mercredi 8 février 2017

Une grande orientation : une gouvernance provinciale mise au service de la classe entrepreuriale du Québec


EXCELLENT TEXTE À LIRE

Bernard Rioux remet les pendules péquistes à l'heure



Critique de la "Proposition principale" présentée au XVIIe congrès national du Parti Québécois

Une grande orientation : une gouvernance provinciale mise au service de la classe entrepreuriale du Québec 



mardi 7 février 2017, par Bernard Rioux

Analyser la Proposition principale, Le chemin des victoires présentée au XVII congrès du Parti Québécois n’est-il pas un travail un peu vain ? Le Parti Québécois n’a -t-il pas fait la démonstration que toutes les fois qu’il forme le gouvernement, il se hâte d’oublier les propositions allant dans le sens d’avancées pour les classes populaires et qu’il s’empresse de répondre positivement aux pressions de la classe dominante ? Pourtant, les revendications et orientations phares d’un congrès nous en dit long sur la stratégie de prise de pouvoir et sur la façon dont la direction péquiste du moment envisage la construction d’un bloc social derrière le Parti Québécois. C’est là l’explication de la réputation du Parti Québécois de clignoter à gauche dans l’opposition et de virer à droite une fois au pouvoir.

Essentiellement, il faut savoir distinguer clairement le discours du Parti Québécois dans l’opposition (et particulièrement en campagne électorale) de la pratique d’un gouvernement péquiste qui cherche rapidement à s’assurer du soutien des milieux qui monopolisent les pouvoirs économiques et idéologiques dans la société québécoise. Le premier discours sert à utiliser les classes populaires, les mouvements sociaux et les aspirations nationales comme une marche pied vers le pouvoir alors que la pratique gouvernementale est d’abord marquée par la recherche de respectabilité et de crédibilité auprès de l’oligarchie régnante qui continue de posséder l’essentiel des pouvoirs dans la société québécoise.

1. En marche vers le pays du Québec… un jour peut être

Le report de la tenue d’un référendum sur la souveraineté en 2022 est la condition du retour sur le chemin des victoires. Voilà la position essentielle de la Proposition principale [1]. Voilà la leçon tirée par Jean-François Lisée de l’incapacité de Pauline Marois à répondre à la campagne de peur contre la tenue d’un référendum sur la souveraineté du Parti libéral du Québec aux dernières élections. Dans un premier mandat, de 2018 à 2022, la Proposition principale écarte complètement cette possibilité. Ce n’est qu’en 2022, qu’un éventuel gouvernement péquiste demandera aux « Québécoises et aux Québécois de lui confier le mandat de réaliser l’indépendance. » [2]. La proposition principale affirme que le Parti Québécois est résolu à ne pas faire de la souveraineté un enjeu des prochaines élections. Il espère que cette posture désarmera les fédéralistes. Pourtant, la Proposition principale reconnaît que « L’État fédéral peut nous imposer ses choix, par exemple, des guerres sans notre consentement, une politique économique favorisant les pollueurs, un oléoduc dangereux sur notre territoire, une politique linguistique nuisant à la langue française et plus de répression que de réhabilitation » [3]… Malgré tout cela, un gouvernement provincial péquiste, prétend la Proposition principale, aura le pouvoir « de restaurer les ressorts essentiels de la nation », de donner un « élan économique innovateur » au Québec et de « rétablir la qualité des services publics » EIle accepte de rabattre ses ambitions dans un cadre provincial et s’engage même à de donner au Québec une constitution provinciale, qui écarterait toute perspective de souveraineté et serait concoctée par une commission parlementaire élargie. Elle viserait à rénover la pratique parlementaire et à instaurer un mode de scrutin proportionnel mixte et régional.
### La Proposition principale promet de progresser vers une plus grande laïcité. Essentiellement, elle vise à imposer aux employé-e-s de l’État de donner des services à visage découvert et rappelle des interdictions des vêtements exprimant des convictions religieuses… . Les personnes visées sont celles ayant un pouvoir de contrainte, les enseignantes et enseignants des niveaux préscolaire, primaire et secondaire et personnes oeuvrant dans les garderies. [4] On affirme que les personnes en poste ont des droits acquis écartant les possibilités de licenciements pour ces motifs. Ces propositions constituent une réaffirmation des normes culturelles de la majorité au Québec. Elle est un appel à la conformité au nom de la défense de la continuité historique de cette majorité et de ses valeurs. La société québécoise est définie comme une communauté politique homogène à laquelle toutes les autres minorités culturelles doivent se rallier. C’est la théorie du cheminement vers le tronc commun ou la convergence culturelle. Elles sont de la même eau que la Charte des valeurs. Elles cherchent à utiliser l’anxiété face au pluralisme de la société québécoise pour s’attirer des votes. Ces propositions risquent de relancer le même type de débats et semer les mêmes divisions que celles soulevées par la Charte des valeurs. La Proposition principale est la démonstration de la même incompréhension de ce que serait un Québec inclusif et une réelle laïcité.

