Laissons Francis Lagacé nous parler de la concurrence du bien.
La concurrence du bien
1er septembre 2014
Cette expression servait de titre à une conférence que donnaient la très regrettée Carol Gélinas, du Regroupement des organismes communautaires familles de Montréal (ROCFM), et le professeur Michel Parazelli, de l'École de travail social de l'UQAM, sur les PPP sociaux, ces ententes avec des fondations, dont la très célèbre Fondation Chagnon.
L'enfer est pavé de bonnes intentions comme le dit la sagesse des nations. En voulant faire le bien, parfois même en voulant l'imposer, on conduit souvent à une espèce de compétition absurde qui donne l'impression de bien faire, mais ne change pas grand-chose à la réalité profonde. Cela se voit par exemple quand on prétend s'attaquer à l'épidémie de dépressions dans le monde du travail en fournissant des approches de réadaptation pour le patient alors que c'est le milieu du travail qui est malade.
On pourrait discourir pendant des jours; je me contenterai ici de citer deux exemples contemporains de la concurrence du bien, qui ne s'attaque pas à la racine du mal.
1. Les saines habitudes de vie
Tout cela part d'un excellent principe. Pour vivre en santé, il est tout à fait approprié de se nourrir sainement, de pratiquer une activité physique régulière et d'éviter les substances toxiques. Personne ne peut être contre la promotion de bonnes habitudes.
L'effet pervers de la réduction à cet excellent principe, c'est qu'on rend les individus, et uniquement les individus, responsables de leur état de santé sans tenir compte des causes externes ni des causes systémiques. Ainsi, l'individu malade sera coupable de ne pas avoir pratiqué les saines habitudes de vie.
Pourtant, même sans pratiquer de saines habitudes de vie, on a de meilleures chances d'être en santé longtemps si on vit à Westmount que si on vit à Hochelaga-Maisonneuve.
Rendre les individus seuls responsables de leur santé, c'est dédouaner les causes environnementales, les causes socio-économiques, les causes inhérentes au milieu du travail, c'est faire comme si la pauvreté n'avait pas d'autres effets et pouvait être contrecarrée par un bon régime (qu'on paye comment, s'il vous plaît?).
Les causes systémiques nécessitent des solutions systémiques, des décisions collectives et des moyens collectifs (notamment les impôts bien employés).
2. Les défis de contribution pour une bonne cause
En réponse à la folie des vedettes qui ajoutent à leur gloire celle de se verser un seau d'eau glacée sur la tête, une journaliste indienne a eu l'idée de proposer un défi, qui consiste à donner un bol de riz à une personne nécessiteuse.
#Encore un excellent principe. Mais, vous aurez beau donner une assiette pleine à une personne pauvre, il faudra recommencer tous les jours. Ne serait-il pas mieux qu'on lui trouve du travail approprié si elle en est capable et sinon qu'on se cotise collectivement pour assurer sa survie? Ne serait-il pas mieux qu'on ait un régime d'assistance sociale permettant de se loger, se nourrir décemment?
Et cela ne passe-t-il pas par la justice sociale, la répartition collective des richesses et, notamment, par des impôts bien employés?
On n'en sort pas: il y a les solutions à la pièce, qui donnent bonne conscience et qui font de si belles photos, et il y a les solutions collectives, qui ne sont ni glamour ni pipole.
LAGACÉ, Francis
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