mardi 30 novembre 2021

L'Âme de l'arbre mort.

 

Ma plus récente oeuvre en pyrogravure.

L'Âme de l'arbre mort.

Par Sergio de Rosemont

Photos prise le 23 novembre 2021

Société de consommation, société de violence

 



Parlons de consommation et de violence avec Francis.

Société de consommation, société de violence

29 novembre 2021

Les personnes de ma connaissance qui travaillent dans le commerce ont remarqué, depuis la pandémie, une accélération d’un phénomène déjà notable auparavant : celui de la violence de plus en plus grande des interpellations et réactions des client·e·s. On voit partout affiché tant dans les services publics que dans les établissements commerciaux : « Nous traitons tout le monde équitablement ; la violence ne sera pas tolérée. »

La frustration étant de plus en plus grande, les débordements s’en suivent.

Ce n’est pas par hasard que j’ai inclus les services publics dans le lot des commerces. Depuis longtemps déjà, le public a adopté la fameuse « approche client », qui déshumanise tous les rapports et transforme la relation avec les usagers en « prestation de services », assimilant ainsi toute interaction à une transaction commerciale.

Dans le commerce même, on est passé de « Le client est roi » à « Le client n’est qu’un cochon de payant, qui veut avoir l’impression de payer moins cher. » On en arrive donc à une série d’opérations de laquelle toute préoccupation de qualité véritable, sauf celle qui se mesure, donc qui n’est pas de la qualité, est absolument évacuée.

La frustration est grande chez les malheureux client·e·s qui n’ont jamais affaire à qui que ce soit de responsable et qui reçoivent toujours comme réponse qu’il faut effectuer un acte consommatoire supplémentaire.

Nombre d’entreprises commerciales se prennent pour des forteresses inexpugnables à laquelle il est impossible de s’adresser par courriel, après avoir attendu des heures au téléphone pour aboutir sur une pauvre préposée dénuée de tout pouvoir sur les activités de la compagnie. C’est cette dernière personne sur qui, hélas, se déverse la rage des chaland·e·s exaspéré·e·s par la nonchalance absolue des magasins, banques, assurances, compagnies de crédit et autres agences de communication, y compris certains ministères, dont l’entreprise privée est le modèle.

Quand ces officines vous envoient des réponses qui prouvent à l’évidence qu’elles ne lisent même pas votre courrier (par exemple quand on se fait dire « Merci pour le renouvellement de votre confiance », alors qu’on sollicite la résiliation d’un contrat), il faut être bâti drôlement solide pour arriver à trouver la patience de dénicher dans le dédale des chausse-trapes qu’on dresse devant nous la bonne porte où frapper. J’ai souvent dû fouiller dans le registre des entreprises pour identifier des propriétaires d’entreprises à qui remettre sous le nez leurs responsabilités.

L’immense majorité résignée finit par endurer et laisser filer jusqu’à ce qu’un plomb saute. C’est alors le quidam qui est considéré comme une personne incapable de maîtriser sa colère, comme les travailleuses et travailleurs rendu·e·s cinglé·e·s par leurs conditions de travail sont diagnostiqué·e·s sous l’étiquette accusatrice de « troubles de l’adaptation ».

Notre société de consommation est productrice de violence, mais on s’attaque encore au symptôme, la détresse des individus, plutôt qu’à la cause : l’irresponsabilité des entreprises et de leurs procédures.

De nombreuses solutions sont à notre portée. On pourrait commencer par exiger que toute entreprise indique sur son site web l’adresse postale, téléphonique et électronique de son siège social avec le nom des personnes ultimement en charge (pdg, secrétariat, service à la clientèle, ombudsman le cas échéant). Cette pratique existe en France.

On pourrait aussi exiger que les entreprises assurent une réponse par une personne réelle, non un robot ou un algorithme aux courriels, appels téléphoniques et lettres.

On devrait d’ailleurs redonner des dents à l’Office de la protection du consommateur, lequel est devenu un toutou qui se cache sous le canapé pour lécher les pantoufles du commerçant.

Pour ce qui est des services gouvernementaux, une réforme importante, dont la description demanderait beaucoup plus d’espace que n’en peut offrir un billet, devra replacer la citoyenne·le citoyen et l’humanisme au cœur de toute démarche, qu’on cesse de traiter des cas, mais qu’on interagisse avec des personnes.

