dimanche 13 novembre 2022

Empathie

 

Parlons d’empathie avec Francis

Empathie

7 novembre 2022

J’étais adolescent et j’étais cégépien dans une petite ville où il y avait un palais de justice. Certain·e·s de mes camarades m’avaient parlé de matinées qu’elles et ils passaient comme public à la cour pour observer les travers humains. On me racontait des histoires sordides censément hilarantes. On me pressait de me joindre au groupe, histoire de se moquer des absurdités que les murs de la vénérable enceinte réverbéraient.

J’étais plutôt perplexe. J’eus l’occasion d’en parler à mon paternel en lui demandant s’il croyait que ce serait de quelque instruction pour moi. Je ne me rappelle plus les termes exacts qu’il a employés, mais cela tendait clairement à me détourner de cette tentation.

En mes termes d’aujourd’hui, j’exprime ici ce que j’ai retenu de son opinion. Essentiellement, il estimait que la misère humaine ne constituait pas un spectacle et, qu’à la détresse des gens, il ne convenait pas d’ajouter le mépris de personnes dont rien ne garantit qu’elles ne se retrouveraient pas un jour à leur place. Je suivis son conseil et ne fréquentai jamais ces auditions.

Et je m’en félicite aujourd’hui quand il m’arrive de tomber par hasard sur deux minutes d’une « télé-réalité » (j’exagère sans doute parce que ça me paraît long, ce doit plutôt être 30 secondes). J’imagine mon malaise si j’avais cédé à ces invites.

En effet, à voir ces personnages confrontés au vide et à eux-mêmes dans des intrigues dont le but est d’éliminer quelqu’un, j’en deviens nauséeux. Je me contente donc, en attendant de revenir à mon programme, de continuer mon pitonnage du temps publicitaire sur les deux autres chaînes disponibles de ma télé sans câble.

Quand, dans les dernières semaines, on a fait tout un fromage de l’affaire d’intimidation à Occupation double, si je me suis dit qu’il était temps qu’on s’en préoccupe, j’avoue ne pas avoir compris ce qu’il y avait là de nouveau. Avec les discours de 30 secondes que j’ai entendus en tombant sur cette émission, avec les commentaires que mon conjoint me rapporte de collègues de travail qui ressassent avec hargne les péripéties montrées dans ces cirques (au sens romain du terme), j’étais déjà convaincu que l’intimidation et le harcèlement collectif étaient de ce jeu cruel le principe même.

D’ailleurs, si je me souviens bien, j’ai entendu la grande prêtresse productrice de ce divertissement dire dans la publicité qui annonce son émission de soirée télé quotidienne qu’elle recevait les « exclus » de l’émission. Il y a donc bien un enjeu d’exclusion. On voit mal comment cela se ferait sans victime.

Se vautrer dans les faits divers dégage une odeur fétide. Les reportages qui insistent sur les détails sordides, les journaux jaunes avec leur étalage de sang et de larmes, la fascination pour les épanchements douloureux ainsi que les autres formes de voyeurisme dirigé vers les malheurs d’autrui, tout cela me répugne.

Finalement, le conseil de mon vieux m’aura épargné temps et dignité.

Francis Lagacé

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