Francis Lagacé nous parle d'Alexa Conradi à lire.
L'école des femmes
14 novembre 2017
Certains croient encore que les femmes doivent rester ignorantes. D'autres s'imaginent qu'elles le restent tant qu'elles ne sont pas instruites par eux. Beaucoup encore font comme si elles n'avaient pas leur mot à dire, sinon pour la forme. Nous en sommes toujours là tant il est vrai que l'autodétermination des personnes et des catégories sociales connaît des points aveugles dans nos conceptions trop souvent impérialistes, qui ne connaissent que les angles de vue dominants.
C'est pourquoi la lecture d'un ouvrage comme celui d'Alexa Conradi (Les angles morts, paru récemment aux éditions du Remue-ménage) est riche d'enseignements pour nous mettre un peu à l'école d'une pensée qui fait le tour du jardin plutôt que d'en proposer une perspective privilégiée.
Prétendre décider comment on va « sauver » les femmes d'autres cultures sans tenir compte de leurs propres démarches peut conduire à des erreurs graves. Imposer une vision toute occidentale des rapports à la nature peut heurter de plein fouet des processus d'intégration au monde, comme le démontre bien l'expérience avec les femmes inuïtes que l'auteure rapporte.
S'imprégner de cette approche qui replace toutes les femmes (et toutes les personnes racisées ou subissant l'oppression) d'abord comme sujets nous permet de mieux débusquer les angles morts de notre société beaucoup moins ouverte et libérée qu'on aime à le croire.
J'en étais là de mes réflexions quand je tombai sur l'illustration la plus flagrante de cette absence de considération pour celles et ceux qui doivent être les sujets de leur éducation, car certains préfèrent les traiter en gentils bénéficiaires de nos largesses. En aucun temps la pertinence des propos d'Alexa Conradi n'a été plus évidente qu'à la vue de l'émission Tout le monde en parle du 12 novembre 2017, où l'on a reçu les trois super-héros qui vont « sauver » nos écoles : Pierre Lavoie, Ricardo Larrivée et Pierre Thibault.
C'est sans surprise qu'un gouvernement austéritaire, raciste, sexiste et capitaliste a confié le mandat de redéfinir physiquement, abstraitement, pratiquement et théoriquement l'école à des hommes, blancs, hétéros, francophones et surtout riches. Alors que les maîtresses d'écoles de Montréal-Nord et d'Hochelaga prêchent dans le désert depuis des années, le gouvernement leur envoie le message le plus clair qui soit : pour vous faire entendre, il faut être mâle, blanc et riche.
Rarement ma pression a été si élevée. La vapeur qui m'est sortie par les oreilles pendant que j'entendais nos businessmen pérorer aurait suffi à alimenter la locomotive de l'Orient-Express pendant tout son trajet aller-retour. Oh, ils sont tellement bons et généreux, ces chevaliers blancs et autres Dr Julien qui savent mieux que nous ce qui est bon et qui concentrent en leurs actions tout l'impérialisme de la pensée individualiste et colonialiste sous le couvert de la bonté et de l'amélioration sociale !
Tels des Christophe Colomb post-modernes, on les envoie à la découverte de l'école nouvelle qu'ils contribueront à rendre idéale comme les bons missionnaires d'autrefois sans penser un seul instant que les femmes minorisées, appauvries, racisées, éloignées du pouvoir tiennent ces mêmes écoles à bout de bras depuis des décennies. L'enfer, tout comme autrefois les pensionnats, est pavé de bonnes intentions.
LAGACÉ, Francis
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