Paul Cliche nous parle de cette possibilité d'élections prochaine :
Si elle déclenche des élections précipitées cet automne, Marois violera l’esprit de la loi prévoyant des élections à date fixe
par Paul Cliche, ex-journaliste et politicologue
En juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le projet de loi 3 prévoyant des élections à date fixe.
En vertu de cette loi, les élections devront dorénavant se dérouler le premier lundi du mois d'octobre, quatre ans après le scrutin précédent. En principe, la prochaine élection est prévue le 3 octobre 2016. Le Québec rejoint ainsi de nombreux pays, dont les Etats-Unis et la France, qui tiennent des élections à date fixe. Le Canada et huit provinces ont aussi adopté de telles lois depuis quelques années.
Lors de l’étude du projet de loi à l’Assemblée nationale, son parrain le ministre Bernard Drainville a déclaré: «Si on fixe la date des élections au calendrier et qu'on fait en sorte que cette date-là ne soit plus déterminée selon des calculs partisans, selon des calculs électoralistes, selon la stratégie politique, l'idée est que le citoyen aura le sentiment qu'on lui redonne les élections, la date des élections». Par ces paroles, le ministre a indiqué clairement que le chef d’un gouvernement quel qu’il soit devait perdre le privilège de déclencher des élections à sa guise sous peine de violer l’esprit de la nouvelle loi.
Cependant, à cause du statut minoritaire du gouvernement péquiste actuel, l'échéancier devra évidemment être devancé si une majorité de députés retirent leur appui au gouvernement. Jusqu’ici on a cru que ce vote de non-confiance pourrait survenir lors de l’adoption du prochain budget prévue pour le printemps prochain. Par ailleurs, les rumeurs d’élections précipitées, qui seraient déclenchées le 6 novembre prochain en vue d’un scrutin le 9 décembre, s’intensifient. Cette façon de procéder serait légale à cause de la clause suivante incluse dans la nouvelle loi: «Seul le lieutenant-gouverneur peut dissoudre l’Assemblée nationale avant l’expiration d’une législature»
Une fiction légaliste
À priori, on pourrait croire que cette clause fournit une garantie suffisante contre les calculs électoraux d’un chef de gouvernement. En effet, dans notre régime de monarchie constitutionnelle c’est la reine d’Angleterre -en l’occurrence son représentant à Québec, le lieutenant gouverneur- qui possède formellement le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale en tant que chef de l’État. Mais, depuis 1926, il est évident que la suprématie en cette matière appartient au chef de gouvernement. Cette année-là, une crise constitutionnelle est survenue lorsque le gouverneur général du Canada, lord Byng de Vimy, a refusé la requête du premier ministre libéral Mackenzie King, dont le gouvernement était alors minoritaire, de dissoudre le Parlement et d’organiser une élection.
La crise a fait grand bruit non seulement au Canada mais dans tous les pays assujettis à la couronne britannique. Elle s’est soldée par la victoire de King qui a finalement remporté ses élections. Plus jamais par la suite un gouverneur général à Ottawa ou un lieutenant-gouverneur dans une province n’a osé tenir tête à un premier ministre même si la Constitution continuent d’affirmer la suprématie du représentant de la reine. Il s’agit d’une des nombreuses conventions, plus ou moins teintées d’hypocrisie, sur lequel repose le système parlementaire britannique.
Une échappatoire qui enlève sa portée à la loi
C’est l’ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui un des premiers a critiqué le projet de loi 3 suite sa présentation à l’Assemblée nationale en novembre 2012. Ce dernier a carrément proposé d’interdire à un premier ministre de demander au lieutenant-gouverneur de déclencher une élection à moins que son gouvernement ait perdu la confiance de l’Assemblée nationale. Une telle mesure ne nécessiterait pas d’amendement constitutionnel, a souligné M. Duceppe qui a qualifié «d’échappatoire» les dispositions finalement adoptées à ce sujet.
En déclenchant des élections précipitées cet automne, la première ministre Marois imiterait le premier ministre Harper qui a fait adopter une loi semblable par les Communes en 2007 avant de déclencher des élections en 2008. On sait que ce dernier espérait que son gouvernement minoritaire deviendrait majoritaire tout comme Mme Marois présentement. Elle imiterait aussi le premier ministre Charest qui a déclenché des élections précipitées en 2008 pour reconquérir son statut de gouvernement majoritaire (Ce qu’il a réussi), ainsi qu’en pleine période de vacances estivales en 2012 pour conserver sa majorité. (Il s’est retrouvé dans l’opposition et lui-même a été défait dans sa circonscription).
En réalité, le déclenchement d’élections précipitées risquerait de faire plonger des milliers de citoyen dans un cynisme quasi abyssal. Comme pourrait-il en être autrement alors qu’une première ministre met de côté à la première occasion une loi que son gouvernement a faite adopter en prétendant leur assurer un certain contrôle sur le processus électoral ? Mais pour qui nous prennent ces politiciens qui prétendent être voués à la défense du bien commun alors qu’ils ne pensent qu’à leur intérêts bassement partisans !
Montréal, le 9 octobre 2013
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