui se sont accumulées face aux offensives de l’État fédéral et de l’incapacité du mouvement indépendantiste et de sa direction péquiste à proposer les stratégies et à construire les mobilisations pour y faire face. C’est cette réalité que refuse de reconnaître l’appel du NMQ. Le mouvement indépendantiste ne pourra se remettre en action et refonder son unité en refusant de tirer le bilan historique de son action. Ce n’est pas en balayant sous le tapis les divergences et les perspectives élaborées par les partis politiques indépendantistes, mais en en prenant leur véritable mesure, que nous pourrons esquisser les voies du dépassement de la situation actuelle. Il serait peut-être temps de prendre au sérieux l’ampleur des débats qui ont mené à la mise en place des différents partis indépendantistes et arrêter de dénoncer ces débats comme de simples joutes partisanes servant à protéger des chapelles.
Le NMQ invite tous les indépendantistes à venir discuter, pas pour tirer au clair la situation dans laquelle se retrouve le mouvement indépendantiste, mais pour mettre en place d’une organisation parapluie d’action et de concertation politique. Créer un autre lieu de rassemblement, de convergence, un autre lieu de concertation où on mettra de côté les débats stratégiques essentiels et les orientations diversifiées portées par les partis, c’est répéter la mise en place d’une autre structure bureaucratique, qui donne une impression d’unité, mais qui laisse le problème de l’unité et des perspectives entièrement non résolues.
Situer les débats dans le cadre de simples alliances électorales, c’est s’organiser pour éviter les questions essentielles.
Si l’appel à la Convergence nationale affirme n’écarter aucune question et aucune avenue, l’horizon électoral, - qui est bien peu éloigné - semble expliquer l’urgence de la démarche. Il faudrait éviter le retour des fédéralistes au pouvoir à Québec. Il faudrait que les partis dits indépendantistes se nuisent le moins possible et qu’ils ne se marchent pas sur les pieds. Que le résultat de ces efforts d’alliance et de concertation, soit qu’un ou des partis nationalistes s’engagent et s’enfargent dans la gestion provincialiste, se faisant les gérants de notre dépendance nationale et du maintien de notre minorisation politique ne semblent pas inquiéter les auteur-e-s de l’appel à la convergence nationale. Car la seule question pertinente d’un point de vue indépendantiste face au danger du rapetissement provincialiste c’est d’éclairer les conditions concrètes de la relance de la lutte indépendantiste.
Quelles sont les questions stratégiques qu’il faut discuter ?
On ne peut échapper à la hiérarchisation des questions... La rhétorique de l’indépendance qui n’est ni de gauche ni de droite est dangereuse et fausse. C’est un thème de la droite de refuser de situer une question politique sur cet axe. Après 1995, le soutien au libre-échange qui affaiblissait les pouvoirs du Québec sur son économie, la défiscalisation des revenus des plus riches, la poursuite du déficit zéro qui s’attaquait au service public, le maintien de la privatisation d’un secteur de l’école québécoise, la déréglementation tous azimuts de l’exploitation forestière, le maintien des redevances minières à des niveaux très bas, n’était-ce pas la construction d’un Québec selon les axes néolibéraux ? Ces politiques menées par des souverainistes qui heurtaient les droits et les intérêts de la majorité populaire n’ont-elles pas contribué à affaiblir le soutien à la souveraineté et à permettre aux fédéralistes de reprendre le pouvoir. Quand aujourd’hui, les partisans de la gouvernance souverainiste au pouvoir reprennent à leur compte la perspective du déficit zéro, le soutien au libre-échange avec l’Europe qui menace notre secteur public, leur soutien à l’hégémonie du privé dans l’économie, le refus d’une réforme de la fiscalité et de la redistribution de la richesse et l’ouverture à l’exploitation des énergies fossiles désastreuses pour la planète à quoi identifient-t-ils la souveraineté qu’ils prétendent défendre ? Est-ce à un projet de société emballant pour la majorité populaire ou un Québec faisant toute la place à l’oligarchie régnante ?
La principale question qui est devant nous est la suivante : comment construire au cœur de la vie de cette nation, cette volonté majoritaire pour un État du Québec réellement indépendant ? Ce projet national d’indépendance ne pourrait se faire en faisant abstraction d’un projet social. ? Quel est ce projet social qui peut être une force motrice de l’aspiration à l’indépendance nationale ? Car la question stratégique centrale c’est celle des moteurs du ralliement de la majorité de la nation québécoise à son indépendance. Ne serait-il pas temps de lier dans une démarche unique le triple combat démocratique, indépendantiste et social pour le Québec que nous voulons ? Un Québec indépendant.
La voie de la souveraineté populaire est essentielle à la refondation de l’unité du mouvement indépendantiste.
S’il faut converger, convergeons sur l’essentiel. Écartons l’idée de l’élection d’un bon gouvernement provincial comme d’un passage obligé vers un référendum consultatif laissé à un horizon indéfini. Posons la nécessité que ce soit le peuple lui-même qui soit le principal sujet de sa libération nationale. Posons la nécessité de l’élection d’une constituante au suffrage universel comme un instrument essentiel de la reprise en mains par le peuple de la définition d’un Québec indépendant à bâtir. Nous aurons là une démarche qui permettra de construire la détermination capable de résister aux volontés déstabilisatrices de l’oligarchie fédéraliste. Une telle perspective n’implique pas la négation des divergences sur le terrain social. Elles seront prises en compte. Mais, elle pose par contre que l’unité ne pourra se faire qu’en donnant toute sa place à une démarche de souveraineté populaire, à une démarche réellement constituante. Ce serait déjà commencer à comprendre que c’est le peuple du Québec qui doit être le maître de son destin et de l’élaboration de sa constitution, du Québec indépendant qu’il veut se donner.
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