2. Construire un pays prospère en soutenant le Québec entrepreneurial de toutes les forces d’un gouvernement péquiste

La Proposition principale reconnaît le pouvoir de l’État fédéral en matière économique : « L’État fédéral détient le pouvoir sur le commerce international, les banques, la navigation, les chemins de fer et la monnaie. Il s’est aussi arrogé le pouvoir sur l’aéronautique, les télécommunications, les pipelines et l’énergie atomique.. Il entend faire de même pour le contrôle des services financiers et des valeurs mobilières. Or le Québec a besoin de tous ces leviers pour assurer sa prospérité économique. » [5], Mais c’est pour affirmer aussitôt qu’un gouvernement péquiste va inscrire son action dans le cadre de ces moyens limités. Elle prétend qu’un gouvernement péquiste sera capable, malgré ce contexte de domination, de rendre le Québec libre de ces choix tout en écartant la lutte pour la souveraineté du coeur des débats.

Le coeur du projet péquiste-liséen se précise. Il ne s’articule pas autour d’une volonté de libération nationale. Il s’agit de compter sur l’intervention de l’État québécois pour favoriser la valorisation de l’entrepreneuriat québécois. Soutien gouvernemental à l’investissement, protection des sièges sociaux, allègement des obstacles bureaucratiques et réglementaires, le gouvernement péquiste veut élargir la base entrepreneuriale qui va fournir au Québec les leaders économiques de demain. La prospérité proposée est celle des entreprises capitalistes. L’État du Québec doit également fonder ce projet économique sur une politique de concertation sociale s’appuyant sur des mesures d’intéressement des travailleurs et des travailleuses à la réussite de leurs entreprises. Les sociétés d’État, elles, seront appelées à appuyer la croissance des PME. En somme, il s’agit de favoriser une intervention croissante de l‘État au sein du procès de reproduction élargie du capital permettant de développer la classe des cadres du secteur public dans laquelle recrutent les élites péquistes. Le projet ne s’inscrit pas dans une logique d’émancipation sociale de la majorité populaire, mais dans celle d’une consolidation de la classe entrepreneuriale.et son ouverture sur le marché international. [6]

La Proposition principale parle bien d’assurer la justice fiscale et d’éliminer des abris fiscaux, mais on recherchait en vain des mesures visant la taxation des banques, des entreprises et des patrimoines. La transition énergétique s’inspire des mêmes principes. Elle passerait par la dynamisation de l’entrepreneuriat circulaire dans toutes les régions et le développement d’une culture entrepreneuriale basée sur le développement durable. Car l’important serait d’assurer la représentation des entrepreneurs dans l’économie circulaire. [7] Tout cela en écartant, sans l’expliquer, la nécessaire propriété sociale des ressources naturelles ou des entreprises d’énergies renouvelables pour pouvoir donner à la majorité populaire un quelconque pouvoir de décision sur les formes et les rythmes que devra prendre la transition énergétique. La transition numérique est de la même eau. Elle sera elle aussi centrée sur le soutien gouvernemental aux entreprises.