Francis Lagacé

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mercredi 24 novembre 2021

La meilleure partie de vous

 

Laissons la parole à Francis

La meilleure partie de vous

23 novembre 2021

Moi, c’est votre plus bel organe qui m’intéresse. C’est celui qui est le plus facile à exciter. Vous ne pouvez voir le mien comme je ne peux examiner le vôtre mais quand je le sais au travail, rien ne me satisfait davantage. Sans lui, vous ne seriez pas là, à me lire. De toutes les fonctions, les siennes sont les plus intéressantes ; celle du plaisir n’est pas la moindre.

Ce serait dangereux de le toucher, même si derrière son enveloppe, on voudrait observer son fonctionnement.

Les comparaisons enfantines comme « Le mien est plus gros que le tien » n’ont nullement leur place ici. Ce qui compte, c’est l’habileté avec laquelle chacun se sert du sien. Le plus tôt nous avons appris à utiliser le nôtre, les plus fortunés nous sommes. Qu’il soit jeune ou vieux, sollicitez-le fréquemment. Il a aussi besoin d’exercices réguliers.

Les personnes qui refusent de nous faire partager ses bienfaits sont de celles qui privent les autres comme elles-mêmes de richesses et de joies inestimables.

Chaque organe a ses avantages. Ceux du foie sont indispensables, ceux du cœur irremplaçables, mais les siens ajoutent un sens aux leurs.

Oui, il est parfois dommage que nous ne puissions le contempler à l’ouvrage. Voir y arriver le sang, source d’oxygène et de vie ; l’admirer transmettre des impulsions électriques partout, assister au déclic qu’il produit soudainement…

Vous avez votre idée sur la meilleure façon de profiter du vôtre, mais surtout ne vous gênez pas pour varier ses activités. Sa liberté, c’est la vôtre. Mettez-vous en contact avec celui des autres. Allez-y, montrez-leur ce que vous savez faire ! Oralement, ou autrement, faites connaître vos découvertes et idées.

Votre plus bel organe, personne ne doit vous empêcher de vous en servir le plus souvent possible, des manières les plus diverses et les plus originales. Il est celui sans lequel la beauté n’existe pas ; c’est celui qui enrichit votre vie et celle des autres ; c’est le seul à connaître tous les sens sans être lui-même sensible. Il a toujours besoin d’oxygène même s’il n’est pas à l’air libre ; il se nourrit de sucres même quand il les trouve dans des nourritures salées ; c’est celui qui fait de vous ce que vous êtes. Il est cause et raison de vos études comme des miennes. Il me restera invisible : je ne suis pas chirurgien et je ne vous souhaite aucun problème de santé ; mais c’est vrai, rien n’est plus beau qu’un cerveau en pleine action.

Ce billet a d’abord servi de texte d’illustration pour l’emploi et l’analyse des pronoms possessifs et démonstratifs dans mon Manuel d’exercices pour une analyse grammaticale accessible paru aux éditions du Méridien, « Cursus universitaire », en l’année 2000.

Francis Lagacé

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Communiquons

 

Parlons de communication avec Francis

Communiquons

19 novembre 2021

C’est à 18 heures 45 que Marie-Ève rentre fourbue du bureau. Elle y a passé la dernière heure à tout nettoyer, covid oblige. Aux bruits de son arrivée, François-Philippe lève les yeux de son ordinateur et la gratifie de signes impérieux ; elle doit faire silence, il est encore en réunion de télétravail.

En ouvrant le frigo, la conjointe constate qu’évidemment, le conjoint n’a rien acheté pour le repas du soir, même s’il avait promis de passer à l’épicerie en après-midi. Déboule tout à coup dans la pièce Sophie-Alice, l’ado surexcitée, qui démolit presque le congélateur à la recherche de pizzas pochettes apparemment évadées vers un autre univers.

Cette dernière marmonne des formules mystérieuses et incompréhensibles pour qui a plus de 30 ans pendant que Marie-Ève pitonne son cellulaire, histoire de commander trois repas cuisinés en s’inspirant de ceux qui avaient été achetés la veille à la suite de trois quarts d’heure de discussion sur leur forme et leur composition.

