dimanche 19 novembre 2017

Le mythe de l’émancipation des femmes israéliennes


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(Réservé aux hommes. Entrée strictement interdite aux femmes)

Le mythe de l’émancipation des femmes israéliennes 

12 novembre 2017

La mythologie d’un sionisme égalitaire et moderne, réservant une place de choix aux femmes, depuis les kibboutz jusqu’à l’armée « la plus morale du monde », où les femmes seraient respectées, en prend un coup dans le reportage de Laura Raim* publié par le Monde Diplomatique.

Les Israélennes interrogées par ’lenvoyée spéciale du mensuel français, montre que derrière la propagande et une certaine vitrine législative, la plupart des femmes, —et pas seulement les Palestiniennes ou les Ethiopiennes, mais l’ensemble des Israéliennes juives, sont loin de goûter à l’égalité avec les hommes.

Déjà dans les kibboutz, lors de la création de l’Etat d’Israël, les fameuses « pionnières étaient plus souvent employées dans les cuisines, les garderies et les buanderies collectives que dans les champs et les usines », relève la chercheuse Sarai Aharoni du centre féministe de Haïfa.

Celle-ci rappelle au passage que pour les « Pères fondateurs » comme pour Théodore Herzl, la femme était avant tout chargée du "travail reproductif sur le front domestique » et le nouveau Juif se devait d’être musclé et viril, et non « timoré » comme « les créatures du ghetto ».

Et "ne pas mettre au monde au moins 4 enfants revenait à trahir la mission juive » selon les paroles de David Ben Gourion.

« Les valeurs hiérarchiques et autoritaires de l’armée infusèrent dans tous les pôles de pouvoir », au point que y compris les officiers de réserve initiateurs du principal mouvement pacifiste, « La Paix Maintenant », interdirent que leur pétition soit signée par des femmes, fait remarquer Hannah Safran, membre des Femmes en Noir qui manifestent tous les vendredi contre l’occupation des territoires palestiniens.

Dans la société israélienne l’écart de salaires entre hommes et femmes est de 22 %.

« Et tandis que l’Etat dépense sans compter pour l’armée, la colonisation et le mur de l’annexion, il refuse de créer des garderies (seuls 20% des enfants de moins de 3 ans ont accès à une garderie publique et subventionnée), réduit les allocations familiales, notamment pour les mères célibataires, dont 81 % vivent sous le seuil de pauvreté.

Une famille israélienne sur 5 vit en-dessous du seuil de pauvreté, et les plus touchées sont les Juives originaires des pays arabes, les "Mizahim","qui constituent la moitié de la population juive israélienne et continuent à souffrir du racisme de l’élite ashkénaze", indique Henriette Dahan-Kalev de l’université de Beersheba.


A l’armée, leur sort n’est guère plus enviable : le harcèlement sexuel est fréquent mais quasiment jamais puni pénalement. Il ne faut pas affecter le moral des guerriers...

Dernier scandale en date, rapporte Laura Raim, le brigadier général Ofek Buchris, accusé de viol par deux soldates en 2016, a seulement été dégradé au rang de colonel. « Prenant sa défense, le général de division Gershon Hacohen a même osé invoquer la Bible, et comparer Buchris à David, resté roi d’Israel alors qu’il avait abusé de Bethsabée."

Même chose pour les violences conjugales. Entre les mauvaises habitudes prises au service militaire à force de brutaliser les Palestiniens impunément, et la permissivité générale concernant le port d’armes « pour se défendre », les femmes ne sont pas à la fête, et doivent s’estimer heureuses quand elles ne sont pas victimes des armes de leur conjoint. (Un nombre croissant d’entre elles ont été tuées de cette manière).

Le tout dans un contexte où l’emprise des religieux ne cesse de grandir. Israel recense 830.000 Juifs ultra-orthodoxes, soit 11 % de la population, ainsi que 10 autres pourcent répertoriés en tant que nationalistes religieux imposant une observance tout aussi rigide de la religion juive, et exerçant une influence croissante au sein du gouvernement. La stricte séparation des femmes dans la rue, dans les bus, dans les queues des supermarchés, ne se cantonne plus au quartier de Mea Shearim à Jérusalem mais s’étend à de nombreuses villes.

Une mère orthodoxe de 5 enfants, raconte avoir reçu des pierres et des crachats parce qu’elle faisait un jogging (tête couverte et pantalon long) dans sa ville de Beit Shehem. Elle se bat, pour le moment sans succès, indique Laura Raim, pour faire retirer les panneaux accrochés sur les immeubles et interdisant aux femmes de porter des pantalons et de « traîner » dans les rues.


Et de manière générale, dans cet état très "moderne", les tribunaux rabbiniques, dominés par le courant ultra-orthodoxe, et exclusivement composés d’hommes (les femmes n’ayant même pas le droit d’apparaître comme témoins) demeurent seuls compétents pour statuer sur les mariages et les divorces entre Juifs. Une femme ne peut obtenir le divorce sans l’accord de son époux, qui "dispose là d’une arme de chantage redoutable pour extorquer des modalités de séparation avantageuses", remarque Laura Raim . Et si le mari refuse le divorce, la femme ne peut se remarier. Et si elle a d’autres enfants, ils sont considérés par l’Etat d"Israël comme des bâtards. (Inutile de dire que la réciproque n’est pas vraie...), explique Ruth Halperin-Kaddari, chercheuse à l’université Bar-Ilan.

Mais comme l’Etat a trop besoin des religieux et de la Bible pour justifier l’entreprise sioniste et la dépossession des Palestiniens qui en constitue le coeur, il n’est pas question pour lui, de se fâcher avec ces messieurs, quitte à soumettre les femmes à ces conditions rétrogrades, conclut la sociologue Revital Madar.

Source : Le Monde Diplomatique du mois de novembre 2017. En vente dans tous les kiosques pour celles et ceux qui ne sont pas abonnés. Et en plus de deux pleines pages très instructives sur la terrible inégalité des femmes israéliennes, de nombreux autres articles passionnants, comme celui sur la révolte des domestiques en Inde.)

CAPJPO-EuroPalestine

 

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