Francis Lagacé nous parle de changement
Changement ?
28 octobre 2013
J'ai des sentiments mitigés à propos de la notion de changement. Tout n'est que changement dans l'univers, mais en même temps on se rappelle Lavoisier et son «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme». Alors, le changement, c'est aussi le retour du même.
Si le changement est nécessaire, utile, amusant, parfois salvateur, quand il ne correspond qu'à un slogan du type : «Faut que ça change!», «Nous sommes le vrai changement», «C'est le temps de changer», cela n'a rien de particulièrement stimulant.
Les boulevards de l'histoire sont jonchés des ruines décrépites de tous ces promoteurs du changement qui ne voulaient en fait qu'«être calife à la place du calife». Changer le personnel ne change pas la dynamique humaine qui, à la longue, reprend ses penchants conjoncturels. Il faut des processus qui assurent que même les moins vertueux suivront la voie appropriée. Et ces processus-là impliquent plus de démocratie, de consultation, de contre-vérification, ce qui a le don d'épuiser les amateurs de la pensée magique à qui plairait bien le coup de balai définitif, oubliant par là que le ménage, ça se fait régulièrement, pas une fois pour toutes.
Des changements inutiles aussi me laissent songeur. Par exemple, pourquoi changer d'heure ? La théorie voulant que les heures d'ensoleillement en fin de journée soient plus propices aux commerces ou à l'industrie ne tient pas la route quand on sait que les bureaux et les usines ouvrent le matin justement quand on aurait besoin de plus de lumière.
J'ai eu beau chercher partout, je n'ai trouvé aucune explication satisfaisante en plus de constater que les médias nous apportent des justifications nouvelles et différentes chaque année. Tout ce qu'on sait, c'est que des décisions politiques en Allemagne, puis dans les autres pays européens, ont instauré cette coutume dont on ne sait comment sortir.
Le changement des mentalités dont l'idéologie est modelée par l'hégémonie culturelle et politique (merci Gramsci) est une chose qui prend du temps et qui demande un travail de terrain important avant que les médias de masse n'y fassent écho et un travail politique important afin que les médias de masse n'aient pas le choix d'y faire écho, mais en attendant on se désole que les discours simplistes comme ceux de Régis Labaume servent si bien les propriétaires et patrons qui ont été imprévoyants et accusent maintenant les syndicats de leurs propres turpitudes.
Je ne sais pas pourquoi, mais me revient à l'esprit un changement qui avait été présenté au XVIIIe siècle, la Modeste proposition de Jonathan Swift pour que les pauvres soient utiles à la nation. Il suggérait qu'on parque certains pauvres, surtout les femelles, parce que les mâles n'ont pas besoin d'être nombreux, en tant que fournisseurs de bébés bien engraissés pour les vendre ensuite aux bourgeois comme mets de choix.
Si ça vous révolte, vous avez bien raison, mais la question demeure : pourquoi le fait-on ?, puisque c'est bien ça, métaphoriquement parfois, mais littéralement souvent (travail des enfants, esclavage sexuel, trafic des humains), que notre société globalisée fait. Tiens, voilà un objet de changement à méditer.
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