3. Redonner le pouvoir… aux entrepreneurs des régions

Déconcentrer et décentraliser, faire de toutes les régions du Québec des régions entrepreneuriales, aménager durablement le territoire, réaffirmer les rôles de Montréal et Québec, revoir le fonctionnement de la Société du plan Nord, mettre les ressources minières au profit de la prospérité durable des régions, améliorer la gestion des régions et reconnaître ce que se fait déjà, voilà des propositions qui semblent généreuses, mais qui relèvent d’une rationalité instrumentale débouchant sur des programmes-cadres et des politiques nationales. Mais, elles font l’impasse sur les intérêts qui sont en jeu et sur les luttes politiques qu’elles nécessitent. Les propositions sur le Nord québécois sont exemplaires de l’orientation proposée. Il n’y a aucune volonté de donner aux communautés locales les moyens de prendre en main le devenir de leur territoire ce qui passerait par la socialisation des grandes entreprises minières et forestières. Alors, comment pouvoir agir sur les conditions de vie collective si on ne remet pas en question des stratégies d’accumulation des multinationales centrées sur l’exportation des matières premières qui restera dépendante des aléas de la conjoncture internationale. Seule une reconnexion des différentes régions par une politique économique (industrielle, commerciale et des services) intégrée au niveau du Québec pourrait permettre un réel développement des régions. Cela veut dire une série de réorientations des choix économiques : une stratégie de transformation des ressources naturelles, une agriculture tournée non vers l’exportation, mais développée en réponse aux besoins alimentaires des communautés, le développement des industries régionales orientées vers la transition énergétique. La Proposition principale parle bien de mettre les ressources minières au profit d’une prospérité durable, mais elle ne donne pas les conditions de la réalisation de cette réappropriation véritable du territoire. C’est ce refus de poser les conditions économiques et politiques de la réalisation de ces propositions qui préparent les reculs gouvernementaux de demain.

En fait, pour la classe d’affaires du Québec, il n’est désormais plus question de se laisser guider par une orientation de développement autocentrée de l’économie québécoise et de ses régions. Le changement de paradigme énergétique en faveur des énergies renouvelables doit pour la classe des entrepreneurs laisser également sa place au développement des énergies fossiles y compris au transport du pétrole tiré des sables bitumineux. Les déclarations de l’ensemble des organisations patronales (en juin 2016) de soutien aux politiques du gouvernement Couillard sont exemplaires à cet égard. Leur enthousiasme pour le Plan Nord et leur soutien sans faille aux accords de libre échange montrent que la dite classe entrepreneuriale au Québec ne cherche qu’à faire sa place dans le cadre de la mondialisation tout en instrumentant les gouvernements fédéral et québécois pour cet objectif. [8] C’est là la base matérielle du caractère d’utopie régressive du projet péquiste dans la période actuelle. Vouloir « faire de toutes les régions du Québec des régions entrepreneuriales » [9] va directement à l’encontre de redonner le pouvoir à la majorité populaire dans ces différentes régions. La politique de la direction péquiste se heurtera aux intérêts défendus par la classe qu’elle prétend vouloir servir et développer.

 

4. Le Québec : esquiver le caractère pluraliste de la société québécoise

La Proposition principale suggère une série de mesure pour consolider le statut de la langue française comme langue de travail, des affaires, de l’enseignement et de l’administration publique. Faute de lutte pour la souveraineté, un prochain gouvernement péquiste fera de la souveraineté culturelle un axe essentiel de son action en soutenant vigoureusement l’industrie culturelle et ses entreprises oeuvrant en ce domaine.

Le problème est bien ici la perspective de la concordance culturelle. Cette notion suggérée par Jean-François Lisée cherche à remplacer le concept d’interculturalisme qui omet selon la Proposition principale l’existence d’un tronc commun québécois issu d’un récit historique singulier à la nation francophone en Amérique du Nord. La nation québécoise n’est pas d’abord marquée par un pluralisme national et ethnique bien que le document reconnaît des groupes culturels historiquement constitués aux parcours singuliers comme la minorité anglophone et les peuples autochtones. Il reste que le texte de la Proposition principale ne rompt pas réellement avec une logique assimilationniste.

Les « Québécois d’adoption », eux, sont appelés à cheminer vers ce tronc commun pour former une collectivité inclusive. Ce cheminement implique qu’ils sont appelés à partager des valeurs propres à la société québécoise : l’égalité entre femmes et hommes, la protection des enfants, la solidarité et la concertation, le soutien à un État laïque, le progrès social et économique et son engagement pour la démocratie... Tout ce discours sur les valeurs est un déni de la réalité. Le patriarcat au Québec ne se retrouve pas seulement chez les « Québécois d’adoption ». Le soutien à l’État laïque est pour le moins problématique, contradictoire et mal défini. Le supposé progrès social et économique n’empêche pas le développement des inégalités et l’accaparement d’une grande partie du patrimoine par une minorité possédante. Et la « démocratie québécoise » traverse une crise profonde… Ce n’est que par les luttes communes contre les discriminations et l’égalité que se construira une nouvelle identité nationale québécoise faisant sa place à toutes les composantes de la société québécoise.

