mercredi 2 décembre 2020

Je rêve d'un Noël solitaire

 

Parlons de Noël avec Francis

Je rêve d'un Noël solitaire 

19 novembre 2020

C'est en 1983 que j'ai commencé la coutume de ne jamais donner de cadeau à Noël et d'interdire qu'on m'en fasse. En effet, l'orgie consumériste de cette période m'a toujours parue financièrement monstrueuse en même temps que délétère pour la planète.

À l'époque, j'étais encore étudiant, on me pardonnait d'un sourire entendu. On s'étonna fort quand, dès l'année suivante, alors que je travaillais à temps plein, je réitérai mon commandement sans le changer d'un iota.

Je conseillai à mes proches de garder leurs sous pour se faire un beau cadeau à eux, ce que je ne manquais pas de me faire à moi-même. Cela évite les inutiles comparaisons, où pour bon nombre de personnes la valeur d'un présent se mesure malheureusement à son prix. Pour ma part, j'ai toujours préféré recevoir un seul œillet de Nice que je pouvais piquer à ma boutonnière plutôt qu'un immense bouquet. Cela évite aussi des dépenses faramineuses et assure que chacun est content sans avoir à se casser la tête pour une pratique dont le sens s'est perdu en même temps que les antiques rouleaux des caisses enregistreuses au tintement si caractéristique.

Certes, je fais des cadeaux à mon amoureux. Mais, dans ce cas, le fait que je lui en donne à Noël, à sa fête et à son anniversaire est une façon de me retenir de lui en faire tous les jours. D'ailleurs, je respecte assez rarement la date et offre l'étrenne en la devançant ou la retardant d'un intervalle pouvant varier d'une journée à plusieurs semaines.

Dans la famille de mon père, comme je l'expliquais dans le chapitre « Le temps de fêter » du livre L'Olivier et le Prunier, Noël était une fête religieuse, et on célébrait cette occasion dans la plus grande sobriété. C'est le jour de l'An qui était une fête familiale, et les cadeaux venaient du Petit Jésus, non du rubicond Santa Claus.

J'ai toujours aimé fêter Noël tout seul ou en couple. Il m'est arrivé assez souvent de célébrer le Solstice tout seul à Paris, dans ma chambre d'hôtel, puis de téléphoner à mon mari avant de me coucher, en général très tôt.

Quand le temps des Fêtes approche, je crains anxieusement la question qui tue : « Qu'est-ce que vous faites à Noël, cette année ? » Rien est ma réponse. Mais mes interlocutrices·interlocuteurs ne comprennent pas que c'est l'activité que nous avons choisie et croient plutôt que nous sommes désœuvrés et esseulés, d'où immédiatement une invitation à nous joindre à eux, qui oblige chaque fois à expliquer que ne rien faire est pour moi une fête. Quand on est seul par choix, on n'est pas esseulé, encore moins désœuvré, la solitude choisie étant un luxe alors que la solitude imposée est un calvaire.

C'est pourquoi cette année, avec la pandémie, l'occasion est rêvée : j'aurai un très bon prétexte pour rester tranquille à la maison.

Naturellement, j'ai beaucoup de peine pour les personnes qui aiment se réunir en cette occasion et qui ne pourront le faire cette année. Elles n'ont pas mérité d'être privées de réjouissances auxquelles elles aspirent avec ravissement pendant des semaines.

Espérons qu'une présence humaine, même si elle est limitée en nombre, saura leur apporter la chaleur dont elles ont besoin. Je leur souhaite de trouver quelque réconfort par les moyens de communication que, de mon côté, j'aurai pris soin de bloquer consciencieusement.

Francis Lagacé

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