jeudi 23 décembre 2021

Elle a prié Aline !

 

Parlons de cinéma avec Francis

Elle a prié Aline !

22 décembre 2021

La petite controverse qui a entouré la sortie du long métrage Aline au Québec a piqué ma curiosité. Je n’ai pas pu résister à l’envie d’aller voir par moi-même de quoi il en retourne. Ce film de, et avec, Valérie Lemercier n’est à l’évidence pas une biographie, encore moins un documentaire, mais bien une œuvre de fiction digne du conte de fée.

Ici, je préviens les personnes qui estiment que connaître beaucoup de détails sur un film avant de le visionner gâche le plaisir. Arrêtez de lire. Vous irez voir Aline quand les salles rouvriront ; c’est un très bon divertissement. Vous pourrez revenir à votre lecture par la suite.

Ce long métrage relève en fait du conte fabuleux, mais un conte à tendance hagiographique. L’utilisation du patronyme Dieu n’aura échappé à personne. Par espièglerie, on dira dans le film Bon Dion pour Bon Dieu et nom de dion pour nom de dieu.

L’humble fille qui deviendra l’une des plus grandes stars internationales est née comme Jésus dans un lieu des plus modestes entourée de pauvreté. Comme lui, elle connaît sa fuite en Égypte : son éclipse quand elle disparaît pour apprendre l’anglais et faire refaire ses dents. Son père est effacé, et sa mère protectrice ne refuse pas d’assumer les conséquences du destin surhumain de l’élue. Les frères et sœurs font office de figurants.

L’idole connaîtra sa retraite dans le désert quand elle doit s’abstenir de parler pendant trois mois et est donc totalement absente de la scène. Puis, après son triomphe, elle connaît sa passion et son calvaire avec le décès de son mari et imprésario. Elle séjourne même au tombeau, ou dans les Enfers si on veut, dans cette séquence où elle découche chez son maquilleur, puis erre dans la ville.

Finalement, elle ressuscite dans une lumière glorieuse pour cette scène finale où elle interprète la très paradoxale et grandiloquente chanson Ordinaire de Charlebois. On a ici le symbole exact de la contradiction inhérente au statut de mégastar assumé par une personne qui n’a jamais quitté son naturel simple (dans le bon sens du terme).

Comme dans les contes, les personnages n’ont pas une grande épaisseur psychologique. Ils sont des types ou ont une fonction liée à la progression du récit. Quelques vignettes symboliques servent à ancrer la déesse dans ses origines simples, par exemple quand elle avoue à son fils qu’elle n’est pas forte en orthographe.

Sa manie de ramasser les sachets de sucre n’est qu’un clin d’œil à cette volonté constante de se rappeler d’où elle vient. La pièce de cinq cents que lui a donné son père lui sert de talisman. Les mimiques qu’elle adopte montre qu’elle n’a pas quitté sa personnalité même si elle évolue dans un monde hyperdimensionné. La star reste toujours fidèle à son monde et demeure la « petite fille » de sa mère.

Quand elle doit sortir par la fenêtre parce que sa robe de mariée est trop ample pour passer par la porte, c’est le symbole du trajet qu’elle a parcouru depuis son enfance et de la stature plus grande que nature dont elle est désormais dotée.

Les écarts par rapport à la prononciation québécoise ont été adoptés avec entrain par les actrices et acteurs du Québec. Ainsi la scène où l’on parle du grand succès d’Aline au Vôtican est une liberté prise avec le nom réel de l’État pontifical servant de tapis pour la chute où Aline dans sa naïveté se demande : « Mais, c’est où ? »

À part une ou deux petites longueurs, par exemple dans la séquence où elle cherche à faire triompher son amour pour son imprésario ou dans celle qui suit le décès de son mari (oui, oui, c’est le même que son imprésario), le rythme est bon et on ne sent pas le temps passer. Pour un film qui dure deux heures, c’est signe d’un scénario bien construit et d’un montage efficace.

Avec cet hommage sincère, souvent émouvant, parfois espiègle rendu à une vedette pour laquelle elle a une évidente affection, Valérie Lemercier nous offre, comme je le disais d’entrée de jeu, un très bon divertissement.

Francis Lagacé

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