lundi 15 octobre 2012

Une pâle copie, maladroite de surcroît

Voici un autre excellent texte d'Alexandre Leduc
décrivant très bien la réalité dans notre
politique québécoise :


Une pâle copie, maladroite de surcroît

Publié le 10 octobre 2012 par Alexandre Leduc

Une pâle copie, maladroite de surcroît

Je dois l’admettre, j’ai été agréablement surpris par les décisions prises par le nouveau gouvernement lors de son premier conseil des ministres. Annulation de la hausse des frais de scolarité, abolition de la loi 12 (projet de loi 78), déclassement de Gentilly 2 et annulation de la taxe santé. Toutes ces mesures étaient des propositions de Québec solidaire depuis longtemps. Je suis de l’école de ceux et celles qui croient qu’il faut reconnaître les bons coups de ses adversaires lorsqu’ils en font.

À l’évidence même, ces mesures sont plus proches de Québec solidaire que de la CAQ. Je ne pense pas que cela témoigne d’un véritable virage à gauche mais bien d’une tentative de cristalliser le vote stratégique que le PQ a en partie réussi à conserver le 4 septembre dernier.

Si je suis capable de reconnaître les bons coups de mes adversaires, ceux-ci devront également reconnaître le rôle de Québec solidaire dans ces décisions. En effet, c’est beaucoup grâces aux interventions d’Amir Khadir en chambre et de Françoise David sur la scène publique que les positions progressistes ont regagné leurs lettres de noblesse dans le débat public des cinq dernières années.

Si personne n’avait défendu la gratuité scolaire, en quoi le gel apparaitrait-il comme un compromis aujourd’hui? Si personne n’avait réclamé la nationalisation des énergies alternatives, en quoi la fin du nucléaire apparaitrait-elle comme une avenue pertinente? En d’autres mots, l’existence de Québec solidaire a contribué à tirer le spectre politique vers la gauche, ce qui donne de la marge de manœuvre au gouvernement actuel pour prendre certaines décisions contraires aux intérêts de la droite et des puissants.

Par contre, j’ai été sidéré par l’amateurisme avec lequel le nouveau gouvernement gère la question fiscale. Bien sûr, il fallait expliquer rapidement avec quel nouvel argent il était possible d’abolir la taxe santé. Bien sûr, il fallait aller dans le sens d’un impôt plus progressif. Mais pourquoi diable avoir utilisé le concept de rétroactivité fiscale?

Comme le professeur Éric Pineault le disait récemment, pour donner de la crédibilité à une telle mesure, il aurait fallu publier des études au moins quelques semaines au préalable. Il rajoute : « Il est absolument étonnant de constater le degré d’improvisation dans ce dossier de la fiscalité. Le PQ s’amène avec une des réformes fiscales progressistes les plus importantes depuis une dizaine d’années et rien n’est prêt. Aucune stratégie, aucune étude, aucun relais chez les économistes ou instituts progressistes, l’isolement total. On peut bien en vouloir à Bachand, mais au moins quand il a voulu faire sa révolution culturelle de 2010, il nous a préparé à coup d’études, d’annonces, de consultations. Là, rien. Même pas d’économistes proches du parti qui montent au front pour défendre les mesures, non on laisse cela au gens associés à QS, qui comme moi ont été pris au dépourvu, pas le temps de faire la recherche nécessaire, pas le temps de produire les analyses, pas le temps de compiler les données, même si on savait elles étaient où.. ». Manifestement, quelqu’un dormait au gaz au nouveau gouvernement.

Nous apprenons finalement que la taxe santé ne sera pas abolie. Un recul incroyable, presque surréaliste dans les circonstances. Après avoir martelé cette promesse centrale durant la campagne, le PQ capitule après à peine quelques éditoriaux de Martineau et consorts. Faut-il s’attendre également à un recul sur l’annulation de la hausse des frais de scolarité? Sur Gentilly-2?

«Oui mais on est minoritaire!» diront mes amis péquistes. Drôle de réponse, sachant qu’aucun parti n’a les moyens ni l’autorité morale de défaire le présent gouvernement et de retomber en élection dans l’immédiat. De plus, s’ils écoutent comme moi la Commission Charbonneau, ils réaliseront que le PLQ n’est pas en mesure d’imposer quoique ce soit en ce moment. En réalité, le PQ a le gros bout de bâton mais ne semble pas en mesure de comprendre la dynamique du rapport de force actuel qui, ironiquement, lui est pourtant favorable.

Heureusement, nous avons deux députés solidaires pour veiller au grain. Comme ils ont plus facilement accès aux ministres que nous, ils pourront leur dire que si le PQ tient tant à piger dans notre programme, on leur recommande fortement de lire la section sur le pétrole d’Anticosti, sur Pharma-Québec et sur l’abolition des subventions publiques aux écoles privées. Une lecture plus approfondie de la partie sur le libre-échange pourra éclairer leur lanterne sur l’AECG, un autre dossier où le PQ a clignoté à gauche durant la campagne mais vire à droite une fois au pouvoir. Pour prolonger le plaisir, ils pourraient aussi lire la section sur l’indépendance et l’Assemblée constituante…

Face à une copie pâle et maladroite, le Québec aura l’option de voter pour l’original lors du prochain scrutin.

INFORMATION PRISE ICI


Le Cercle Grès de Tenebrum Draco

L'Alcôve deTenebrum-Draco

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