L’ado regagne sa chambre sans parler, mais en faisant comme si ses pieds pesaient deux tonnes. François-Philippe ferme violemment la porte de la chambre conjugale où il s’est réfugié avec le laptop, et Marie-Ève s’affale sur le canapé pour consulter ses derniers messages.

Une heure et demie plus tard, quand ça sonne à la porte, c’est évidemment Marie-Ève qui doit quitter son canapé, téléphone à la main pour recevoir la livraison, qu’elle dépose sur la table de cuisine en soupirant. Un cri semblable à ceux qui devaient résonner autrefois quand le chasseur avait abattu un mammouth fait vibrer la maison pour prévenir les deux autres membres du clan que la pitance est arrivée.

François-Philippe se réjouit, car il vient de mettre fin abruptement à son rôle dans l’interminable réunion. Il se précipite sur sa chaise et déballe la bouffe tout en allumant le téléphone qui sort lestement de sa poche où il avait dû se tapir depuis le début de l’après-midi. Marie-Ève mange debout tout en pitonnant frénétiquement alors qu’émerge d’un coin obscur une Sophie-Alice vite renversée par une attaque de la table, le cellulaire bloquant la plus grande partie de son champ de vision. Elle reste assise sur le plancher de la cuisine, et son père fait glisser vers elle la boîte restante.

On pourrait intituler ce tableau Portrait d’une agape familiale.

Francis Lagacé

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vendredi 5 novembre 2021

Cette tribu numérique

 

Ma plus récente toile en 3 d





Cette tribu numérique

Par Sergio de Rosemont

Parfois quand j’observe l’interaction de notre société avec le numérique.

Quand j’observe les "Gourous" du numérique que ce soit dans le domaine du commerce en ligne, des médias, de la finance, des gouvernements ou autre.

Comme s’ils voulaient imposer, enfoncer dans notre esprit leur perception de ce que devrait être la réalité, la vérité pour eux.

Et quand je regarde comment plusieurs prennent ce que ces "Gourous" diffusent comme s’il s’agissait d’une vérité suprême.

Comme si la pensée critique serait en sommeil.

Comme si cette puissance du numérique en deviendrait comme une religion.

Une méga tribu planétaire n’écoutant que ses "Gourous".

Qui sait si ces "Gourous" voudront décider ce à quoi nous devons croire ?

Qui sait si ces "Gourous" voudront décider ce que nous devons aimer ou haïr ?

Qui sait si ces "Gourous" voudront décider ce que nous devons penser et décider ?

Qui sait si ces "Gourous" voudront décider ce qu’ils voudront insérer dans notre esprit ?

Qui sait si un jour aux yeux de ces "Gourous" si nous ne serons pas perçus que comme des clefs USB biologiques sur lesquelles ils peuvent y insérer ce qu’ils désirent.

Si nous ne prenons pas garde, qui sait ce que l’avenir pourrait nous réserver !

Ça arrive aux hommes

 

Parlons d’abus sexuel et d’abus de pouvoir avec Francis.

Ça arrive aux hommes

5 novembre 2021

En 1997, le sociologue Michel Dorais publiait un essai intitulé Ça arrive aussi aux garçons. Dans cet ouvrage, il étudiait les impacts des abus sexuels subis par les jeunes de sexe masculin. Au vu de l’affaire Salvail et d’autres cas qui ont été révélés par la suite, le public sait maintenant que ça arrive également à des hommes. Et si je reprends ici ce titre, c’est pour bien marquer que nul n’est à l’abri de ce phénomène qui, comme je le dis depuis toujours, est d’abord, et avant même d’être un abus sexuel, un abus de pouvoir. (Voir à ce sujet le billet en même temps lettre ouverte du 27 janvier 2018 Des hommes appuient #EtMaintenant.)

Le hockeyeur Kyle Beach a révélé avoir été, il y a de cela 10 ans, victime d’une agression sexuelle par son entraîneur vidéo, Brad Aldrich. Torturé par la honte et la culpabilité que ne manque pas de transférer sur lui son abuseur, se sentant abandonné de tous, il n’avait pas osé en parler publiquement. Pourtant, il s’était plaint à la direction de l’équipe de hockey. Celle-ci n’a rien fait pour sanctionner le prédateur ni pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Elle a préféré regarder ailleurs.

