lundi 9 novembre 2020

Souvenirs canadiens

 

Laissons la parole à Francis

Souvenirs canadiens

27 octobre 2020

Il y a vingt-cinq ans aujourd'hui, c'était le vendredi 27 octobre 1995, le Canada organisait un love-in à l'intention des Québécois afin de les implorer de bien vouloir rester, leur jurant qu'il allait changer (ça fait penser à une pub qui court à la télé actuellement), et les suppliant de voter non au référendum qui aurait lieu le lundi suivant.

Profitons-en donc pour rappeler des éléments de petite histoire.

Cette opération organisée avec la complaisance du gouvernement fédéral était un véritable scandale puisqu'elle permettait à des entreprises de l'extérieur du Québec d'emmener des milliers de personnes à Montréal pour une manifestation politique orientée vers l'un des deux camps responsables de la campagne référendaire en contravention formelle de la loi référendaire québécoise.

Un de mes amis, qui vivait à Vancouver, s'était fait une blonde dans la région de Québec. Il profita de l'événement, car les compagnies aériennes payaient le billet aller-retour, pour amener toute sa famille assister à ses noces, aux frais de la princesse. Il me dépêcha une invitation dans laquelle il tenait à préciser que, puisque ses parents seraient là, je serais le bienvenu à condition que je ne parle pas de religion, de sexe ni de politique. Ma réponse fut que sa famille se passerait de moi et de mes sujets préférés. C'est drôle, on ne communique plus depuis.

Les employé·e·s de Sheftex, la compagnie où travaillait mon conjoint, furent gratifié·e·s d'un congé cet après-midi-là. On leur fourra un petit drapeau unifolié rouge dans la main et on les avertit que le congé n'était payé que pour les ceuses qui se rendraient à la manifestation, car on devait s'y regrouper. Nombre d'entreprises de la rue Chabanel usèrent du même stratagème.

Il s'est trouvé une Lise Bissonnette pour affirmer que j'exagérais et que j'avais probablement inventé l'histoire. Je répondis à cette dame qu'elle ferait mieux de moins fréquenter les cocktails et d'occuper ce temps pour sortir dans les rues et visiter les shops. Elle comprendrait mieux le monde. Mon sentiment à son égard n'a pas changé depuis.

Le soir, mon homme et moi nous étions donnés rendez-vous à la taverne du Cheval blanc. Elle était envahie de sympathiques Anglos au visage peint de feuilles d'érable. J'avais demandé à l'un d'eux : You love Québec, don't you ? You love French Canadians, don't you ? « Sure, I do. » Ce à quoi je répliquai, reprenant le refrain d'une chanson de Sting, refrain que je serinais dans toutes les listes de diffusion auxquelles j'étais abonné, If you love somedoby, set them free.

Le plus ironique et le plus cruel fut d'entendre la ministre Sheila Copps entonner fièrement lors d'un rassemblement partisan Un Canadien errant pour célébrer la victoire du non. Elle ne savait même pas que cette chanson a été composée par et pour les patriotes qui revendiquaient la République du Bas-Canada après leur exil en Australie, décidé par les autorités britanniques.

Puis le temps a passé, le Canada n'a pas tellement changé. Nombre de souverainistes d'alors sont devenus identitaires et aigris. Moi, je suis devenu un conteur parfois aigre, mais la plupart du temps attendri et encouragé par l'ouverture et la sensibilité de la jeunesse.

Francis Lagacé

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