Toute la démarche sur l’immigration en fait une immigration économique choisie et bien contrôlée avec la fixation du nombre et de seuils d’investissements optimaux avec jumelage préalable des candidat-e-s et des employeurs intéressés... La « Proposition principale » défend la sélection méthodique des bons immigré-e-s, particulièrement des travailleurs qualifiés et réduit l’immigration à un marché et l’immigrant-e à un capital humain pour la société d’accueil. Il y a bien sûr de bonnes propositions visant à assurer le succès des Québécois d’adoption. Mais l’approche relève d’une logique de la réussite individuelle et non de la définition du cadre pluriel de la nation et de la définition du Québec comme une terre d’accueil.

5. Faire du Québec, une social-démocratie d’avant-garde ou savoir clignoter à gauche pour mieux préparer de nouveaux coups fourrés

L’éducation doit être une priorité, mais la Proposition principale se limite à proposer de tendre vers la gratuité. En éducation, on donne la priorité à la réussite éducative, on renforce la formation des maîtres, on veut lancer une grande corvée pour faire reculer l’analphabétisme… Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, on affirme la légitimité de la gratuité scolaire et on parle de tendre à la rendre effective. Dans le secteur de la santé, on veut éviter également toute grande réforme de structure, faire de la prévention et la promotion de saines habitudes de vie des pierres angulaires de la stratégie en santé et geler l’enveloppe de rémunération des médecins. Le texte propose d’évaluer la pertinence de créer une société d’État nommé Pharma-Québec et, évaluer la pertinence d’implanter un régime universel de médicaments. La Proposition principale propose de promouvoir les échanges entre les générations, de redonner accès au système de justice, de favoriser la parité hommes/femmes au conseil des ministres et la participation des femmes à la vie politique scolaire, municipale et nationale et d’œuvrer au renforcement du réseau des CPE. Un axe important de la proposition est l’action contre les inégalités : lutte contre le surendettement, soutien aux organismes d’action communautaires, gel des revenus des médecins, limitation de la rémunération des hauts salariés et l’augmentation du salaire minimum à 15$... d’ici octobre 2022.

Alors que dans le programme du XVIe congrès en 2011, il n’y avait plus rien pour le mouvement syndical la Proposition principale du XVIIe congrès reconnaît maintenant l’importance du mouvement ouvrier dans la redistribution de la richesse, promet d’élargir la loi sur les briseurs de grève, favorise l’accès à la syndicalisation et les négociations regroupées, veut moderniser la loi santé et sécurité au travail et permettre la participation des employé-e-s aux bénéfices des entreprises. [10]

Pourtant, nombre d’oublis et de formulations sont révélateurs de glissements prévisibles. La Proposition principale réussit à parler de réussite éducative sans remettre en question la progression des écoles privées à vocation religieuse au détriment des écoles publiques et ne propose pas l’arrêt du financement public de ces écoles. Elle prétend défendre le système de santé public, mais sans s’engager à mettre rapidement un terme au processus de privatisation qui mine le système de santé. Elle se contente d’évaluer la pertinence de Pharma-Québec ou d’un régime universel d’assurance-médicaments. Elle promet la défense des énergies renouvelables et la transition énergétique vers les énergies propres en laissant aux entreprises privées l’initiative et en refusant d’identifier les travaux publics qui seuls pourraient assurer la réalisation d’une telle transition. Elle promet d’agir contre les inégalités, mais en repoussant la hausse du salaire minimum à 15$ de l’heure en 2022. Elle promet d’agir contre les paradis fiscaux tout en ne proposant aucune réforme fiscale radicale qui permettrait une réelle redistribution de la richesse. Plus, la Proposition principale affirme qu’il faudra maintenir les impôts au niveau ou ils se trouvent, sans les hausser, mais sans les baisser non plus. » [11]