On raconte même que des rumeurs ont circulé dans les vestiaires sur la victime et qu’on en rigolait plutôt que de faire preuve de compassion. C’est une illustration flagrante de la culture de masculinité toxique qui valorise la domination plutôt que l’empathie.

Il importe de comprendre que ni la force physique, ni l’assurance personnelle, ni aucun comportement spécial de la victime ne la protègent vraiment, car les abuseurs manipulent, se servent de leur autorité, de leur rôle dans la famille, de leur statut social, de leur notoriété, de leur popularité, de leur richesse, de leur influence, de tous les moyens à leur disposition pour arriver à leurs fins.

Si on arrive à comprendre qu’un homme peut être la proie de tels abuseurs, on devrait enfin se rendre compte qu’il faut arrêter de blâmer les victimes. Comprendra-t-on qu’il faut cesser de dire aux femmes comment s’habiller ou se comporter, qu’il faut cesser de leur suggérer quoi dire ou quoi faire alors que le problème réside chez l’abuseur ?

Maintenant qu’un joueur de hockey professionnel a osé parler, a ouvert la trappe du côté sombre de ce monde pas toujours glorieux, on peut s’attendre à ce que d’autres sportifs, que ce soit dans ce sport-là ou dans les autres, révèlent ces secrets inavouables, car les jeux de pouvoir qui s’y exercent aboutissent aussi aux abus sexuels.

Je suis prêt à parier qu’il y a de nombreux autres cas ; il est moins certain qu’on osera les dénoncer, mais en tout cas, la brèche est ouverte.

Francis Lagacé

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mardi 2 novembre 2021

Retrouvez votre sens

 

Francis nous parle de sens

Retrouvez votre sens

26 octobre 2021

Quand une personne perdait contact avec la réalité, autrefois on lui disait : « Reprenez vos sens ». Les vieux de mon entourage, y compris mon paternel, prononçaient d’ailleurs [sã] (prononcé comme « san »). Le sens, les sens, sont essentiels aux liens avec ce qui nous entoure.

La même injonction était aussi adressée à une personne qui perdait tout bon sens. Et encore une fois, les bonnes vieilles personnes prononçaient aussi [sã]. Vous avez peut-être déjà entendu l’expression Ça n’a pas de bon sens vocalisée de cette façon-là.

C’est en tout cas à ce sens-ci que je fais appel pour vous livrer un plaidoyer en faveur de la sémantique, cette mal-aimée des discours public et politique.

Souvent, des personnalités publiques, des personnes appelées pour leur expertise, des journalistes et même des savant·e·s déclarent : « On ne perdra pas notre temps avec un débat sémantique, l’important, c’est d’agir. » Ou encore « Ce n’est qu’une question de sémantique. » Autrement dit, ça n’a pas beaucoup d’importance. Et tout le monde, hélas, d’applaudir.

Je dis hélas parce que cela revient à dire : « On ne s’embarrassera pas du sens (donc du fond), ce qui compte, c’est d’agir sur la forme. »

Or, le sens est ce qui importe le plus pour les êtres humains.

Bien que le sens soit une chose qui n’existe pas dans l’univers en dehors de lui, pour l’homo sapiens, c’est justement ce qui oriente son agir. C’est probablement ce qui nous distingue le mieux des autres animaux.

Le sens nous obsède, nous le cherchons en toute chose, nous le créons au besoin. Le sens traverse la littérature, la politique et même la science quand nous nous attardons à trouver la causalité, ce qui nous permet de reproduire ce qui paraît désirable et d’éviter ce qui semble indésirable. Nous choisissons le sens et nous nous en donnons.

Noam Chomsky, père de la grammaire syntaxique, dite un temps générative et transformationnelle, laquelle n’est plus du tout transformationnelle depuis les années 80 et de moins en moins générative puisque surtout descriptive, a beaucoup œuvré pour disqualifier la sémantique en la considérant comme un sous-domaine du lexique, domaine qu’il traitait comme quantité négligeable.

Cette absurdité a nourri quantité de linguistes désinvoltes devant la sémantique, cette matière qui affecte la phonologie, la prosodie, le lexique et la syntaxe, autrement dit, qui n’est pas du tout un sous-domaine, mais un sur-domaine.

