vendredi 19 janvier 2018

Macronie : préfiguration du Meilleur des mondes oligarchiques


Parlons d’oligarchie avec Francis Lagacé


Macronie : préfiguration du Meilleur des mondes oligarchiques 

18 janvier 2018

Première partie : auscultation des vœux présidentiels



L'oligarchie en marche offre une illustration patente du totalitarisme économique qu'elle prépare. Si l'individu Macron l'incarne en France, il ne faut pas s'attarder à sa personne comme porteuse d'une tare à lui particulière, mais bien comme produit de classe. Ses tics, défauts et manies, par exemple cette incapacité constitutive à saisir les souffrances que sa caste dominante impose aux classes dominées, ne sont pas l'affaire d'une déviance personnelle susceptible d'être corrigée, mais bien la réalisation dans un individu dissocié de l'impérialisme de classe. C'est pourquoi, il faut comprendre ce qui, dans cette première étude de cas, pourrait ressembler à de la hargne personnelle dirigée contre un homme comme la description de la pathologie endogène à la domination oligarchique.



Le discours du prince-président à l'occasion de ses vœux du nouvel an montre que, sous la diversité des porte-voix possibles, le message reste le même : celui de la résignation à la doxa économique et de l'absence totale d'empathie. Très mauvais orateur, au point de faire passer Sarkozy pour un génie et Hollande pour un enthousiaste, le président actuel aligne ses phrases sur un ton égal, avec des pauses systématiquement placées au mauvais endroit. Ce n'est pas anodin. Le Grand Chef n'est pas un excité, c'est un bon gestionnaire (il a appris, c'est-à-dire on lui a appris, depuis sa crise histrionnique du 10 décembre 2016). Il n'a que faire de sentiments et autres niaiseries. Les QuébécoisES se rappelleront Robert Bourassa dont l'éloquence était celle d'une limace et qui séduisait les électrices-électeurs par sa « stabilité économique » (au prix de la crise sociale).



Ses propos sont constamment abstraits, de sorte qu'il est impossible d'être contre la vertu et les vœux pieux. Trois fois seulement, il sera concret : 1. Pour promettre l'accès au réseau Internet dans les zones rurales. 2. Pour affirmer qu'il continuera à démolir le Code du travail. 3. Pour faire des ronds de jambe à l'électorat lepéniste en déclarant que « nous ne pouvons accueillir tout le monde sans qu'il y ait des règles » et qu'il faut que les personnes qui restent sur le sol français « respectent qui nous sommes ».



Le monarque élu s'exprime au je et au vous, car il oppose ce que je fais, entendre « ma classe », à ce que vous devez faire, entendre « débrouillez-vous ». Il n'utilise même pas le nous de majesté, façon d'être sûr qu'aucune association au destinataire ne soit inférée dans ses propos, sauf lorsqu'il s'agit d'exclure comme dans la politique des réfugiéEs. Il ira jusqu'à utiliser la troisième personne, question de bien objectiver la distinction entre le dirigeant et les zouaves obéissants. Il faut le voir se tourner la tête et déclarer sans rire : « la cohésion, ce n'est pas simplement le travail du Président ». Une véritable caricature digne de réclusion, mais justement il s'agit là d'un discours de classe. Tout le contraire de la souveraineté du peuple, c'est la souveraineté capturée (comme dirait Frédéric Lordon) par une caste nobiliaire et incarnée dans un individu qui l'exerce pour elle en donnant des ordres. Très clairement et très souvent, il répète sous diverses formes : « Vous avez choisi de me donner le pouvoir » et « Voici ce que je veux ».



D'ailleurs la méthode est clairement établie : décider d'abord, écouter ensuite, puis faire ce qui a d'abord été décidé. « Toujours j'écouterai, toujours je respecterai les avis, mais toujours je ferai. » Les QuébécoisES, ici encore, se rappelleront la crise sociale de 2012, pendant laquelle le gouvernement libéral disait par la voix de ses ministres : « C'est bien de manifester. Faites entendre votre voix dans le calme. Cela ne changera rien à nos décisions. » Il n'y a pas pire insulte envers les démunis et envers la démocratie elle-même. La seule consolation pour les perdants du système est lancée dans cette phrase creuse : « La France est une grande nation, les mille fils qui nous tiennent sont plus forts que votre solitude. » Ça me rappelle les QuébécoisES pauvres qui se consolent de leur malheur en se disant qu'au Canada il y a les Rocheuses.



Avec une gestuelle d'automate, le mauvais acteur de série B tient un véritable discours de sociopathe d'où toute émotion, toute empathie, est absente, sauf simulée à grands renforts d'accents placés à contretemps.



Que retenir de pareille démonstration d'insensibilité, de cet indécent étalage d'un programme destructeur ? Que le prince élu n'est qu'une enflure au sens symptômatique et médical du terme. La bête qui a piqué, c'est la bourgeoisie ; la maladie qu'elle transporte, c'est le capitalisme oligarchique, et la boursoufflure qui pousse sur le corps social français s'appelle En Marche.

LAGACÉ, Francis

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