Partout, la social-démocratie a abandonné ses visées transformatrices, car la classe des cadres des institutions ou des sociétés publiques ou du secteur privé joue le rôle d’agent dominé de la domination du capital. Dans ce contexte du néolibéralisme qui correspond à une offensive du capital pour s’attaquer aux acquis de la majorité populaire, la classe des cadres et les partis sociaux-démocrates à leur service se sont faits les porteurs de cette offensive. Au Québec, on a parlé de virage à droite des élites nationalistes qui se sont alors faites défenseurs du libre échange, de la déréglementation et du déficit zéro. Pour souder les classes ouvrières et populaires dans un bloc derrière leur projet, un parti comme le Parti québécois cherchent à faire croire qu’il défend des revendications répondant aux aspirations populaires. Mais comme l’ont démontré, les différents passages du Parti Québécois au pouvoir durant cette période néolibérale, les gouvernements péquistes sont incapables de résister aux exigences de la classe capitaliste qui détient le pouvoir économique et de la technostructure étatique qui partage ses orientations néolibérales. Ces pressions des affairistes et ses institutions construites pour répondre à leurs besoins renormalisent ces politicien-ne-s et cela s’est fait avec le gouvernement Marois dans la première année de son mandat !

6. Les entreprises au centre de la protection du territoire québécois

Favoriser la mise en place de partenariats avec la société civile pour la réalisation des objectifs environnementaux, moderniser la gestion et la protection de l’eau, restaurer un environnement de qualité et prévenir la pollution. Voilà une série de belles intentions que présente la Proposition principale. Si on ajoute les propositions « cherchant à rétablir la confiance envers les projets énergétiques et en assurer l’acceptabilité sociale » comme l’interdiction de tout projet de transport de pétrole produit ou raffiné hors Québec ou l’interdiction de l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent [12], on comprend la force des pressions exercées par le mouvement environnemental et par ses luttes.

Mais la Proposition principale ne dit pas un mot sur les fondements de la détérioration de l’environnement lié au modèle productiviste capitaliste de production qui a provoqué la crise climatique.

Si la réalisation d’une transition énergétique du Québec est définie comme un objectif stratégique, celle-ci pour la Proposition principale relèverait essentiellement d’une rationalisation technique du développement économique dans le cadre d’un capitalisme vert grâce à l’accompagnement soutenu de l’État. La transition énergétique est d’abord présenté comme le fruit de choix techniques : diminution de la consommation d’hydrocarbures, conversion accélérée des industries dépendant du mazout lourd vers l’énergie thermique, mise en place d’un réseau de ressources techniques en énergie… [13] La dimension politique qui définit les nécessaires affrontements avec les acteurs économiques défendant des stratégies productivistes et des intérêts porteurs de telles stratégies, n’est jamais tirée au clair.

Pourtant un plan de transition énergétique nécessitera la mise en place de sociétés d’État pour coordonner les activités de secteurs industriels socialisés afin de décider démocratiquement de la réarticulation de différents secteurs de l’économie afin de favoriser l’utilisation des ressources d’ici dans des productions industrielles favorisant la transition énergétique, la sortie du pétrole et la création massive d’emplois. Un tel plan implique une rupture radicale avec la logique d’une économie extractiviste contrôlée par les capitaux étrangers. Un tel plan implique également la socialisation des banques afin de pouvoir orienter les ressources financières vers une stratégie de soutien à ce tournant écologique. Si le gouvernement et le pouvoir économique restent dans les mains de l’oligarchie régnante, c’est un tout autre plan qui sera mis en œuvre. Et ce dernier nous enfoncera dans le réchauffement climatique, l’utilisation des énergies fossiles, les pertes d’emplois, la précarité et la détérioration des conditions de vie pour la majorité des travailleuses et travailleurs. Sans parler, que l’indépendance du Québec nous permettrait de disposer des pouvoirs qui nous permettraient de réaliser les impératifs d’une transition énergétique véritable.

7. En politique internationale, viser le déploiement des PME québécoises à l’étranger et la défense de l’exception culturelle du Québec.

