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En
marge du Conseil national du PQ
La
charte des valeurs est la négation de la loi 101
Le report des élections par le PQ est pure affaire de sondages et, plus profondément, de peur subliminale face à l’abîme insondable de la grande plongée dans le typhon du réactionnaire identitarisme sur le dos des femmes voilées. Le PQ s’accroche à l’espoir que l’UPAC et la Commission Charbonneau noieront toute apparence de renouvellement du Parti libéral dans le cloaque de la corruption. Comme James Dean dans « Rebel Without a Cause », ou est-ce Pauline Marois dans « Une bonne bourgeoise dont la cause est perdue », le PQ roule tombeau ouvert vers le précipice en espérant y faire plonger les Libéraux tout en laissant à la remorque caquistes et solidaires cherchant l’introuvable compromis. Ayant fait le plein de l’appui des progressistes confus en se revêtant d’oripeaux laïcistes et féministes, le PQ cherche le soutien des nationalistes de toutes tendances en identifiant la lutte pour la charte à celle pour la loi 101.
Le PQ avait un instant pensé à un compromis afin de faire porter l’élection davantage sur le développement économique, comme le laisse voir le mitraillage d’annonces des dernières semaines. Le chantage des grands consommateurs d’électricité qui veulent piller les surplus d’Hydro-Québec, l’intransigeance des minières qui refusent le moindre compromis au free mining, les gazières et pétrolières qui ne veulent rien savoir de moratoire permanent et du BAPE et, last but not least, « [le] déficit du Québec [qui] continue de grimper <http://www.ledevoir.com/politique/quebec/392272/conseil-national-a-montreal-le-pq-souhaite-vanter-sa-gestion-de-l-economie » (Le Devoir web, 9/11/13), malgré une accalmie dans la destruction d’emplois, rappellent au PQ que son légendaire à-plat-ventrisme face au capital ne lui vaudra jamais sa sympathie tant le traumatisme référendaire de 1995 a rompu toute valse hésitation. Ne reste plus qu’à laisser sortir des égouts de l’austérité néolibérale, qu’imposent finance mondiale et libre-échange, ce duplessisme qui en son temps s’était déguisé en pourfendeur des « trusts » avant de se mettre le cadenas à la gauche tout en persécutant les fondamentalistes Témoins de Jéhovah au nom du catholicisme.
Voilà que le PQ rallie à la cause de sa charte cette loi 101 que Camille Laurin a arrachée in extremis à René Lévesque. Cette loi libératrice, que la Cour suprême n’a cessé depuis lors d’émasculer, enfonçait le plexus du méprisant chauvinisme anglophone qui imposait sa langue au peuple québécois au point que Montréal se cachait sous un voile anglais pendant que le prolétariat francophone devait speak English à moins de se contenter de la grande noirceur du sous-sol national. Comparer la charte des valeurs, qui écrase une petite minorité d’opprimées femmes voilées, à l’émancipatrice loi 101, qui ravalait la superbe d’une riche et puissante minorité oppressive, avilit cette loi fondatrice de notre marche vers notre libération, aujourd’hui en pane douloureuse, comme jamais la Cour suprême n’a été capable d’y arriver. Il en résultera ou bien que le PQ sombrera armes et bagages dans l’insignifiance historique comme jadis le fit l’Union nationale, ou bien il entraînera le peuple québécois dans le cul-de-sac du nombriliste ethnicisme qui inaugurera la fin de notre histoire comme peuple.
Ce tournant réactionnaire réjouit tous les Quebec bashers de ce monde, ce qui était consciemment recherché par le PQ pour gêner le Parti libéral dans sa conquête droitière de l’électorat francophone et neutraliser les deux tiers partis dans un entre-deux polarisant où la deuxième opposition navigue plutôt en terrain péquiste et la petite gauche plutôt en terrain libéral dans tous les sens du terme. Les ennemis du peuple québécois ont toujours eu le don d’exploiter le nationalisme étroit, soit face aux peuples autochtones soit face aux minorités nationales… et le PQ les a souvent bien servis. Ce virage, à droite toute, aliène à la cause de l’indépendance non seulement la presque totalité des anglophones et la grande majorité des allophones d’ici mais aussi et surtout le peuple canadien anglais, et même étasunien, dont l’appui, ou au moins la bienveillante neutralité, sont nécessaires à notre lutte libératrice, et à sa propre libération, pour couper court à tout backlash financier, économique et militaire.
Cet enfermement identitaire et islamophobe de la politique québécoise exige une réponse forte à gauche, celle d’une alternative anticapitaliste ayant seule la puissance de rompre le charme maudit du venimeux serpent ethniciste. Quoiqu’en disent les sionistes et leurs sympathisants défendant l’unicité de l’Holocauste qui donnerait le droit à Israël de bafouer le droit international, le racisme anti-islamique d’aujourd’hui excusant ou tolérant les massacres palestinien, afghan et irakien s’est substitué à l’antisémitisme d’hier qui avait ouvert la porte et laissé faire les génocides des juifs et, on l’oublie trop souvent, des roms, ces souffre douleur de l’impuissance populaire européenne contre l’austérité.
La reprise de la marche de la libération du peuple québécois ne peut plus être celle des « gens du pays » de la Révolution tranquille. Le temps du fleurdelisé duplessiste est révolu tout autant que celui de son crucifix de l’Assemblée nationale. Même s’il faut la concevoir comme la continuité de la lutte des Patriotes, la lutte pour l’indépendance n’est plus celle du rejet du colonialisme mercantiliste en faveur de la démocratie bourgeoisie même améliorée. Elle est celle du renversement du fédéralisme capitaliste en faveur d’une République autogérée, de bas en haut, dans son infrastructure économique comme dans sa superstructure institutionnelle, libérée de la dictature de la finance, assurant le plein emploi écologique et soutenant la libération mondiale des peuples. C’est à ce rendez-vous de l’indépendance pour exproprier les banques et pour sauver la langue que le peuple québécois attend Godot… ou devrait-on dire Québec solidaire.
Marc Bonhomme, 10 novembre 2013 www.marcbonhomme.com
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