mardi 26 novembre 2019

Mordre la main qui nous nourrit


Réfléchissons avec Francis Lagacé


Mordre la main qui nous nourrit 

26 novembre 2019

Je n'ai pas consulté de statistiques sur le sujet, mais j'ai l'impression d'après mon expérience que la formule est utilisée au moins aussi souvent de manière ironique, pour se dédouaner d'avance ou pour reprocher l'inaction, qu'au premier degré pour accuser. Enfin, si quelque analyste du discours s'est penché·e sur le sujet, je suis preneur de ses études.

Mais pourquoi parle-t-on de mordre la main qui nourrit ? Il faut d'abord que quelqu'un soit dans l'état où iel ne peut pas se nourrir soi-même, au sens propre ou au sens figuré. Il faut donc qu'une personne soit dans une situation de subordination ou de dépendance par rapport à une autre. Ce peut-être un tout jeune enfant, une personne très âgée et physiquement débile, une personne ayant des troubles moteurs ou encore une personne captive.

Pourquoi viendrait-il à l'idée d'une personne de s'attaquer à qui lui procure son aliment ? Peut-être parce qu'elle est insatisfaite de sa condition, de son traitement, de la nature de cet aliment. Et pourquoi donc la main qui nourrit continue-t-elle à nourrir si elle est l'objet d'assauts ? On peut conclure que la main qui nourrit a intérêt à continuer à nourrir, sinon le ou la bénéficiaire de ce geste ne s'en prendrait pas à elle. Agresser la main dispensatrice est peut-être dans certains cas le seul procédé susceptible de faire passer un message.

Par ailleurs, l'expression n'est-elle pas surtout employée pour se plaindre de l'ingratitude ? Mais la gratitude est un sentiment inapproprié et superflu lorsqu'il s'agit d'une situation qui a été imposée par ce même bras censément secourable. L'esclave n'a pas à être reconnaissant. L'ouvrière n'a pas à se sentir redevable. Les personnes faibles et malades méritent d'être traitées dignement sans qu'il soit besoin pour elles d'en faire des prières.

Alors, dans quels cas est-il juste de se plaindre de qui mord la main qui nourrit ? Dans les cas où la main nourricière n'a rien à se reprocher. Mais qui en décide ? Et selon quelles perspectives ?

Finalement, il est concevable que mordre la main qui nourrit puisse être un très sain comportement.

Francis Lagacé

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