Sur la scène internationale, la priorité est d’étendre et de consolider l’action internationale du Québec autour d’un déploiement des PME québécoises à l’étranger et de la défense de l’exception culturelle du Québec. En fait, le capital québécois est encore une fois placé au poste de commande. Ainsi, malgré une rhétorique sur le nationalisme économique, il ne s’agit pas réellement de remettre en question les plans néolibéraux des multinationales, mais d’assurer que les accords commerciaux qui lient le Québec à la suite d’une adhésion du Canada soient conformes à nos intérêts. On ne remet donc pas en question les traités de libre-échange. Le plus loin que la Proposition principale ose aller c’est de s’opposer à la disposition permettant aux multinationales de poursuivre les États. Une proposition nécessaire, mais tout à fait insuffisante face aux dangers que représentent les accords du libre-échange.

La Proposition principale ne propose rien d’autre que de se conformer aux desiderata de la communauté internationale, aujourd’hui dominée par les grandes puissances impérialistes. Pour les rassurer, un éventuel Québec indépendant demanderait la participation aux alliances militaires des grandes puissances : l’OTAN et NORAD. Et pour répondre aux exigences des alliances militaires dont le Québec ferait partie, il se doterait d’une défense nationale.

On est loin d’une politique favorisant une culture de paix et la participation à des institutions pacifistes et de la nécessaire sortie de l’OTAN et de NORAD que l’on retrouvait dans le programme du Parti Québécois de 1970. [14] On est loin de la reconnaissance de la crise profonde du capitalisme international, de la dénonciation de la concentration des richesses dans les mains de l’oligarchie et du développement des inégalités. On n’est aucunement dans la logique de la dénonciation de la multiplication des guerres qui détruisent les pays provoquant des migrations de personnes luttant pour leur survie. Voilà une Proposition principale qui révèle à quel point les perspectives n’ont rien à voir avec les politiques que met de l’avant un parti altermondialiste véritable.

Conclusion

Avec cette proposition principale, le Parti Québécois cherche à faire croire qu’il ne fait que repousser à une prochaine échéance la souveraineté. Essentiellement, cette  Proposition principale » trace la voie proposée par un futur gouvernement péquiste aux milieux qui monopolisent les pouvoirs économiques, politiques et idéologiques dans la société québécoise. Essentiellement, cette Proposition principale combine un discours visant à utiliser les aspirations des classes populaires, des mouvements sociaux et du peuple québécois afin d’utiliser ces aspirations comme d’un marche pied vers le pouvoir et un discours qui trace la voie de la pratique gouvernementale qui sera d’abord marquée par la volonté d’accompagnement des affairistes et par la recherche de respectabilité et de crédibilité auprès de l’oligarchie régnante qui continue de posséder l’essentiel des pouvoirs dans la société québécoise, pouvoirs qui ne sont jamais sérieusement remis en question par le projet stratégique du Parti québécois. Une véritable émancipation sociale et nationale ne passera pas par les politiques mises de l’avant par ce parti. Quel gouvernement nationalisera les banques, les industries clés, réduira la semaine de travail à 32 heures sans baisse de salaire et prendra les mesures nécessaires pour une véritable transition énergétique ? Certainement pas un gouvernement qui se définit comme un accompagnateur de la classe entrepreneuriale.
 
Notes

[1] « La tâche fondamentale du Parti Québécois est de faire du Québec un pays, Sa tâche immédiate est de restaurer les ressorts essentiels de la nation, mis à mal par près de 15 ans de régime libéral. Proposition principale, p.6 »

[2] Proposition principale, p.5

[3] Proposition principale, p.5

[4] Proposition principale, p. 9

[5] Proposition principale, page 13

[6] « Bonifier les budgets d’aide à l’exportation pour répondre à toutes les demandes valides des PME ; entraîner davantage d’entreprises à exporter en exemptant d’impôt par palier, l’augmentation de l’exportation…, Proposition principale, p. 15

[7] L’économie circulaire, est « un nouveau modèle économique visant à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources (matières, énergie, eau) qui circulent déjà dans le marché, Proposition principale, pages 21-22

[8] Voir à ce sujet, François L’Italien, Du Québec inc. au Québec capital, L’Action nationale, printemps 2015

[9] Proposition principale, page 29

[10] Proposition principale, pp 49-61

[11] Proposition principale, p.49

[12] Proposition principale, page 57

[13] Proposition principale, p.57

[14] Parti Québécois, La solution, 1970, p. 117


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