samedi 11 février 2017

Chassés de leurs terres, des Palestiniens rêvent d'y revenir


À lire



Pour l'heure, leurs terres leur sont toujours inaccessibles. L'armée israélienne maintient la zone fermée aux civils. Impossible de dire exactement quand elle s'ouvrira.

Chassés de leurs terres, des Palestiniens rêvent d'y revenir 

vendredi 10 février 2017

Mariam Hamad se rappelle parfaitement le jour où les colons ont pris possession de son champ. C'était il y a 20 ans, et la Palestinienne de 83 ans n'a jamais pu remettre le pied sur ce qui est devenu la colonie d'Amona.
Début février, vingt ans après cette funeste fin d'été 1996, les autorités israéliennes ont démoli dans les cris et les heurts les dizaines de préfabriqués posés au fil du temps par les colons sur cette colline venteuse de Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.
Amona a été démolie parce que la Cour suprême israélienne l'avait déclarée construite sur des terres privées palestiniennes - dont celles de Mariam Hamad - et donc illégale au regard du droit israélien.
Le sort des 40 familles juives d'Amona a frappé les esprits israéliens.
Mais Amona laisse derrière elle une loi qui empêcherait une évacuation comme celle dont la colonie a fait l'objet. Le texte scandalise les Palestiniens et alarme la communauté internationale.
Dans le tumulte de l'évacuation et le tapage politique, les six propriétaires palestiniens des terres ont été largement oubliés.
Pour eux, la fin d'Amona devrait normalement sonner l'heure du retour sur des terres où Mariam Hamad et sa famille cultivaient autrefois, les tomates et les pastèques une année, le blé une autre.
Après vingt ans de bras de fer avec les tribunaux israéliens, Mariam Hamad et les autres sont partagés entre l'espoir et le doute de fouler un sol qu'ils ne connaissent pas sous le nom d'Amona, mais d'al-Mazarea, les fermes en arabe.
Pour l'heure, leurs terres leur sont toujours inaccessibles. L'armée israélienne maintient la zone fermée aux civils. Impossible de dire exactement quand elle s'ouvrira.
Dans sa maison de Silwad, sur une colline avoisinante, Mariam Hamad conserve précieusement ses outils agricoles et une gerbe d'épis de blé séché provenant de la dernière récolte inachevée de 1996.
"On travaillait dans le champ avec mon mari, quand les colons nous ont fait partir", raconte-t-elle. Son mari a tenté de résister, mais a été dépassé par leur nombre. Les colons lui ont dit "cette terre n'est pas à toi, elle est à nous", se souvient-elle.
Elle a tenté de revenir à deux reprises sur ses deux hectares et demi de terrain. La première fois, elle a été repoussée par les soldats israéliens qui protégeaient les lieux. La deuxième, elle a rebroussé chemin parce que, dit-elle, une femme qui apportait à manger à son mari aux champs s'était fait tuer devant ses yeux.
Ibrahim Yaqoub, 56 ans, un autre propriétaire, raconte que sa mère a été blessée par balles par des colons et sa tante tuée. "L'armée israélienne a enregistré une plainte contre X", dit-il.
De la création d'Amona à son démantèlement, 13 Palestiniens ont été tués aux abords de la colonie soit en tentant d'accéder à leurs terres, soit en prenant part à des manifestations, dit Abdel Rahmane Saleh, le maire de Silwad.
"Silwad a une superficie de 1.800 hectares", dit le maire, cartes à l'appui, dans son bureau. Mais 1.300 hectares sont interdits à la construction ou à la culture à cause de la zone militaire israélienne.
Mariam et les autres, soutenus par des ONG israéliennes et palestiniennes, ont donc rassemblé leurs actes de propriété, tous les papiers officiels qu'ils avaient et se sont tournés vers la justice israélienne. En 2014 enfin, la Cour suprême a ordonné que la terre soit restituée à ses propriétaires.
Depuis, Ibrahim Yaqoub attend le moment où il aura "l'autorisation de retourner" sur ses plus de trois hectares de terres que ses enfants n'ont jamais vus. "Ils n'ont aucun lien avec cette terre, ce sera l'occasion de renouer", veut-il croire.
Gilad Grossman, porte-parole de l'ONG Yesh Din qui a aidé les propriétaires, se veut raisonnablement confiant dans la perspective qu'Israël ouvre la zone militaire et que les Palestiniens recouvrent sous peu la jouissance de leurs terrains, après l'évacuation d'Amona.
"Nous espérons que cela arrive bientôt". Mais il évoque des précédents d'évacuations de colonie après lesquelles il avait fallu encore se battre des années devant les juges. L'armée peut très bien décider de maintenir la zone fermée. "Théoriquement, tout est possible", dit-il.
"Nous rentrerons sur nos terres", promet le maire de Silwad, "sans affrontements ni jets de pierres, mais par la force du droit et de tous les documents dont nous disposons". Une grande partie de la communauté internationale considère la colonisation comme un obstacle à la paix.


(10-02-2017 - avec les agences de presse)


Aucun commentaire: