14 juillet 2025
Il est dix heures trente. Dans un café montréalais du désormais chic Rosemont, il a placé ses affaires sur les deux chaises de la petite table. Son téléphone à la main, il s’assoit sur une chaise de la table voisine où trône un gros latté. Il compose un numéro. Notre aimable personnage occupe donc quatre places, car personne n’osera s’asseoir devant lui.
Il est seize heures trente. Dans une brasserie sur le bord du Rhin dans le quartier historique de Düsseldorf, elle a placé ses affaires sur les deux chaises de la table voisine et s’est installée devant sa bière. Elle est assise en équerre les deux pieds sur la chaise qui lui fait face. Son téléphone bien en vue à côté de sa bière, elle occupe donc quatre places. Le portable se met à chanter la chevauchée des Walkyries assez fort pour que tout le monde se retourne.
—Allo.
—Salut Sophie-Jeanne. C’est RFM ici. (Il dit rarement son prénom au complet, Réjean-François-Mathieu). Je suis dans un café de Rosemont et j’ennuie tout le monde avec une conversation sans intérêt.
—Bonjour Jean-Sois-Thieu (c’est le surnom affectueux que les intimes lui ont infligé). Je suis dans une brasserie de Düsseldorf près du fleuve et je vais faire suer tout le monde avec une conversation à voix haute dans une langue que tout le monde ne comprend pas.
—N’est-ce pas merveilleux d’avoir un forfait illimité ?
—Oui, on pourra jaser pendant des heures. Enfin tant que la batterie du cell va durer.
—C’est extraordinaire la technologie ! Ça nous permet de nous soucier de nos proches et d’en prendre soin.
—Oui, c’est ce qu’il y a de mieux pour les contacts humains.
NDLA : Cette nouvelle fait partie du recueil N’allez jamais à Montréal paru en décembre 2021.
LAGACÉ, Francis
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