jeudi 19 juillet 2012

Tous les médias, tous les journalistes sont idéologiques


Voici un article de Francis que j'ai retrouvé pour vous :

Parlons des médias avec Francis Lagacé


Tous les médias, tous les journalistes sont idéologiques 16 avril 2012

Je me rappelle Lise Bissonnette s'écriant au début des années 90 que les idéologies étaient disparues et qu'on ne les regretterait pas. Sans doute avait-elle adhéré à la thèse de la Fin de l'histoire de Fukuyama et croyait-elle que le capitalisme triomphant n'était pas une idéologie. Or, nous entrions au contraire dans l'ère de l'idéologie omniprésente.

Il convient de rappeler ce qu'écrivait Althusser en 1970 dans son article «Idéologie et appareils idéologiques d'État (Notes pour une recherche)», paru dans la revue La Pensée numéro 151 à la page 32:

«C'est un des effets de l'idéologie que la dénégation pratique du caractère idéologique de l'idéologie, par l'idéologie: l'idéologie ne dit jamais "je suis idéologique".»

Quand les présentateurs se permettent des commentaires, quand les reporters orientent leur discours, tous pratiquent l'idéologie. Les médias ont leur propre choix politique et laissent plus ou moins de liberté à leurs employés, souvent beaucoup moins qu'il n'y paraît.

Un bref séjour parisien m'a fourni des exemples d'Outre-Atlantique pour parler de ce problème présent partout. On se retrouve en terrain connu quand on entend les journalistes et les présentateurs minimiser systématiquement les foules qui appuient les options de gauche ou encore répéter de la même façon sur toutes les chaînes radio ou télé: «Mélenchon attaque toujours les mêmes cibles, soit les riches et les grandes entreprises», comme si les partisans de l'austérité ne radotaient pas toujours les mêmes âneries à propos de la dette. Mais, ça, aucun grand média, aucun journaliste ne le rappelle.

Il était assez affligeant d'entendre une intervieweuse qui interrogeait le candidat Nicolas Sarkozy à France Info pour un entretien de 10 minutes bien comptées, car chaque candidat aura droit de par la loi à exactement ces 10 minutes d'interview, d'entendre donc cette journaliste prendre deux bonnes minutes pour s'attarder complaisamment avec le président à rabâcher un fait divers dans lequel un policier a été tué par un cambrioleur qui a foncé sur lui avec sa voiture. Et le président et la gentille animatrice ont ensemble dénoncé le «malfrat». Voilà une façon de plaider pour la rigide politique sécuritaire du président, qui était pourtant là à titre de candidat.

Petit détour anecdotique:

Puisqu'on parle de la politique et des pratiques sécuritaires, le mercredi 11 avril, j'étais assis dans une petite place, là où la rue Bréa vient rejoindre la rue Vavin pour y manger un bout de pain en attendant d'aller au cinéma. Devant moi, était assis sur un banc, les pieds sur le siège, les fesses sur le dossier, un jeune Maghrébin qui mangeait son sandwich.

Arrivent trois policiers à vélo, qui interrogent le jeune, le fouillent systématiquement, vident toutes ses poches, inspectent tous ses papiers, son passeport, font de très nombreux appels pour vérifier toutes sortes d'information. Un grand déploiement fortement humiliant pour un jeune qui, visiblement, n'était pas armé ni en train de commettre un délit grave.

Pendant ce temps une bande de jeunes filles de bon genre se précipitent sur mon banc en piaillant. Rien que de normal, à cet âge, les filles piaillent et les garçons grognent, on est tous passés par là, et certaines montent les deux pieds sur le banc, mais les policiers ne les voient ni ne les entendent, et on ne saurait les en blâmer, mais pourquoi ont-ils si bien vu le jeune Maghrébin?

Fin de l'anecdote du beau pays sécuritaire, qui n'est pas sans nous rappeler un certain grand pays de plus en plus conservateur dans sa gouvernance en tout cas.

Un film intitulé Les nouveaux chiens de garde  joue dans les salles parisiennes actuellement. Inspiré par l'œuvre de Paul Nizan, il montre comment les grands groupes médiatiques et les hommes politiques sont de la même classe et partagent les mêmes intérêts. Plusieurs d'ailleurs se fréquentent sans gêne au restaurant le Siècle où se rencontre tous les derniers mercredis du mois le gratin des hommes de pouvoir, et de quelques femmes.

«Curieusement», ce film n'est précédé d'absolument aucune publicité.

Comme le dit Henri Maler, fondateur d'Acrimed (allez voir ce site acrimed.org http://www.acrimed.org/), il convient de «rendre sensible la nécessité, voire l’urgence de transformations en profondeur et d’une appropriation démocratique des médias et, dans ce but, faire ou refaire de la question des médias la question démocratique et donc politique qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.»

En attendant, il y a les médias et les journalistes qui sont idéologiques et ne le savent pas, ceux-là illustrent très bien la double ignorance dont parlait Socrate: «Ils ne savent pas qu'ils ne savent pas.» Ce qui ne les empêche pas de servir des maîtres qui nous sont adverses.

Il y a ceux qui sont idéologiques et qui ne le disent pas, ce sont les hypocrites qui manipulent sciemment l'information et ils sont loin d'être si rares.

Et, finalement, il y a ceux qui sont idéologiques et qui le savent, et il importe de savoir le camp qu'ils ont choisi: celui du peuple ou celui des exploiteurs.

Inutile de dire que je n'ai envoyé ce texte à aucun média.

LAGACÉ Francis




Le Cercle Grès de Tenebrum Draco

L'Alcôve deTenebrum-Draco

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