Confondre le lexique et la sémantique conduit à s’imaginer qu’établir le champ lexical d’un discours revient à établir sa carte sémantique. C’est ce qui a permis à un journaliste de me déclarer un jour qu’un certain groupuscule, avec lequel je n’avais absolument rien à voir, était du même côté que le Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, dont j’étais alors deuxième vice-président, au prétexte qu’il employait les mêmes mots.

Il avait tout faux, sauf sur le fait que le groupuscule employait les mêmes mots, ce qui signifie simplement qu’il parlait du même sujet, mais le faisait n’importe comment.

Dans cette vision simpliste, on croit qu’une personne qui affirme : « Je n’aime pas les gens qui aiment la tarte à la citrouille » pense comme celle qui déclare : « Je n’aime pas les gens qui n’aiment pas la tarte à la citrouille » puisque leurs énoncés ont exactement le même champ lexical : aimer, citrouille , gens, je, ne pas, qui, tarte (et encore certains n’incluent que les substantifs, adjectifs et verbes dans l’établissement du champ lexical).

Le champ lexical permet de déterminer la question dont on parle. La carte sémantique, qui permet de connaître le sens des interventions, nécessite en plus la connaissance de l’emploi des opérateurs du discours (modalités exprimées par certains modes verbaux, par les adverbes et marqueurs de discours, etc.), des différents relateurs (en gros ce qu’on appelait autrefois les relatifs, les conjonctions et prépositions) et de leur ordre ainsi que des formes de thématisation (ce qui est placé en position d’importance et ce qui est relégué en position accessoire).

C’est à cause de cette confusion et aussi de l’ignorance de la linguistique diachronique que j’ai pu lire dans un article au début des années 80 une sottise profonde comme : « Il faudra réviser les règles concernant la formation des diminutifs, car on ne peut pas dire qu’une tablette est une petite table. »

Justement si ! Une tablette était une petite table au moment où le terme a été dérivé. Une table a d’abord signifié une planche et même un plan de travail, et une tablette est, comme une table, une petite planche, ou un petit plan, pour y déposer des affaires. Le mot est apparu au XIIIe siècle, pas en 1982, a-t-on envie de répondre aux auteurs étourdis de ce papier. Voilà ce qui arrive quand on perd le sens et l’histoire pour ne s’arrêter qu’à l’immédiateté.

Il faudrait un long traité pour expliquer en quoi ce mépris pour le sens a fourvoyé la linguistique ; je n’en ai ici ni le temps ni l’espace.

Pour en revenir à la malheureuse sémantique dans le discours hégémonique, on écrase les débats sans état d’âme en écartant comme impertinent ce qui, justement, est le cœur et le fond de l’affaire : la signification.

Chaque fois que j’entends « On ne fera pas un débat sémantique », je rage et je dis qu’au contraire, c’est exactement ce qu’il faut faire si on veut retrouver le sens et s’attaquer au vrai problème.

Quand, par exemple, on vous dit que la question du racisme systémique n’est qu’une querelle de mots, rien qu’un débat sémantique, on essaie de vous faire croire que ne pas s’entendre sur le sens est accessoire. Ce n’est pas du tout une querelle de mots. C’est bel et bien un débat sémantique, car le concept de racisme systémique est l’outil qui permet de comprendre comment des personnes qui n’ont aucune mauvaise intention agissent de manière inappropriée, comment un individu peut être discriminé même quand personne n’a commis de geste raciste ni prononcé de phrase raciste, parce que la victime n’entre pas dans la bonne case.

On ne peut pas corriger le racisme sans corriger les structures, l’organisation, les façons de faire. Si on se contente de chercher les méchants individus qui agissent mal, on ne s’attaque pas à la cause du problème. C’est, dans le cas qui nous occupe, par le refus de la sémantique que l’on confond la responsabilité sociale avec la responsabilité individuelle.

Ne vous laissez pas dérouter par une personne qui prétend savoir mieux que vous et qui cherche à écarter vos arguments en affirmant que « ce n’est que de la sémantique ». Si c’est une question de sémantique, c’est donc important. Le savent celleux qui ne sacrifient pas le fond à la forme.

Francis Lagacé

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