lundi 21 octobre 2013

Drones : comment des milliers de personnes sont exécutées en dehors de tout cadre légal

Le drone l'arme des lâches.



Drones : comment des milliers de personnes sont exécutées en dehors de tout cadre légal

par Agnès Rousseaux 16 octobre 2013

Le drone est devenu l’arme de prédilection des États-Unis. Avec le drone, on ne combat plus l’ennemi, on pratique l’exécution de cibles présumées menaçantes. Finis les cercueils de soldats à rapatrier, et les guerres à devoir justifier. La guerre se transforme en chasse à l’homme, décidée dans des bureaux à huis-clos. Une traque en dehors de tout cadre légal ou contrôle démocratique. Pour Grégoire Chamayou, chercheur en philosophie au CNRS et auteur de Théorie du Drone, il y a urgence à penser cette métamorphose et ses impacts juridiques et éthiques. Avant que la France ne s’engage à son tour dans la « guerre des drones ».

Basta ! : Quelle est la place des drones militaires aujourd’hui ? Combien d’attaques de drone ont été menées ?

Grégoire Chamayou : Je me suis intéressé aux drones chasseurs-tueurs, comme Predator ou Reaper, utilisés par les États-Unis au Yémen, au Pakistan, en Somalie. Ces drones UCAV, « véhicule aérien de combat sans pilote », sont devenus l’emblème de la présidence Obama, dans la continuité de la « guerre contre le terrorisme » initiée par George W. Bush. C’est l’arme de prédilection pour la doctrine officieuse de la Maison Blanche : « Tuer plutôt que capturer ». Un drone, ça ne fait pas de prisonnier... Les chiffres sont difficiles à établir du fait de l’opacité et du manque de sources indépendantes. Le Bureau for investigative journalism à Londres recense environ 3000 morts rien que pour le Pakistan. Avec, en 2010 par exemple, une frappe de drone tous les quatre jours !

En quoi le drone vient-il transformer en profondeur l’art de la guerre ? Et bouleverse toutes les catégories, spatiales, éthiques, stratégiques ?

La guerre devient unilatérale, avec l’élimination de tout rapport de réciprocité. Le drone est l’instrument de la guerre asymétrique contemporaine. C’est une forme de violence télécommandée, à distance. L’instrument d’un pouvoir impérial, hybride, qui se définit par certains attributs du pouvoir militaire, mêlés à des attributs de police. C’est la prétention de s’arroger le droit d’exercer une police létale à l’échelle mondiale. Avec un modèle stratégique : celui de la « chasse à l’homme », terme que l’on retrouve dans les documents des stratèges américains, avec la rhétorique d’une « guerre cynégétique ». Nous ne sommes plus dans la guerre à la Clausewitz (théoricien militaire prussien du 19ème siècle), définie comme un duel entre deux lutteurs qui se font face ou une multitude de combats enchâssés les uns dans les autres. L’image mentale qui correspond à ce nouvel état de violence, à cette guerre-chasse que théorisent les stratèges américains, c’est la traque, la poursuite. Le problème principal est la détection de l’ennemi, réduit au statut de proie, dans un rapport de pur abattage, d’exécution. C’est une forme de violence sans combat. Nous sommes dans l’exécution extrajudiciaire.

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